Conclusions du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination Raciale (CERD)

15/03/2012
Communiqué
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La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme se félicitent des conclusions que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) [1] vient de rendre sur le Vietnam, dont il avait étudié la situation les 21 et 22 février 2012. Les observations et recommandations du CERD sont accablantes pour le Vietnam qui affirmait, le mois dernier, qu’il n’y avait pas de discrimination raciale, et dont le rapport périodique, rendu « avec un retard considérable », ne fournissait aucune donnée concrète sur des cas de discrimination. Le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme avait, à cette occasion, présenté un rapport alternatif [2] au CERD et fait de nombreuses recommandations reprises par les experts de l’ONU.

Le CERD a condamné ce déni en évoquant les nombreux rapports faisant état de déplacements forcés des minorités ethniques (Degars, Hmongs, Khmers Krom, etc.), « confiscation des terres ancestrales sans accord préalable ni indemnisation appropriée pour les terres confisquées », de « double discrimination » (la discrimination religieuse couplée à la discrimination raciale), et de rapatriements forcés des membres des minorités ethniques ayant cherché refuge à l’étranger pour fuir les persécutions. En outre, constatant la disparité des bénéfices de la croissance économique, le CERD s’est dit « profondément préoccupé par le fossé socio-économique considérable entre les minorités ethniques défavorisées et la majorité Kinh, même s’ils vivent dans la même région montagneuse ».

Surtout, les experts de l’ONU se disent très préoccupés par les « arrestations, détentions arbitraires et mauvais traitements en détention des membres des groupes minoritaires du fait de leur pratique religieuse pacifique et de l’exercice pacifique de la liberté d’expression […], l’absence d’enquête efficace sur ces allégations et de réparation effective pour les victimes ». Le CERD demande donc la fin des violations des droits à la liberté d’expression, d’assemblée pacifique et d’association, de religion et en particulier, la libération de « ceux qui se trouvent en détention pour des activités qui constituent, selon les normes internationales, l’exercice pacifique des droits susmentionnés ».

La FIDH et le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme constatent avec regret que le premier geste du Vietnam après la publication des conclusions du CERD a été, le 13 mars 2012, de condamner à des peines de deux ans à 30 mois de prison, assorties de deux ans de résidence surveillée, huit Hmongs à la suite des manifestations massives et pacifiques des mois d’avril et mai 2011 dans la province septentrionale de Dien Bien. Les autorités vietnamiennes avaient recouru à l’armée et à des hélicoptères de combat pour réprimer les milliers de manifestants Hmongs.

Il ressort des conclusions du CERD qu’au Vietnam, les graves discriminations raciales sont dues, outre le désintérêt du gouvernement et la persistance des « stéréotypes » défavorables aux minorités ethniques, à tout un arsenal de lois et de mécanismes contre les droits de l’Homme ainsi qu’à l’absence de juridiction indépendante.

«  Le Vietnam montre autant de constance à violer les droits de ses citoyens qu’il montre d’inconstance à s’assurer que ses lois et pratiques soient conformes à tous les instruments internationaux des droits de l’Homme qu’il a ratifié », a dit Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

LE CERD est ainsi particulièrement préoccupé par les lois fourre-tout dont « la formulation large et imprécise de certaines dispositions, notamment l’article 87 du Code pénal, et la possible utilisation abusive de ces dispositions contre les minorités ethniques ». Outre l’article 87 qui punit le fait de « saboter la politique d’unité », les experts de l’ONU citent l’article 91 du Code pénal qui sanctionne le fait de fuir à l’étranger et qui est « incompatible avec l’article 68 de la Constitution vietnamienne ».

Faisant état « de nombreux et constants rapports sur des discriminations et restrictions sur la pratique religieuse des confessions chrétiennes et bouddhistes » au travers « de la législation, des exigences d’enregistrement, de la surveillance et des emprisonnements », ils dénoncent également l’Ordonnance concernant les Croyances Religieuses et les Activités Religieuses (2004) « qui interdit les activités religieuses considérées comme “violant la sécurité nationale” » et le Décret 22 sur la Religion qui impose le contrôle strict des religions.

Le CERD condamne en outre le Décret 38/2005/ND-CP sur l’Ordre Public (interdiction des manifestations devant les bâtiments publics) et sa Circulaire 09/2005/TT-BCA (interdiction des rassemblements de plus de 5 personnes sans autorisation) ; ainsi que l’Ordonnance 44 de 2002 qui permet de détenir pendant deux ans sans procès n’importe qui pour n’importe quel motif. Dans ses conclusions, le CERD appelle à ce que ces textes soient réformés.

Le CERD demande également la révision du système du Hộ khẩu ou système d’enregistrement des familles qui « aboutit à la discrimination contre les minorités ethniques appartenant à des groupes religieux “non-reconnus”, dans le domaine de l’embauche, de la sécurité sociale, des services de santé, de l’éducation et du droit à la liberté de mouvement ». Le Hộ khẩu, qui contient des détails sur l’origine ethnique, la religion et les antécédents politiques de tous les membres de la famille, est un document essentiel pour les voyages, le travail, le mariage, les naissances et l’accès aux services publics et est utilisé pour contrôler la population vietnamienne.

«  De façon diplomatique mais très ferme, le CERD demande ce que souhaitent tous les Vietnamiens : le démantèlement de l’Etat totalitaire et arbitraire. Les discriminations raciales dont souffrent les minorités ethniques du Vietnam sont extrêmement graves et elles ne pourront cesser tant que l’appareil répressif vietnamien sera en place  », a déclaré Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme. « Le CERD recommande que ses observations soient rendues publiques et diffusées au Vietnam, mais nous doutons que le gouvernement vietnamien, qui prend ses dénis pour la réalité, accepte. Il revient donc à la communauté internationale — la presse internationale, les ONG, les gouvernements démocratiques, etc, d’informer le peuple vietnamien ».

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