Lettre ouverte à Mohamad Mahathir

20/10/2003
Communiqué
en fr

Excellence,

Nous vous adressons cette lettre pour vous exprimer nos plus vives préoccupations quant au discours que vous avez prononcé lors de la cérémonie d’ouverture de la dixième session du sommet de l’Organisation de la conférence islamique.

Vous avez déclaré à cette occasion : « 1.3 milliard de musulmans ne peuvent être vaincus par quelques millions de juifs. Il doit y avoir une solution. Et nous ne pouvons trouver cette solution que si nous arrêtons de penser, d’évaluer nos faiblesses et nos forces, de planifier, de mettre en place des stratégies et ensuite de contre-attaquer. (...) Les Européens ont tué 6 millions de juifs, sur 12 millions. Mais aujourd’hui les juifs dirigent le monde par procuration. Ils obtiennent des autres qu’ils combattent et meurent pour eux ».

Le 20 octobre, vous avez réitéré ces propos.

La FIDH et SUARAM considèrent que de telles déclarations brutales sont clairement racistes et encouragent la haine entre les différentes communautés religieuses. Les chefs d’Etats et les gouvernements doivent jouer un rôle constructif eu égard aux conflits qui perdurent au Moyen Orient et certainement pas encourager la haine et la violence par des discours démagogiques.

La politique d’Israël envers les Palestiniens est en violation flagrante du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire international. Nos organisations, et la FIDH en particulier, ont constamment condamné de telles violations et n’ont de cesse de multiplier les efforts pour apporter leur soutien aux défenseurs des droits de l’Homme et aux mouvements en faveur de la paix en Palestine et en Israël. Seul le dialogue peut conduire à mettre fin au conflit.

Cependant, la condamnation de la politique du gouvernement israélien ne doit en aucun cas conduire à des déclarations antisémites ayant pour cible le peuple juif en général. Une telle confusion ne sert qu’à nourrir le fanatisme et la violence. Ce peut être aussi un moyen pour les régimes autoritaires d’éviter les critiques internes en détournant l’attention de l’opinion vers un enjeu de politique internationale particulièrement sensible.
Enfin, se référer à la liberté d’expression pour justifier votre droit de prononcer de tels propos qui, de fait, incitent à la haine raciale et religieuse est non seulement inacceptable mais aussi inadmissible : il est un principe de base en droit international des droits de l’Homme que les droits de l’Homme ne peuvent en aucun cas être utilisés pour justifier la violation d’autres droits.

La FIDH et SUARAM entendent saisir les mécanismes appropriés des Nations unies.

La FIDH et SUARAM vous demandent de revenir sur vos déclarations.

Nous vous prions d’agréer, Excellence, l’expression de notre haute considération,

Au nom de la FIDH et SUARAM

Sidiki Kaba
Président de la FIDH

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