Sri Lanka : libérer les étudiant·es militant·es détenu·es arbitrairement en vertu de la loi anti-terroriste

AntanO, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Paris-Genève, 18 octobre 2022. Les étudiant⋅es universitaires Venerable Welwewa Siridhamma et Wasantha Mudalige sont en détention arbitraire depuis déjà deux mois, après avoir été arrêté⋅es pour avoir participé pacifiquement à des manifestations nationales. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (partenariat entre l’Organisation mondiale contre la torture - OMCT et la Fédération internationale pour les droits humains - FIDH) dénonce le fait que les deux étudiant⋅es ont été inculpé⋅es en vertu de la loi draconienne relative à la prévention du terrorisme (dispositions provisoires) et qu’il⋅elle ont été détenu⋅es dans des conditions pouvant relever d’actes de torture ou de mauvais traitements et portant atteinte à leurs droits à une procédure régulière.

Le 18 août 2022, Venerable Welwewa Siridhamma et Wasantha Mudalige ont été arrêté⋅es, avec un autre membre de la Inter-University Students Federation (IUSF) Hashantha Jeewantha Gunathilake, pour s’être impliqué⋅es dans l’organisation et la participation à des manifestations anti-gouvernementales pacifiques et prolongées à Colombo. À plusieurs occasions, la police a violemment dispersé les manifestant⋅es à coups de gaz lacrymogènes, de canons à eaux, de flashballs et de matraques, dans un contexte de violente répression.

Pendant trois jours, leur lieu de détention est resté inconnu de leurs familles, jusqu’à ce que leurs avocat⋅es soient informé⋅es, le 22 août 2022 que le Président Ranil Wickremesinghe avait signé, en sa qualité de ministre de la Défense, trois ordres de détention de 90 jours à l’encontre des étudiant⋅es en vertu de l’article 9 de la loi relative à la prévention du terrorisme. La police a justifié leur arrestation en vertu de cette loi, en alléguant qu’ils avaient besoin d’enquêter pour savoir si les trois étudiant⋅es militant⋅es avaient incité et entraîné le grand public à mettre le feu à la résidence privée de M. Wickremesinghe, causé l’assassinat d’un parlementaire et encouragé la population à renverser un gouvernement élu légalement, enfreint une décision judiciaire, entre autres actes.

Le 7 octobre 2022, après 50 jours de détention arbitraire en isolement, Hasantha Jeewantha a été libéré sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre lui par la Tangalle Magistrates Court, Southern Province, après que la Terrorist Investigations Division (TID) de la police a informé la cour des preuves insuffisantes pour maintenir l’étudiant en détention. Au moment de la publication de cette déclaration, Venerable Welwewa Siridharmma et Wasantha Mudalige sont toujours détenu⋅es arbitrairement dans des cellules sombres et isolées, sans avoir le droit de communiquer en privé avec leurs avocat⋅es.

Contrairement aux arrestations et détentions ordonnées dans le cadre du droit commun, les ordonnances de mise en détention prises dans le cadre de la loi relative à la prévention du terrorisme (PTA) ne font pas l’objet d’un contrôle judiciaire régulier, et permettent par conséquent de maintenir une détention administrative jusqu’à un an sans obligation de présenter la défense devant un tribunal, ce qui est contraire aux normes internationales en matière de protection des droits humains et augmente les probabilités de disparition forcée, de torture et mauvais traitements. La loi PTA fait l’objet d’un mésusage systématique pour réprimer les protestations de la société civile et les assimiler à des activités terroristes.

Les dispositions de la loi PTA et ses applications ont longtemps fait l’objet de critiques virulentes à l’échelle nationale comme internationale. Certaines sections de la loi ont été amendés le 29 mars 2022, suite à l’engagement du Sri Lanka de réformer la PTA dans le cadre des négociations d’aide commerciale avec l’Union européenne. Cependant, des groupes de défense de droits humains nationaux et internationaux, la Sri Lankan National Human Rights Commission et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, ont dénoncé l’insuffisance de ces réformes. Les amendements concernaient la réduction de la durée maximale de détention provisoire de 18 à 12 mois et le renforcement des droits de visite des magistrat·es sur les lieux de détention. Aucun amendement n’a été proposé pour résoudre le manque de clarté de la définition du terrorisme, et le problème des aveux obtenus sous la torture.

L’Observatoire condamne fortement la détention arbitraire dont sont actuellement victimes Venerable Welwewa Siridharma et Wasantha Mudalige en vertu de la loi PTA et appelle les autorités sri-lankaises à les libérer immédiatement et à mettre fin au harcèlement judiciaire à leur encontre.

L’Observatoire demande instamment aux autorités de garantir l’exercice légitime des droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association prévus par la constitution et de mettre fin aux mésusages de la loi relative à la prévention du terrorisme contre des défenseur·es des droits humains, des manifestant·es et des journalistes. L’Observatoire rappelle que les lois anti-terroristes doivent toujours faire l’objet d’un contrôle judiciaire approprié, de précision et de sécurité juridique. L’Observatoire appelle les autorités sri-lankaises à amender de manière significative la loi PTA afin qu’elle soit conforme aux normes internationales, et de prévoir des dispositions et des mesures visant à empêcher la privation de liberté arbitraire, la torture et les disparitions forcées.

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