Visite du Président Khatami en France

26/10/1999
Rapport

A l’occasion de la visite, du 27 au 29 octobre, du Président de la République islamique d’Iran, Monsieur Mohamed Khatami, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue pour la défense des droits de l’Homme en Iran (LDDHI), tiennent à exprimer de leur préoccupation à l’égard de la situation qui prévaut actuellement en Iran.

Selon nos informations, à l’heure actuelle, plus de 800 personnes, arrêtées à la suite des événements du mois de juillet, seraient poursuivies devant des tribunaux révolutionnaires. En effet, selon le Premier président des Tribunaux révolutionnaires de Téhéran, quatre d’entre eux ont déjà été condamnés à mort et 45 auraient été condamnées à des peines de prison ferme. Aucune indication n’a été donnée sur l’identité des personnes poursuivies, ni sur leur lieu de détention et leurs familles n’ont pu visiter les détenus. Nos organisations sont extrêmement préoccupées par ces condamnations et les conditions dans lesquelles elles ont été prononcées ; et par les conditions de détention des personnes arrêtées à la suite des manifestations du mois de juillet. Elles demandent la libération inconditionnelle et immédiate de toutes ces personnes, la révision publique des procès des personnes d’ores et déjà condamnées dans le cadre de cette affaire et la poursuite devant les autorités juridiques compétentes et indépendantes de tous les auteurs et commanditaires des attaques organisées à l’encontre du Campus universitaire de Téhéran en juillet dernier, sans considération de leurs responsabilités politiques, religieuses ou administratives. Par ailleurs, nos organisations condamnent à nouveau le recours à la peine de mort.

De plus, la FIDH et la LDDHI demeurent vivement préoccupées par la situation de 13 juifs iraniens, dont un mineur, incarcérés depuis le mois de mars 1999. Messieurs Navid Ballazadeh, Nejat Beroukhim, Shahrokh Paknahad, Farhad Seleh, Javeed Beit Yaghoub, Yasher Zadmehr, Nasser Yaghoub Levy Haim, Ramine Nemati, Farzad Kashi, Faramarz Kashi, Danny Tefileen, Omid Tefileen et Ramine Ferzam, sont accusés d’espionnage et encourent la peine de mort. Au regard des faits, il apparaît clairement qu’il s’agit d’accusations montées de toutes pièces et en tout état de cause qu’aucun des droits de la défense n’a été respecté. La FIDH et la LDDHI estiment que ces arrestations sont arbitraires et constituent une discrimination manifeste à l’égard d’une minorité religieuse. En conséquence, nos organisations demandent la libération inconditionnelle et immédiate de ces 13 personnes et appellent le président Khatami à diligenter une enquête afin d’établir les responsabilités dans la manipulation manifeste des faits à des fins politiques.

La FIDH et la LDDHI tiennent à rappeler leurs plus vives préoccupations à l’égard de l’évolution de la liberté d’expression en Iran. Depuis 18 mois, la répression à l’égard des intellectuels, écrivains, journalistes et défenseurs des droits humains ne cesse de s’intensifier. Ainsi, à la fin de l’année 1998, 5 intellectuels ont été assassinés. Les plus hauts responsables des services de Renseignement ont eux-mêmes reconnu l’implication de leurs agents dans ces meurtres. Il est intolérable que malgré cela, l’identité de ces agents n’ait pas été révélée, qu’aucune sanction ait été prise et que ces meurtres demeurent encore impunis.

Le 21 avril 1999, Mohsen Kadivar, théologien, essayiste et auteur de plusieurs articles sur la compatibilité de l’Islam avec les droits humains, a été condamné à une peine de 18 mois de prison ferme. Il était accusé d’activités subversives et de diffamation à l’égard du régime islamique. Cette condamnation fait suite à la publication d’une interview dans laquelle il comparait le régime de la République islamique d’Iran au régime impérial, en matière de perpétration de violations des libertés fondamentales.

Enfin, de nombreuses atteintes à la liberté de la presse ont pu être constatées au cours de cette année et à l’heure actuelle au moins 2 journalistes sont en détention. En Iran, la liberté de la presse est devenue à la fois l’enjeu, le révélateur et le catalyseur, des luttes entre différents clans au sein du pouvoir et ce sont les intellectuels qui font les frais de ces luttes.

Enfin, d’une manière générale, la FIDH et la LDDHI appellent les plus hautes autorités iraniennes à tout mettre en oeuvre pour aboutir à une réforme en profondeur de l’ensemble du système juridico-politique iranien. La République islamique d’Iran est en effet tout entière fondée sur le socle du droit divin, au nom duquel ont été, et sont encore, commises les dérives les plus inadmissibles du régime iranien. Ces violations des droits de l’Homme sont également la conséquence à la fois d’une sacralisation des institutions qui destitue le peuple de sa souveraineté, de l’usurpation d’une partie du clergé qui refuse de s’en dessaisir et d’une lutte d’ordre strictement politique qui prend en otage l’ensemble de la classe intellectuelle. Nos organisations demandent aux autorités françaises de faire part au Président Khatami de ces préoccupations et qu’elles insistent auprès de lui pour qu’il agisse de manière déterminée en faveur des libertés. Enfin, nos organisations demandent à la communauté internationale de tout mettre en oeuvre pour obtenir une réforme en profondeur du système iranien.

Au regard des événements qui se sont déroulés depuis plus d’un an et de la situation générale en Iran en matière de droits de l’Homme, la FIDH et la LDDHI appellent une fois encore les autorités à accepter l’envoi d’une mission internationale d’enquête en Iran.

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