Inde : la santé de G.N Saibaba se détériore à la prison centrale de Nagpur

21/06/2022
Déclaration
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Yann Coeru / Flickr / Creative Commons 2.0

21 jui 2022. Sept organisations de défense des droits humains expriment leur inquiétude face à la détérioration de l’état de santé de Gokarakonda Naga Saibaba, professeur à l’Université de Delhi, détenu à la prison centrale de Nagpur dans l’État du Maharashtra. Elles appellent les autorités indiennes à lui donner immédiatement accès à des soins médicaux.

Le professeur Saibaba a été arrêté en 2014 et accusé de liens avec des organisations maoïstes interdites. En mars 2017, il a été poursuivi au nom de la loi sur la prévention des activités illégales (Unlawful Activities Prevention Act - UAPA) et condamné à la prison à perpétuité. Une procédure d’appel est en cours pour lever cette sentence, devant la Haute Cour de Bombay, Nagpur Bench. Ce militant, universitaire et professeur à l’Université de Delhi, est un défenseur reconnu des droits des communautés traditionnellement opprimées, en particulier les communautés autochtones et Dalit en Inde. Il s’experimé contre la violence et les discriminations que subissent ces communautés, notamment dans le centre du pays, riche en minerais. Il s’est également engagé très fortement contre les graves violations de droits humains commises par la milice Salwa Judum et les forces de sécurité du gouvernement, incluant des assassinats, actes de torture et déplacements forcés dans l’État du Chhattisgarh, depuis mi-2005.

Le Pr Saibaba souffre d’un handicap causé par la poliomyélite et d’autres graves troubles de santé au niveau cardiaque, d’une tumeur au cerveau, d’hypertension et de difficultés à respirer. Alors qu’il est tenu à l’isolement dans une cellule sans fenêtre, connue sous le nom d’anda ou cellule en forme d’œuf, les membres de sa famille affirment que sa santé s’est sévèrement détériorée : saignement rectal, difficultés respiratoires aggravées par la chaleur estivale intense dans un espace confiné. Le personnel de la prison n’a pas procédé aux aménagements nécessaires à son handicap.

Le Pr Saibaba est placé sous vidéosurveillance constante ( closed-circuit television - CCTV) dans sa cellule, ce qui constitue une violation de son droit à l’intimité. Les tribunaux ont rejeté plusieurs procédures d’appel pour sa libération conditionnelle et demandes de mise en liberté sous caution pour raisons médicales. Ils ont également refusé de le transférer ailleurs qu’en isolement et rejeté la demande de transfert dans un centre de détention à Hyderabad plus proche de sa famille.

Le refus de soins appropriés et spécialisés constitue une grave violation des droits humains. Son état de santé continue de s’aggraver en détention faute de soins. En 2018, il a perdu l’usage de son bras gauche paralysé par des nerfs abîmés faute de soins promulgués dans les temps. L’inflammation s’est depuis propagée au bras droit, et il ne peut plus utiliser ses mains pour écrire ou les besoins du quotidien. G.N Saibaba a besoin de l’aide de deux personnes pour tout faire : s’asseoir, manger, boire de l’eau, aller aux toilettes, tout cela dans le champ de la caméra. Il souffre de douleurs constantes dans le dos et les hanches ; et de vifs élancements dans le bras gauche. Sa famille indique qu’il n’a reçu aucun soulagement ni aucun traitement en détention. Il a contracté le Covid-19 à deux reprises en prison, en janvier 2021 et en février 2022, épisodes ayant encore aggravé son état de santé.

Le traitement du Pr Saibaba en détention enfreint ses droits à la vie, à la santé, à l’intimité et à la dignité ; mais également les obligations de l’Inde envers le droit international, notamment l’Article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a déjà appelé à sa libération pour motif médical, demandant aux « autorités indiennes de s’assurer immédiatement que le Dr Saibaba dispose d’un accès continu et illimité aux soins de santé, incluant un traitement adapté et une rééducation . » [1] Les Règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus reconnaissent les droits des prisonnier· es, parmi lesquels le droit aux soins de santé. La règle 24 prévoit que « l’État a la responsabilité d’assurer des soins de santé aux détenus, ceux-ci devant recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société et avoir accès aux services nécessaires sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique. » En outre, le refus d’aménagement raisonnable pour les personnes souffrant de handicap en détention est non seulement discriminatoire, mais apparente également les conditions de détention d’actes de torture et autres mauvais traitements.

Nous continuons de suivre de près l’évolution de l’état de santé de G.N Saibaba et demandons une intervention immédiate sur son dossier. En 2021, nous avions déjà lancé des appels similaires au sujet de l’état de santé de Stan Swamy, un défenseur des droits humains de 84 ans, mort ensuite en détention le 5 juillet 2021. Nous avons la conviction que sa mort et ses souffrances auraient pu être évitées avec une intervention humaine dans les temps. Les dommages causés à la santé de G.N Saibaba pourraient devenir irréversibles, voire mortels, si ses conditions de détention ne changent pas et si les soins de santé adaptés continuent à lui être refusés en temps voulu.

Nous exhortons les autorités indiennes concernées à :
 le libérer pour des motifs humanitaires et pour raison médicale ;
 en attendant sa libération, apporter à G.N Saibaba des soins adéquats, immédiats et continus, le sortir d’isolement et procéder aux aménagements raisonnables recquis par son handicap ;
– s’assurer que G.NSaibaba ne subit aucune torture ni aucun autre mauvais traitement en prison, et qu’il est immédiatement et régulièrement autorisé à avoir accès à ses proches et à son avocat ;
– agir au niveau de la National Human Rights Commission of India pour lui garantir l’accès à un traitement approprié ; conforme aux demandes émises par sa famille et par la société civile ;
– amender la loi sur la prévention des activités illégales (Unlawful Activities (Prevention) Act) après une consultation honnête et constructive avec les organisations de la société civile indépendante et les défenseur·es des droits humains, afin qu’elle soit conforme aux obligations internationales de l’Inde relatives aux droits humains ;
– garantir que les défenseur·es des droits humains puissent mener leur travail pour les droits humains sans représailles, et sans usage inadapté du système de justice pénale.

Pour plus d’information, contacter :
Front Line Defenders : Claire Ivers, Head of Advocacy, civers@frontlinedefenders.org
CIVICUS : Josef Benedict, Asia Pacific Researcher, josef.benedict@civicus.org
Amnesty international : press@amnesty.org
OMCT - lolanda Jaquemet, Director of Communications, Email : ij@omct.org

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