Thaïlande : plus de 200 personnes accusées de lèse-majesté

17/06/2022
Communiqué
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Thiti Wannamontha / Bangkok Post via AFP

Bangkok-Paris, 19 juin 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Thai Lawyers for Human Rights (TLHR) avertissent qu’en à peine 18 mois, le nombre de personnes accusées de diffamation royale en Thaïlande a dépassé 200. Les arrestations, les détentions et les poursuites au nom de l’article 112 du Code pénal thaïlandais (lèse-majesté) ont principalement visé des militant·es et des manifestant·es pro-démocratie qui ont exercé leur droit à la liberté d’expression, y compris en ligne.

« Au rythme actuel des poursuites, et compte tenu des taux de condamnation traditionnellement élevés dans les procès pour lèse-majesté, la Thaïlande pourrait bientôt devenir l’un des pays comptant le plus grand nombre de prisonnier·es politiques dans la région. Le gouvernement thaïlandais doit mettre immédiatement un terme à cette épidémie de lèse-majesté et se conformer à ses obligations internationales en matière de droits humains. »

Adilur Rahman Khan, secrétaire général de la FIDH

Selon les informations recueillies par TLHR, entre le 24 novembre 2020 et le 16 juin 2022, 201 personnes - dont 16 enfants - ont été inculpées en vertu de l’article 112, qui prévoit des peines de prison pour ceux qui diffament, insultent ou menacent le roi, la reine, l’héritier du trône ou le régent. Les personnes reconnues coupables de violation de l’article 112 encourent des peines de prison allant de trois à quinze ans pour chaque chef d’accusation. Certaines personnes accusées de lèse-majesté font face à de nombreuses poursuites et peines de prison allant de 120 à 300 ans.

La vague actuelle de poursuites et d’arrestations pour lèse-majesté a commencé fin novembre 2020, après que le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-ocha se soit engagé à appliquer « toutes les lois et tous les articles » contre les leaders et les manifestant·es pro-démocratie.

Au moment de la rédaction de ce rapport, au moins quatre personnes accusées de lèse-majesté sont détenues dans l’attente de leur procès. Il s’agit de Natthanit et Netiporn [noms de famille non-divulgués], membres de Thalu Wang [1] et de Private Mathin [pseudonyme]. Le 2 juin 2022, Natthanit et Netiporn ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur privation de liberté. En outre, deux autres personnes, Anchan Preelerd et Sombat Tongyoi, restent derrière les barreaux après avoir été condamnées à des peines d’emprisonnement de 87 ans et six ans, respectivement.

Divers mécanismes de surveillance des droits humains des Nations unies (ONU) ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude concernant les poursuites pour lèse-majesté en Thaïlande et l’application sévère de l’article 112. Ils ont également appelé à la modification ou à l’abrogation de l’article 112.

Depuis août 2012, le Groupe de travail des Nations unies sur la Détention arbitraire (WGAD) a déclaré que la privation de liberté de neuf détenu·es de lèse-majesté était « arbitraire » car elle contrevenait à plusieurs dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels la Thaïlande est partie. Huit de ces détenu·es ont été libéré·es après avoir purgé leur peine d’emprisonnement, tandis que le neuvième, Anchan Preelerd, reste incarcéré.

L’arrestation et la poursuite d’enfants en vertu de l’article 112 sont également incompatibles avec les obligations de la Thaïlande en vertu du droit international. L’article 13(1) de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE), à laquelle la Thaïlande est partie, stipule que les enfants ont droit à la liberté d’expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations et des idées de toute nature. L’article 37(b) de la CDE stipule que les enfants ne doivent pas être privé·es de leur liberté de manière arbitraire ; et que l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement des enfants doivent être une mesure de dernier ressort.

La FIDH et la TLHR réitèrent leurs appels au gouvernement thaïlandais pour qu’il s’abstienne de procéder à des arrestations, des poursuites et des détentions d’individus en raison de l’exercice légitime et pacifique de leur droit fondamental à la liberté d’expression. La FIDH et la TLHR exhortent également le gouvernement thaïlandais à modifier l’article 112 afin de le mettre en conformité avec les obligations de la Thaïlande en matière de droits humains au titre du PIDCP.

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