L’année du dragon : un bon signe pour les droits ?

23/01/2012
Communiqué

Monsieur Alain Juppé
Ministre des Affaires étrangères et européennes
37 quai d’Orsay
75351 Paris cedex 07

PRÉSIDENT
Réf. 25/12/PT/DG/AG
Paris, le 23 janvier 2012

Monsieur le ministre,

La Chine et les Chinois fêteront le nouvel an lunaire le 23 janvier. La France présentera ses vœux à la Chine comme de coutume. Par-delà la diplomatie de courtoisie, la diplomatie des droits de l’Homme est-elle encore vivante ? Nous vous demandons de ne pas oublier les défenseurs chinois des droits de l’Homme particulièrement opprimés cette année, de rester les yeux ouverts sur la triste réalité d’aujourd’hui en Chine et d’agir dans le dessein d’obtenir des résultats.

La majorité des Chinois continuent de voir leurs droits fondamentaux bafoués, à commencer par la liberté d’expression et de conviction. Nous espérons que lors de vos prochains contacts avec votre homologue vous rappellerez à la Chine ses responsabilités, au nom de la France et des Français.

En Chine, l’accaparement des terres, la misère paysanne et ouvrière, l’absence d’élections libres, les violences policières, la corruption des municipalités, les détentions arbitraires et les scandales alimentaires, le contrôle et la répression des internautes, des journalistes, des pétitionnaires et des avocats sont choses quotidiennes.

Nous vous rappelons quelques faits récents :

 Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix, reste sous les verrous et pour de longues années, tout comme plusieurs centaines de prisonniers d’opinion.
 Quelque deux cents intellectuels et artistes ont été détenus plusieurs mois, sans information de leur famille, parce que suspects de sympathie pour les « révolutions de jasmin ».
 Une quinzaine de religieux tibétains se sont immolés l’année dernière.
 Chen Xi, Chen Wei ont été condamnés à de très lourdes peines fin 2011 ; l’avocate Ni Yulan encourt, ainsi que son époux, de semblables sanctions.
 La peine de mort est appliquée largement et touche chaque année plusieurs milliers d’individus ; sans qu’aucune statistique soit transmise puisqu’il s’agit d’un « secret d’État ».

Nous avons bien noté la réponse faite par le porte-parole du Quai d’Orsay le 19 décembre et les deux déclarations européennes du 22 décembre et du 4 janvier concernant Gao Zhisheng, Chen Xi, Chen Wei et Ni Yulan. Cependant, nous restons persuadés que ces prises de position doivent être couplées au niveau national et que chaque membre du gouvernement devrait reprendre à son compte ces préoccupations lors des rencontres politiques de haut niveau avec des dirigeants chinois.

Nous souhaitons que le gouvernement français exprime avec fermeté sa désap­probation de pratiques répressives et dictatoriales, ce qui répondrait aux aspirations des démocrates chinois qui gardent leur confiance dans les traditions démocratiques de notre pays. Il vous incombe tout particulièrement, monsieur le ministre, d’exprimer avec force les réserves de la France à l’égard de ce régime anachronique et de veiller à leur donner une portée pratique.

Dans sa politique envers la Chine, la France semble trop souvent compter sur les initiatives de Mme Ashton et sur le dialogue euro-chinois à propos des Droits de l’Homme. Or ce dialogue piétine, son rythme est fixé par la partie chinoise qui se permet d’annuler une session et de ne pas répondre aux questions européennes, particulièrement concernant les demandes de libération des nombreux prisonniers politiques. Un tel manque d’initiative donne à croire que ni notre pays ni l’Europe ne prennent réellement à cœur la défense des Droits de l’Homme ; ils semblent se soumettre au dictat de la Chine et plier devant la menace de contre-mesures commerciales ou financières.

Nous attendons des prises de position officielles et un engagement public de la France sur un sujet qui constitue désormais une des grandes priorités politiques mondiales, ne serait-ce qu’en raison du poids démographique du pays et de la place occupée au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Si des initiatives concrètes ont été prises par la France en ce domaine qui nous tient tant à cœur et qu’elles nous aient échappé, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous en informer.

Nous pensons, monsieur le ministre, que ce serait un honneur pour la diplomatie française de commencer ainsi l’année 2012, et vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky
Président de la Ligue des droits de l’Homme

Dominique Guibert
Secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme

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