L’Inde et le Pakistan doivent maintenir le cessez-le-feu et défendre les droits des Cachemiri·es

20/05/2025
Déclaration
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Muzamil Mattoo / NurPhoto / NurPhoto via AFP

L’Asian Forum for Human Rights and Development (Forum-Asia) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) s’alarment de la récente escalade militaire entre l’Inde et le Pakistan, qui place une fois encore la population du Jammu-et-Cachemire – des deux côtés de la ligne de contrôle – au centre des violences et de l’impasse géopolitique.

20 mai 2025. Forum-Asia et la FIDH exhortent l’Inde et le Pakistan à maintenir le cessez-le-feu et à respecter leurs obligations au regard du droit international humanitaire et des droits humains, en assurant la protection de tou·tes les civil·es et en leur portant assistance, en particulier pour celles et ceux qui sont déplacé·es ou qui se trouvent dans les zones adjacentes à la ligne de contrôle.

Les récentes hostilités - frappes aériennes, attaques de drones, bombardements et tirs d’artillerie - ont fait des victimes civiles, détruit de nombreuses habitations et infrastructures et provoqué des déplacements massifs de population, en violation des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution prévus par le droit international humanitaire coutumier.

« Dans un contexte de regain d’intérêt au niveau mondial, les voix des personnes les plus touchées ne doivent plus être ignorées. C’est le moment ou jamais de se concentrer sur les droits, les ressources et la participation des Cachemiri·es. Pourtant, nous continuons à être témoins du recours systématique aux arrestations arbitraires et à la militarisation de la loi, pour supprimer les médias indépendants et les organisations de la société civile, dont beaucoup ont été contraint·es de fermer, et les empêcher de participer aux débats publics et aux prises de décision politique  », déclare Mary Aileen Diez-Bacalso, directrice exécutive de Forum-Asia.

Le Cachemire, une préoccupation mondiale

Au cours des dernières semaines, la réponse de la communauté internationale à la crise a mis en évidence le fait que la situation au Cachemire ne peut pas être considérée uniquement comme une « affaire nationale », comme le prétend l’Inde.

Les États-Unis ont proposé une médiation entre le Pakistan et l’Inde en vue de trouver une « solution politique » au conflit du Cachemire, après avoir joué un rôle dans l’instauration d’un cessez-le-feu temporaire. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a appelé à la « retenue maximum » et à une à une résolution diplomatique.. Cela traduit l’obligation continue de la communauté internationale de considérer le Cachemire comme un conflit de longue durée et non résolu qui a de graves répercussions sur les droits humains.

Le statut légal international du Cachemire est profondément entériné dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies numéros 47, 91, et 122, qui réaffirment la nature contestée du territoire et appellent à l’exercice du droit à l’autodétermination à travers un référendum impartial.

Cette position a été renforcée par les rapports de 2018 et 2019 du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), qui ont documenté le déni des droits civils et politiques dans le Cachemire administré par l’Inde comme par le Pakistan et ont appelé à la conduite d’enquêtes internationales indépendantes.

« La question du statut du Cachemire n’est toujours pas résolue, car ni l’Inde ni le Pakistan n’ont permis aux habitant·es de la région d’exercer librement leur droit à l’autodétermination. Le Conseil de sécurité des Nations unies a clairement indiqué, par le biais de multiples résolutions, que le peuple du Cachemire doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination. Refuser aux Cachemiri·es leur droit à l’autodétermination n’est pas seulement une violation du droit, c’est une remise en cause profonde de la crédibilité du système mondial des droits humains », déclare Juliette Rousselot, directrice adjointe responsable de l’Asie à la FIDH.

Les développements récents et les instruments internationaux cités plus haut invitent à reconsidérer le récit sur l’exclusivité souveraine, dès lors que les droits humains fondamentaux sont en jeu. Ils renforcent également la responsabilité de la communauté internationale, en vertu du droit international des droits humains et du droit humanitaire, de protéger les populations civiles, de garantir l’obligation de rendre des comptes et de défendre le droit à l’autodétermination, comme le prévoit l’article 1 commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tous deux ratifiés par l’Inde.

En outre, l’avis consultatif sur le Kosovo rendu par la Cour internationale de justice en 2010 affirme que le droit international n’interdit pas les expressions de la volonté politique, en particulier dans des contextes d’exclusion prolongée des instances de représentation reconnues. Bien qu’il ne crée pas un droit général, l’avis souligne que de telles aspirations ne peuvent être rejetées sur la base d’affirmations de souveraineté territoriale.

Droits humains et crise démocratique

La situation des droits humains au Cachemire sous administration indienne s’est fortement détériorée depuis l’abrogation de l’article 370 de la Constitution indienne en 2019. Les détentions arbitraires dans le cadre de la loi sur la sécurité publique, l’utilisation abusive de la loi sur les activités illégales (prévention), les coupures d’Internet, la suppression de la dissidence pacifique et la criminalisation des défenseur·es des droits humains,, des des journalistes et des acteurs et actrices de la société civile sont devenues systématiques. Ces mesures continuent de restreindre la capacité des Cachemiri·es à participer à la vie politique, à s’exprimer et à se réunir, érodant les conditions d’une réelle participation au futur de la région.

Au Cachemire sous administration pakistanaise, si la répression directe de l’État est moins visible, les restrictions constantes à la participation politique, à la liberté d’expression et à la gouvernance locale continuent de mettre à mal les droits à la démocratie. Les observateurs internationaux – y compris le Parlement européen et les organisations comme Human Rights Watch – ont fait remonter leurs préoccupations sur les restrictions imposées aux médias indépendants, au pluralisme politique et la marginalisation des groupes minoritaires.

Les communautés frontalières situées le long de la ligne de contrôle vivent dans la peur permanente – déplacées, traumatisées et réduites au silence par un conflit qu’elles n’ont pas choisi.
« Les Cachemiri·es ne sont pas des récepteurs passifs dans la gestion du conflit ; ce sont des sujets de droits dont les actions collectives, les aspirations politiques et les expériences vécues sont étouffées depuis longtemps par la répression nationale et la négligence internationale », déclare Mme Bacalso.
« Aucune solution au conflit du Cachemire ne pourra être considérée comme légitime, durable ou conforme au droit sans la participation pleine et entière, libre et informée des Cachemiri·es », ajoute Mme Rousselot.

Appel à l’action

Le FORUM-ASIA et la FIDH appellent le HCDH et les procédures spéciales pertinentes du Conseil des droits de l’homme à lancer d’urgence une enquête complète, indépendante et internationale sur les violations des droits humains qui sont en cours au Cachemire administré par l’Inde et le Pakistan, conformément aux recommandations formulées par le HCDH en 2018 et 2019.

Nous exhortons les États membres des Nations unies à travailler de manière constructive avec toutes les parties. De même, nous leur demandons de soutenir un processus de paix multilatéral, basé sur les droits, centré sur la détermination politique cachemirie et fondé sur les obligations juridiques internationales, y compris le droit à l’autodétermination.

Nous appelons la société civile mondiale à renforcer sa solidarité avec les Cachemiri·es – en particulier les défenseur·es des droits humains incarcéré·es, les journalistes indépendant·es et les organisations locales de la société civile – qui continuent de faire l’objet d’une répression ciblée.

Nous appelons à la résistance collective face à l’utilisation abusive des cadres juridiques, au déploiement de politiques sécuritaires, à la criminalisation de la dissidence, à la censure et à la surveillance de masse.

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