Paris, 14 octobre 2025. Le 26 septembre 2025, le CDESC des Nations unies CDESC a rendu publiques ses conclusions et recommandations sur le Laos (sous le titre de « Observations finales »), suite à l’examen du premier rapport du pays dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui s’est tenu les 18 et 19 septembre 2025 à Genève. Le CDESC est chargé de surveiller la mise en œuvre des dispositions du PIDESC par les États parties, dont le Laos.
Certaines des observations finales du CDESC reflètent l’information transmise par la FIDH et le LMHR dans leur rapport conjoint dans le cadre de l’examen du Laos par le CDESC.
Le CDESC a par exemple exprimé « sa profonde inquiétude » concernant les défenseur·es des droits humains et les représentant·es de la société civile œuvrant à la défense des droits économiques, sociaux et culturels qui ont fait l’objet d’intimidation, de menaces, de harcèlement, d’arrestations et de détentions arbitraires, de poursuites pénales injustifiées, de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de répression aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. Le CDESC s’est également dit préoccupé par les « efforts insuffisants » consentis par les autorités laotiennes pour protéger de manière adéquate les défenseur·es et pour mener des enquêtes rapides, efficaces et impartiales et infliger aux auteur·ices des sanctions appropriées aux violations commises.
Le comité a recommandé au gouvernement laotien de renforcer la protection des défenseur·es des droits humains, des journalistes et des militant·es œuvrant à la défense des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que leurs proches. Il a par ailleurs invité les autorités du pays à veiller à ce que les responsables de ces violations fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et à ce que les victimes obtiennent réparation, et ce dans les plus brefs délais, de manière efficace et impartiale. Le CDESC a également appelé le gouvernement à veiller à ce que la législation ne soit pas utilisée abusivement pour restreindre les activités des détracteur·ices du gouvernement, des défenseur·es des droits humains et des militant·es.
Concernant le volet entreprises et droits humains, le CDESC a émis des réserves sur les obligations légales insuffisantes imposées par le Laos aux entreprises exerçant leurs activités dans le pays en matière de diligence raisonnable dans le domaine des droits humains. Il a également émis des craintes sur l’absence de plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits humains. Le comité s’est aussi dit préoccupé par l’impact environnemental de « projets d’aménagement de grande ampleur », notamment la construction de barrages et de centrales hydroélectriques, et la création de zones économiques spéciales (ZES), qui ont remis en cause le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones, des minorités ethniques et d’autres communautés locales. Le CDESC a demandé au gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action national sur les entreprises et les droits humains, avec la participation de l’ensemble des parties prenantes concernées, y compris les entreprises, les organisations de la société civile et les communautés autochtones et locales. Le comité a préconisé la mise en place de mesures obligeant les entreprises à exercer leur devoir de vigilance en matière de droits humains afin de prévenir toute atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels, et la garantie que les responsables de violations de ces droits résultant de l’activité des entreprises et des projets d’aménagement rendent des comptes et que les victimes obtiennent réparation à hauteur du préjudice causé. En outre, le comité a exhorté le gouvernement à « mener de manière systématique des consultations préalables effectives avec les communautés locales concernées » ainsi que des « études d’impact indépendantes sur les droits humains et l’environnement » avant d’autoriser les entreprises à exercer leur activité, développer des projets et d’octroyer des concessions relatives aux terres ou aux ressources.
Le CDESC a aussi fait part de son inquiétude concernant « l’insuffisance de la protection des travailleur·ses et leur exploitation », notamment la traite d’êtres humains, le travail forcé et la servitude pour dettes, dont sont victimes à la fois les travailleur·ses laotien·nes et étranger·es, en particulier les femmes et les enfants dans les ZES. Le comité a invité le gouvernement à renforcer la protection des travailleur·ses dans les ZES contre les risques de pratiques abusives, notamment en leur garantissant un « accès à des mécanismes de recours efficaces, indépendants et confidentiels » et en traduisant les responsables de ces crimes en justice.
En outre, le CDESC a constaté avec inquiétude que le salaire minimum des travailleur·ses était toujours insuffisant pour leur garantir un niveau de vie décent dans un contexte permanent de taux d’inflation élevé et de dépréciation de la monnaie nationale. Le comité a appelé le gouvernement à garantir un salaire minimum à l’ensemble des travailleur·ses, à indexer régulièrement les niveaux de rémunération sur le coût de la vie et à renforcer la mise en œuvre de ces mesures par le biais de contrôles et de mécanismes de recours.
Plusieurs recommandations du CDESC, en particulier celles qui concernaient les défenseur·es des droits humains et les projets d’infrastructure et d’aménagement, étaient cohérentes avec celles qui avaient été faites par les États membres des Nations unies dans le cadre du quatrième Examen périodique universel (EPU) du Laos en avril 2025.
Le gouvernement a accepté trois des quatre recommandations dans le cadre de l’EPU concernant les projets d’infrastructure et d’aménagement, qui appelaient à consulter de manière cohérente et constructive les communautés affectées et à leur verser des indemnisations.
Cependant, le gouvernement a refusé d’accepter 11 des 13 recommandations relatives aux défenseur·es des droits humains, activistes, et acteur·ices de la société civile, notamment celles qui appelaient à mener des enquêtes rapides, impartiales et indépendantes sur les exécutions, les disparitions, les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que d’autres violations à leur encontre. Le gouvernement a ouvertement nié l’existence de telles violations dans le pays.
La FIDH et le LMHR ont invité instamment le gouvernement laotien à mettre en œuvre les recommandations qu’il avait acceptées et à réviser sa position concernant celles qu’il avait refusées, qui, à la lumière des observations finales du CDESC, s’inscrivent dans les obligations internationales du pays en matière de droits humains.