LETTRE OUVERTE AUX MEMBRES DU COMITE INTERNATIONAL OLYMPIQUE (CIO)

04/07/2001
Communiqué
en fr

Monsieur,

Le 13 juillet prochain, le Comité international olympique, dont vous êtes membre, va rendre publique sa décision concernant la ville qui, parmi les 5 candidates que sont Istanbul, Osaka, Paris, Pékin et Toronto, aura l’honneur d’organiser les Jeux olympiques de 2008.

Cette décision revêt une importance capitale car elle procure à la ville élue et, à travers celle-ci, à tout le pays et à ses dirigeants, une reconnaissance extraordinaire. Les dirigeants du pays ne manquent pas, à juste titre, de faire usage de ce formidable outil de communication pour vanter, au-delà des mérites de leurs peuples, les vertus de leur régime.

Dans ce contexte, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Human Rights in China (HRIC), organisation affiliée à la FIDH, constatent avec beaucoup d’inquiétude que, parmi les 3 villes dont la candidature semble être la plus solide au vu du rapport rendu par la commission d’évaluation du CIO - à savoir Toronto, Pékin et Paris - l’une d’entre elles, Pékin, est la capitale d’un pays où sont bafoués quotidiennement et systématiquement les droits de l’Homme.

Exécutions capitales, jusqu’à 91 intervenues dans la seule semaine du 9 avril 2001, tortures, détentions arbitraires, intolérance religieuse, censure, persécutions au Tibet et au Xinjiang, libertés d’association et syndicale bafouées, violences commises dans le contexte de la politique anti-nataliste : ces violations flagrantes et systématiques des normes universelles élémentaires des droits de l’Homme constituent une insulte à la dignité humaine. A cet égard, vous avez été saisi le 19 février dernier par Human Rights in China.

Face à ce constat, élire Pékin comme ville d’accueil pour les Jeux olympiques constituerait une décision manifestement contradictoire par rapport aux principes fondamentaux qui gouvernent votre organisation ainsi qu’au but même de l’Olympisme qui est de "mettre partout le sport au service du développement harmonieux de l’homme, en vue d’encourager l’établissement d’une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine" (Principe fondamental n°3 de la Charte olympique). Ces principes débordent d’ailleurs le seul cadre du Mouvement olympique et rejoignent les valeurs fondamentales universelles en matière de droits de l’Homme pour la défense desquelles nous œuvrons au quotidien.

En tant que membre du CIO, vous ne pouvez ignorer ces principes, dont vous êtes à la fois le gardien et le garant. Ainsi, le respect et la mise en œuvre de ces principes fondamentaux devraient inévitablement guider votre réflexion et votre décision. Le serment que vous avez prêté au cours de la cérémonie officielle d’admission des nouveaux membres du CIO vous y engage formellement (selon la règle 20 § 1.3 de la Charte olympique).

En outre, les candidats se sont déjà engagés, par une Déclaration signée par chaque gouvernement concerné et versée au dossier de candidature (conformément à la règle 37.4 de la Charte olympique), au respect de la Charte olympique.

Par conséquent, la FIDH espère vivement que vous subordonnez l’examen de la candidature de Pékin, et la décision que vous prendrez le 13 juillet, à l’adoption de mesures concrètes par les dirigeants chinois s’agissant en particulier de garantir :

 la totale liberté d’information des médias nationaux et internationaux ;
 la liberté d’expression des citoyens chinois et l’absence de représailles à l’encontre de ceux qui en feront usage ;
 la libération de toutes les personnes détenues pour l’exercice pacifique de leurs droits fondamentaux ;
 le ferme engagement à ne pas recourir à la forme de détention administrative dite de Détention et reconduite à l’encontre des personnes jugées indésirables (travailleurs migrants, enfants des rues, sans-abris, etc), dont on craint qu’elle soit particulièrement utilisée pendant la préparation et la durée des Jeux (Cf. lettre de HRIC aux membres du CIO de février 2001) ;
 le suivi, avant et après les Jeux olympiques, de la mise en œuvre, par les autorités chinoises, de leur engagement.

A défaut, la FIDH considère que vous prendriez une décision qui, en cautionnant un régime criminel, contreviendrait gravement aux principes fondamentaux qui gouvernent le Mouvement olympique.

Nous espérons que vous tiendrez dûment compte de cette interpellation et nous tenons à votre disposition pour toutes informations souhaitées concernant les droits de l’Homme en Chine (www.fidh.org ou www.HRIChina.org).

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos considérations distinguées.

Sidiki KABA
Président de la FIDH

c.c. : - Maître François CARRARD, Directeur général du CIO
 Membres du CIO non-votants

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