De nouvelles atteintes au pouvoir judiciaire : La communauté internationale doit réagir

14/12/2007
Communiqué
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La Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), une organisation membre de la FIDH, a rendu publique hier une liste de 578 personnes arrêtées depuis l’état d’urgence au Pakistan, parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des militants politiques, dans les diverses provinces du Pakistan (Pendjab, Sind, Balouchistan et la Province de la Frontière du Nord-Ouest). Tandis que certaines ont été relâchées, d’autres restent en détention. Comme l’a souligné HRCP, cette liste est loin d’être exhaustive.

Des avocats et des militants politiques sont constamment arrêtés : plus de 900 avocats sont en détention à Lahore, Gujranwala, Faisalabad et Kasur seulement. Le 13 novembre, l’ex-président de HRCP, Afrasiab Khattak, ainsi que d’éminents avocats ont été arrêtés à Karachi. A Lahore, de nombreuses personnes libérées précédemment ont de nouveau été arrêtées.

Dans un nouvel élan pour renforcer le contrôle de l’armée sur le pays, le 10 novembre 2007, le général-président Pervez Musharraf a promulgué une ordonnance amendant la loi sur l’armée du Pakistan de 1952 et a donné le pouvoir aux tribunaux militaires de juger les civils pour un grand nombre d’infractions. Les amendements prendront effet de manière rétroactive à partir du 1er janvier 2003.

"Ceci va évidemment à l’encontre des principes d’indépendance et d’impartialité du pouvoir judiciaire. Au regard du droit international des droits de l’Homme, les civils devraient toujours comparaître devant les tribunaux ordinaires, et ce dans tous les cas", a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

La loi sur l’armée telle qu’amendée donne le pourvoir au tribunaux militaires de juger de nombreuses infractions inscrites dans diverses lois dont la loi pour la prévention d’activités antinationales de 1974 et la loi antiterroriste de 1997, ainsi que toute tentative de commettre de telles infractions. La FIDH a déjà fortement critiqué la loi antiterroriste dans le passé à cause de sa définition excessivement large des attaques terroristes, du grand pouvoir donné aux responsables de l’application des lois qui ouvre la voie aux abus par la police, et pour ses violations des garanties relatives au procès équitable1.

Le Procureur général aurait justifié ces amendements en avançant qu’ils étaient essentiels dans la lutte contre le terrorisme. La FIDH rappelle qu e la protection des droits de l’Homme ne peut céder le pas sur l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Au contraire, comme l’a souligné Kofi Annan, " si l’on se place sur le long terme, on voit que les droits de l’Homme, la démocratie et la justice sociale forment l’un des meilleurs remèdes contre le terrorisme."2

De plus, il a été annoncé que la loi sur le barreau serait prochainement amendée en vue de donner le pouvoir aux juges d’attribuer, de suspendre ou d’annuler les licences des avocats – une tâche qui revient actuellement au conseil du barreau. Selon Souhayr Belhassen, "ces amendements ont aussi pour objectif de limiter l’indépendance des avocats, et de les réduire au silence afin de renforcer le contrôle de Musharraf sur le pays".

Les autorités pakistanaises ont pris des mesures extrêmement sévères vis-à-vis des médias depuis le début de l’état d’urgence : des réglementations très restrictives pour la presse écrite et les médias audiovisuels ont été émises depuis le 3 novembre, qui interdisent les reportages sur un certain nombre de questions dites sensibles, avec la possibilité d’imposer de lourdes amendes, des peines de prison et de confisquer le matériel en cas d’infraction.
La FIDH fait écho aux demandes de la société civile pakistanaise pour que, avant que des élections libres et équitables aient lieu :
l’état d’urgence et l’ordre constitutionnel provisoire (PCO) soient immédiatement révoqués, et que la Constitution soit restaurée dans sa plénitude,
le président de la Cour suprême du Pakistan destitué, Iftikhar Muhammad Chaudhry, et les juges de la Cour suprême et des hautes courts qui n’ont pas prêté serment sous le PCO réintègrent leurs fonctions,
tous les avocats, journalistes, militants de la société civile et prisonniers politiques soient libérés,
les propositions d’amendements à la loi sur le barreau soient retirées,
le général Musharraf ouvre la voie à un processus politique pour éclaircir sa stratégie de sortie.
La FIDH se félicite de la décision du Groupe d’action ministériel du Commonwealth du 12 novembre de proposer un certain nombre de mesures que le Pakistan devra mettre en place avant le 22 novembre 2007. En cas de non application, le Pakistan risquerait la suspension du Commonwealth car le gouvernement pakistanais a violé les valeurs politiques fondamentales du Commonwealth.

La FIDH appelle maintenant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, dont le Pakistan est membre, à organiser de manière urgente une session extraordinaire pour discuter des sérieuses atteintes aux droits de l’Homme, à la démocratie et à l’Etat de droit au Pakistan. "En tant que membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le gouvernement pakistanais a le devoir d’observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’Homme", a conclu Souhayr Belhassen. "Il est temps maintenant pour la communauté internationale de condamner de manière unanime les récents évènements au Pakistan, et de lancer un appel pour prendre des mesures immédiates avant la tenue d’élections ".

Contact presse : Karine Appy/Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 14 12 / + 33 1 43 55 25 18

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