Paris, La Haye, Manille, 14 mars 2025. Aujourd’hui, la FIDH et son organisation membre, Pahra, saluent le transfert de l’ancien Président philippin Rodrigo Duterte à la CPI, alors qu’il comparaissait pour la première fois devant la Cour. Cette étape marque une avancée importante vers l’établissement des responsabilités des auteur·es présumé·es de crimes contre l’humanité aux Philippines. La campagne répressive menée par Rodrigo Duterte, qualifiée de « guerre contre la drogue », a fait des milliers de victimes, pour la plupart issues de communautés pauvres et urbaines, dont beaucoup ont été tuées lors d’opérations de police ou d’attaques menées par des groupes d’autodéfense, souvent dans des lieux publics.
Rodrigo Duterte fera face à ces accusations de crimes contre l’humanité lors de l’audience de confirmation des charges, fixée au 23 septembre 2025. Durant cette audience, les juges de la CPI détermineront s’il y a des motifs substantiels de croire que le suspect a commis les crimes dont il est accusé pour engager un procès. Malgré le retrait des Philippines du statut de Rome en 2019, la CPI reste compétente pour juger les crimes commis entre le 1er novembre 2011 et le 16 mars 2019.
Aux Philippines, les victimes et les survivant·es attendent que justice soit rendue depuis trop longtemps. Pour Edgardo « Egay » Cabalitan, secrétaire général de Pahra, « l’arrestation de Rodrigo Duterte est une avancée majeure dans la quête de justice pour les victimes de la ’guerre contre la drogue’ et leur famille, après qu’elles ont été abandonnées par le système judiciaire philippin, qui n’a pas réussi à établir la responsabilité des auteur·es de crimes. La plupart d’entre elles n’ont jamais eu l’occasion d’être entendues par un tribunal, faute d’enquête en bonne et due forme ou de reconnaissance officielle des actes répréhensibles. Un procès devant la CPI permettra enfin de reconnaître officiellement leurs souffrances. C’est une étape déterminante pour les victimes aux Philippines, et pour tou·tes celles et ceux qui attendent toujours d’obtenir justice partout dans le monde ».
Les autorités philippines ont agi avec fermeté en coopérant avec la Cour
À l’heure où la CPI fait face à de multiples menaces sérieuses, notamment des sanctions de la part des États-Unis, des appels à stopper son financement et à bloquer ses enquêtes, des tentatives d’espionnage, des cyberattaques et la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre des fonctionnaires de la Cour, la comparution de Rodrigo Duterte devant la CPI envoie un message fort sur la légitimité de la Cour et sa capacité à tenir les dirigeant·es responsables de leurs actes.
Ce transfert permet également à la CPI de remplir son mandat dans un contexte où l’absence de procès à venir et les salles d’audience vides font l’objet d’une attention croissante. Malgré plus de 30 mandats d’arrêt publics non exécutés, les États parties à la CPI ont, à plusieurs reprises, manqué à leur obligation de coopérer avec la Cour en ce qui concerne les arrestations et les remises de suspect·es. Près de deux mois après que l’Italie, État partie à la CPI, a refusé de remettre un suspect à la Cour, les autorités philippines ont agi avec fermeté en coopérant avec la Cour. Cette coopération démontre qu’il est possible d’obliger les dirigeant·es à répondre de leurs actes dès lors qu’il existe une volonté politique, et ce malgré le fait que les Philippines se soient retirées du statut de Rome.
L’audience du 14 mars 2025 montre que la justice internationale peut être rapide lorsque les conditions politiques sont réunies et que les États coopèrent. La reddition de Rodrigo Duterte montre qu’il ne peut plus échapper à la justice.
Pour Guissou Jahangiri, secrétaire générale de la FIDH, « le procès de Rodrigo Duterte est important non seulement pour les victimes des crimes présumés, mais aussi pour la justice internationale. Il renforce la mission principale de la CPI : demander des comptes même aux plus puissant·es. Alors que la Cour délivre des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs chefs d’État, la comparution de M. Duterte nous rappelle, de manière saisissante, que nul·le n’est au-dessus des lois. Le message adressé aux autres dirigeant·es est clair : si aujourd’hui vous vous sentez protégé·es, un jour l’obligation de rendre des comptes vous rattrapera. Nul·le ne peut bénéficier de l’impunité pour toujours. »
Saluant le transfert de M. Duterte à la CPI, qui représente une étape cruciale vers la fin de l’impunité pour les principaux crimes internationaux, la FIDH et Pahra exhortent les Philippines à rejoindre de nouveau la CPI afin de démontrer clairement leur engagement en faveur de la justice internationale. Elles appellent les Philippines à mener des enquêtes sérieuses et à demander des comptes aux autres responsables des crimes commis dans le cadre de la « guerre contre la drogue », y compris les policier·es et les fonctionnaires qui ont exécuté ou approuvé les meurtres, que ce soit par le biais de processus nationaux de mise en accusation ou par une coopération plus poussée avec la CPI.