Iran : Le procureur annonce l’exécution de plusieurs centaines de personnes à Téhéran

08/06/2011
Communiqué
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La FIDH et la LDDHI appellent la communauté internationale à faire pression sur les autorités iraniennes face à l’augmentation du nombre des condamnations à mort et des exécutions.

« Les autorités iraniennes prévoient l’exécution de centaines de personnes supplémentaires. Elles usent en permanence de cette politique d’exécutions, et notamment des pendaisons publiques, pour terroriser la population et la dissuader de réclamer le respect de leurs droits fondamentaux. Les minorités ethniques sont particulièrement ciblées. De surcroît, les autorités iraniennes privent les condamnés à mort de leur droit à faire appel, ce qui représente une violation majeure du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et des “garanties de protection des droits des personnes condamnées à mort” adoptées par le Conseil Économique et Social. La FIDH et la LDDHI demandent au nouveau Rapporteur Spécial sur les droits de l’Homme en Iran d’enquêter sur l’application de la peine de mort - y compris pour des délits mineurs, l’exécution de personnes mineures et le non-respect du droit à un procès équitable. La FIDH et la LDDHI appellent également l’Expert indépendant sur les minorités à enquêter sur l’application de la peine de mort aux minorités ethniques », a déclaré Karim Lahidji, vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et président de la Ligue pour la défense des droits de l’Homme en Iran (LDDHI).

D’après des agences de presse officielles et semi-officielles, dont l’ISNA et l’IRNA, Abbas Ja’fari-Dolatabadi, procureur général pour la révolution à Téhéran, a publiquement annoncé le 29 mai 2011 que 300 condamnations à mort ont notamment été prononcées à l’encontre de personnes condamnées pour trafic de drogue ou possession d’au moins 30 grammes d’héroïne, au sein de sa seule juridiction, Téhéran. Il a en outre admis que presque aucune de ces personnes n’étaient de grands trafiquants de drogue. Dans le même rapport, il a révélé que la plupart des cas de trafic de drogue concernaient les provinces du Sistan-Balouchistan et de Kerman (respectivement au sud-est et au sud de l’Iran) et la ville de Masshad au nord-est ; Téhéran compte un nombre inférieur de cas. Il est à noter, par ailleurs, que les chiffres précités n’incluent que peu de condamnations à mort pour meurtre. Selon le code pénal islamique en vigueur, les autorités iraniennes ne considèrent pas l’exécution de personnes accusées de meurtre comme une condamnation à mort : les familles des victimes ont en effet droit à cette vengeance et peuvent y renoncer en échange d’une somme d’argent compensatoire.

Les propos du procureur de Téhéran confirment que des milliers de personnes se trouvent actuellement dans les couloirs de la morts en Iran.

D’après des sources non-officielles, les autorités iraniennes ont procédé en mai 2011 à au moins 60 exécutions. Ces chiffres incluent au minimum 14 exécutions dans les provinces de l’ouest, où vivent les minorités kurdes et azéries ; plusieurs exécutions dans la province du Khuzestan au sud, dont celles de membres de la minorité arabophone et un mineur. Au moins deux jeunes hommes (les frères Fat’hi) ont été exécutés après avoir été condamnés pour moharebeh (inimitié à l’égard de Dieu) à Isfahan. La plupart des victimes ont par ailleurs été condamnées pour trafic de drogue. Ces chiffres n’incluent pas le grand nombre d’exécutions probablement menées de manière secrète dans la prison de Vakilabad à Mashhad, au nord-est de l’Iran.

De manière générale, le droit à un procès équitable tel que défini par les normes internationales, ainsi que la possibilité de faire appel n’est pas respecté. Les personnes condamnées sur la base de la loi anti-drogue n’ont tout simplement pas le droit de faire appel. Les condamnations à mort prononcées sur la base de cette loi sont définitives dès lors que le président de la Cour Suprême ou le procureur général les a confirmées. Ces deux autorités ont seules le droit de faire appel de la condamnation à mort : en d’autres termes ce sont les mêmes autorités qui peuvent réclamer la peine de mort et la contester ensuite ! Cette disposition de la loi est clairement en contradiction avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (Article 14-5) et les “Garanties de protection des droits des personnes condamnées à mort” (Paragraphe 6), adoptées par la résolution 1984/50 du 25 mai 1984 de Conseil Économique et Social.

Le mépris des autorités judiciaires pour tout procès équitable a été clairement révélé en mars 2011, lorsque l’Ayatollah Ahmad Mohseni Garakani, président de la Cour Suprême, a donné la position prédéfinie de la Cour vis à vis de la peine de mort : “Les condamnations à mort prononcées par les tribunaux pénaux sont à présent examinées en moins de 10 jours par la Cour Suprême. (…) Il est très aisé d’examiner les cas de condamnation à mort. (…) L’accusé n’a besoin que d’une seule heure ou de quelques heures pour assurer sa défense, étant donné que la culpabilité des criminels dangereux saute aux yeux” (Agence de Presse Mehr).

La République Islamique d’Iran reste l’un des rares États qui vote chaque année contre la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour l’abolition de la peine de mort. Le nombre d’exécutions en Iran a augmenté au cours des dernières années. Amnesty International a publié les chiffres suivants à propos du nombre d’exécutions officiellement reconnues par les autorités : 94 (2005), 177 (2006), 335 (2007), 346 (2008), 388 (2009). En 2010, le chiffre était de 252 (sans compter les 300 autres exécutions non-reconnues). A la fin du mois de mai 2011, le nombre d’exécutions reconnues dépassait déjà 180 ; portant le nombre total d’exécutions reconnues et non-reconnues à plus de 300.

Le nombre réel d’exécutions en Iran est peut-être bien supérieur, car les autorités iraniennes dissimulent les statistiques des condamnations à mort et des exécutions. Depuis des années, l’Iran est placé au deuxième rang derrière la Chine pour ce qui concerne le nombre d’exécutions, et en première position en ce qui concerne le nombre d’exécutions par habitant.

Pour plus d’information :

http://www.fidh.org/IMG/pdf/Rapport_Iran_final.pdf

http://www.fidh.org/IMG/pdf/Report_Iran_2010_En-2.pdf

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