Indonésie : Le jugement sur le lynchage de membres de la communauté Ahmadiyya illustre la détérioration de la protection des minorités religieuses

29/07/2011
Communiqué
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Le jugement indulgent rendu le 28 juillet 2011 à l’encontre de 12 personnes accusées d’avoir tué trois adeptes d’une communauté musulmane minoritaire cache la brutalité et la gravité des attaques et dévoile l’incapacité des autorités à protéger la liberté religieuse et à mettre fin à l’impunité concernant les violences d’inspiration religieuse en Indonésie, a dit aujourd’hui la Fédération Internationale de la ligue des Droits de l’Homme (FIDH) et la Commission sur les Disparus et Victimes de Violences (KontraS).

Le 28 juillet, le tribunal d’instance de Serang, dans la province de Java Ouest, a condamné 12 personnes pour des peines de prison allant de 3 à 6 mois, pour leur participation au meurtre de trois membres de la communauté Ahmadiyya. Les meurtres ont eu lieu le 6 février 2011, lorsque environ 1500 personnes, nombre d’entre elles appartenant à des groupes fondamentalistes, ont attaqué la maison d’un dirigeant Ahmadi dans le village de Cikeusik, province de Banten, à Java. Le lynchage public de trois membres de la communauté Ahmadiyya y a été filmé.

Des associations locales de défense des droits de l’Homme, qui ont observé le procès, ont indiqué que les efforts du procureur étaient insuffisants et que les témoins incluaient des accusés, dont les témoignages leur ont été bénéfiques. Malgré le fait que le droit pénal indonésien prévoit des peines allant jusqu’à 12 ans d’emprisonnement pour des attaques entraînant la mort, le procureur a non seulement recommandés des peines de 7 mois maximum, et a également tenté de réduire ces peines en considérant que les Ahmadis avaient une part de responsabilité pour avoir provoqué les attaques et diffusé des vidéos du lynchage. D’autres personnes présentes lors de l’incident, parmi lesquelles certaines furent également victimes d’attaques, n’ont même pas été écoutées ni invitées à témoigner.

“Il est difficile de croire que les autorités fasse tout leur possible pour garantir, en accord avec la Constitution, la liberté religieuse lorsqu’il ressort de manière si évidente que la justice favorise les accusés et non pas les victimes. Nous craignons désormais que l’Indonésie ne prenne le même chemin que le Pakistan, en renforcant un cadre législatif déjà discriminatoire envers la communauté Ahmadiyya”, a dit Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

La FIDH, KontraS et Imparsial ont récemment appelé le gouvernement indonésien à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités religieuses d’un niveau croissant d’intimidation et de violence à leur encontre, mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour mener des enquêtes et poursuivre les coupables, et abroger le décret inter-ministériel de 2008 interdisant les Ahmadis à diffuser de l’information sur leur religion [1]. Le 7 juillet 2011, le Parlement Européen a adopté une résolution sur l’Indonésie, exprimant sa “vive inquiétude à propos des incidents de violence contre les minoritiés religieuses” et appelant les autorités à s’assurer que “les personnes coupables de violence et de messages de haine à inspiration religieuse soient présentées devant la justice.” [2]

“Ne pas rendre justice aux victimes de violence religieuse n’est pas seulement une violation de la Constitution et du droit international, mais aussi un soutien implicite apporté aux groupes fondamentalistes à commettre encore plus d’actes de violence,” a ajouté Ms Belhassen.

“Une des manières imparables de tester la solidité d’une démocratie est la manière dont elle protège ses minoritiés, et le gouvernment indonésien, malgré sa qualité de membre de Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies, échoue de manière patente en dépit de sa volonté d’afficher les succès du processus de démocratisation qui caractérise le pays,” a affirmé Haris Azhar, Directeur Excécutif de KontraS.

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