Karim Lahidji : "L’Iran n’a toujours pas mis fin aux exécutions de mineurs"

21/03/2013
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Entretien avec Karim Lahidji, vice-président de la FIDH et président de la Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran.

Q : Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU s’apprête à renouveler le mandat du Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran. Quel sens donner à cet événement ?

La situation des droits de l’homme en Iran est à l’agenda de l’Assemblée Générale et d’autres organes onusiens depuis de nombreuses années, en raison des violations chroniques des droits et des libertés fondamentales dans ce pays. Mais dans un contexte de dégradation constante de la situation des droits de l’Homme en Iran, la mission du Rapporteur Spécial, nommé en 2011, est capitale. Elle est considérée tant par les victimes de violations des droits de l’homme, leurs familles que par nous mêmes comme la seule voie de pression sur les autorités iraniennes afin qu’elles abandonnent cette politique de répression. Le renouvellement du mandat par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU est en ce sens un signal fort.

Q : La FIDH et la LDDHI ont publié une liste des défenseurs des droits de l’homme actuellement emprisonnés pour des raisons directement liées à leurs activités. Quelle est la situation des défenseurs des droits de l’homme en Iran aujourd’hui ?

L’Iran est une des plus grandes prisons au monde pour les défenseurs des droits de l’homme. Depuis 2009 et la répression faisant suite aux contestations des résultats des élections présidentielles, nombreux ont été les défenseurs, avocats et journalistes arrêtés, soumis à des procès abusifs et enfermés pour les empêcher d’agir. Dix avocats, une trentaine de journalistes et des dizaines d’activistes de la société civile iranienne sont actuellement en prison. Nasrin Sotoudeh, Abdolfattah Soltani, Mohammade Seyfzadeh et Mohammad Ali Dadkhah ont été condamnés à des peines de 6 à 11 ans de prison pour avoir assuré une défense juridique aux prisonniers politiques. Dans ce contexte, quelle marge d’action pour les défenseurs des droits aujourd’hui ? La répression est systématique et les personnes engagés pour la défense des droits des iraniens n’ont de choix qu’entre les persécutions et l’exile.

Q : La politique pénale, et particulièrement les motifs de condamnations et les conditions d’exécutions de la peine de mort, sont parmi les préoccupations majeures dont font état les organisations de la société civile. Quelles ont été les tendances récentes à ce sujet ?

Le code pénal islamique, datant de 1991, a été l’objet récemment d’une série de modifications, qui ne sont toutefois pas encore applicables. Cette réforme a été une grande occasion manquée. Malgré les recommandations répétées de différents organes de l’ONU, de nombreux états dans le cadre de l’Examen Périodique Universel et de nombreuses ONGs, le nouveau code restera l’un des plus « généreux » en ce qui concerne l’application de la peine de mort. Celle-ci s’applique et est pratiquée non seulement pour les crimes communs, mais aussi pour les délits d’opinion, pour le trafic de drogue ou pour atteinte aux mœurs. L’Iran n’a pas non plus mis fin aux exécutions de mineurs. C’est pourquoi 500 à 600 personnes au bas mot sont exécutées tous les ans en Iran depuis plus de 5 ans.

Q : En juin 2013 auront lieux les élections présidentielles en Iran. Les derniers scrutins en 2009 avaient été suivis de manifestations auxquelles ont répondue une répression accrue sur les libertés de rassemblement, d’association et d’expression notamment, ainsi que l’arrestation de plusieurs candidats, notamment MM. Moussavi et Karoubi. Quel est l’état des libertés politiques en Iran à la veille des élections ?

La situation – déjà critique - s’est encore détérioré ces derniers mois. Des centaines de personnes arrêtées à la suite des manifestations pacifiques de 2009, sont toujours en prison. MM. Karoubi et Moussavi, ainsi que son épouse sont détenus à domicile depuis 2 ans. La FIDH et LDDHI ont obtenus du Groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires la confirmation du caractère arbitraire de ces emprisonnements et un appel à leur libération immédiate. Dernièrement la pression sur les médias s’est intensifiée et une vingtaine de journalistes ont été arrêtés, pour avoir eu des contacts avec les médias étrangers. En somme, à la veille des élections, tous les moyens de pression et d’intimidation sont utilisés pour que les événements de 2009 ne se produisent plus.

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