La FIDH appelle à la libération immédiate et inconditionnelle des 15 intellectuels condamnés le 10 mai dernier.

14/05/2003
Rapport

La FIDH et la LDDHI sont très préoccupés par la condamnation de 15 intellectuels iraniens à de lourdes peines, le 10 mai dernier, par la 26ème chambre du Tribunal Révolutionnaire de Téhéran.

Il s’agit de :
 M. Ezzatollah SAHABI, 74 ans, directeur de la revue Iran-é-farda, condamné à 11 ans de prison et 10 ans de privation de ses droits civiques ;
 M. Tahgi RAHMANI, journaliste, condamné à 11 ans de prison et à 10 ans de privation de ses droits civiques ;
 M. Hoda REZAZADEH-SABER, journaliste, condamné à 10 ans de prison et à 10 ans de privation de ses droits civiques ;
 M. Habibollah PEYMAN, 70 ANS, universitaire et écrivain, condamné à 9 ans de prison et à dix ans de privation de ses droits civiques ;
 M. Mohammed MALEKI, 72 ANS, ancien doyen de l’Université de Téhéran, condamné à 7 ans de prison et à 5 ans de privation de ses droits civiques,
 MM Reza ALIJANI, rédacteur en chef de la revue Iran-é-farda et lauréat du prix RSF-Fondation de France 2001, Saeed MADANI, journaliste, Mohammad BASTENEGAR, écrivain et Mohammad MOHAMMADI-ARDEHALI, condamnés à 6 ans de prison et à 5 ans de privation de leurs droits civiques ;
 MM Reza RAIS-TOUSSI, universitaire, Ali-Reza REDJAJ, journaliste, Mortza KAZEMIAN, journaliste, Mahmoud OMRANI, chercheur, Mohammad Hossein RAAFII, universitaire et Massoud PEDRAM, écrivain, condamnés à 4 ans de prison et à 5 ans de privation de leurs droits civiques.

Il faut rappeler que ces 15 intellectuels ont été arrêtés lors de deux rafles en mars et en avril 2001, détenus en isolement entre 8 et 14 mois puis libérés sous caution à la suite d’un avis, le 4 décembre 2001, du Groupe de travail sur la détention arbitraire. Dans cette décision, cet organe de l’ONU estimait que ces personnes avaient été « poursuivies et détenues pour avoir pacifiquement exercé leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression garantis par les articles 18, 19 et 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et par les articles 18, 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et qu’il en résulte que leur détention depuis août 2001 est arbitraire ». Par conséquent, le Groupe de travail sur la détention arbitraire demandait au gouvernement iranien « de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation » et « d’étudier la possibilité de modifier sa législation en vue de la mettre en conformité avec la Déclaration universelle et les autres instruments internationaux pertinents auxquels il a adhéré ».
Ayant appris qu’ils seraient jugés à partir du 8 janvier 2002, la FIDH et la LDDHI ont adressé, le 4 janvier 2002, une lettre au Président de la République islamique d’Iran dans laquelle nos organisations demandaient à être autorisées à envoyer au procès une mission d’observation judiciaire afin d’examiner dans quelles conditions étaient mises en œuvre les normes internationales relatives à un procès équitable.
Aucune suite positive n’a cependant été donnée à notre demande et le pouvoir judiciaire a préféré reporter le procès, au moment où s’ouvrait la Commission des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2002.
Ces 15 intellectuels inculpés ont finalement été traduits séparément, devant la 26ème Chambre du tribunal révolutionnaire, entre octobre et novembre 2002. Leurs procès ont eu lieu à huis clos. Deux de leurs avocats (MM Dadkhah et Soltani) ont été condamnés à l’emprisonnement pour avoir dénoncé les mauvais traitements dont leurs clients ont fait l’objet durant leur détention. Les deux avocats sont actuellement en prison.
L’annonce du verdict du 10 mai 2003 était attendue pour la fin de l’année 2002. Elle a été reportée, alors que se tenait la 1ère session du dialogue sur les droits de l’Homme entre l’Union européenne et la République islamique d’Iran, les 16 et 17 décembre 2002, puis la seconde session des 14 et 15 mars 2003, portant notamment sur le « droit à un procès équitable » et, enfin, la 59ème session de la Commission des droits de l’Homme du 17 mars au 25 avril 2003.
En janvier 2003, dans une note adressée à la Commission des droits de l’Homme et à l’Union européenne, nos organisations avaient réitéré leur préoccupation à l’égard de la situation des droits de l’Homme en Iran et appelé la Commission des droits de l’Homme à maintenir cette question sur son agenda, la visite de la délégation du Groupe de travail sur la détention arbitraire en Iran, en février 2003, confirmant l’importance de ce contrôle des instances de l’ONU. De son côté, et tout en mettant l’accent sur « de graves et constantes violations des droits de l’Homme en Iran », le Conseil de l’Union européenne a décidé, dans ses conclusions publiées le 18 mars 2003, de ne pas présenter, contrairement aux années précédentes, un projet de résolution sur la situation des droits de l’Homme en Iran.
Force est de constater que, deux semaines seulement après la fin de la 59ème session de la Commission des droits de l’Homme, de lourdes peines ont été annoncées à l’encontre de ces 15 intellectuels iraniens. Nos organisations ne peuvent manquer de souligner cette coïncidence entre le report du procès puis l’annonce du jugement d’une part et les périodes où se décidait l’abandon d’une surveillance systématique des droits de l’Homme en Iran. Ces condamnations particulièrement lourdes et symboliques affectent la crédibilité du dialogue UE-Iran, ainsi que celle des autres dialogues poursuivis avec l’Iran par l’Australie et la Suisse. Elles montrent ce que pourrait être une tactique iranienne visant à prôner le dialogue afin de calmer l’attention internationale à son égard, sans pour autant s’engager à des améliorations concrètes. Ces condamnations ne font que souligner la fragilité de la situation et rappeler l’importance du maintien d’une évaluation indépendante et impartiale qui constaterait les évolutions réelles. De telles condamnations devraient enjoindre l’UE, ainsi que les gouvernements engagés dans le dialogue avec les autorités iraniennes, à tout mettre en œuvre pour obtenir la libération immédiate et inconditionnelle des intellectuels condamnés. C’est le sens de l’appel que lancent aujourd’hui la FIDH et la LDDHI. Les deux organisations appellent également les autorités iraniennes à ordonner sans délai leur libération.

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