Jeux Olympiques : Gardons les yeux ouverts !

07/04/2008
Communiqué

Certes, à les entendre, ils auraient préféré que ces jeux aient lieu
ailleurs, dans un pays où les libertés d’expression et d’association sont
respectées. Mais si cela avait été le cas, à combien aurait pu s’élever le
nombre de pays candidats ? Non, en définitive, l’essentiel reste bel et
bien pour eux de participer, même si pour beaucoup, participer ne veut pas dire
se taire.

La victoire de certains de ces sportifs peut même a fortiori faire beaucoup
d’effet. Des JO de Berlin, ne retient-ont pas surtout aujourd’hui la formidable
performance d’un Jesse Owens, merveilleux athlète noir dont les performances
ont alors fait blêmir Adolph Hitler ? Que dire alors de ce pas
supplémentaire franchi en 1968, avec les poings levés de Tommie Smith et John
Carlos sur le podium de Mexico ? Le sacrifice de ces derniers – tous deux
ont été exclus à vie de leur fédération - n’aura pas été inutile pour la
communauté afro-américaine alors en quête d’une reconnaissance internationale,
pour la conquête de leurs droits civiques. Leur performance sportive, tout
autant que leur courage résonnent encore dans nos mémoires.

En leur souvenir, nous ne devons plus laisser aux seuls sportifs le poids de
notre conscience. Et si l’on peut se réjouir qu’à Pékin, beaucoup tenteront de
faire entendre leur voix, c’est aujourd’hui d’abord aux politiques, aux
instances de l’olympisme et aux sponsors de montrer que les temps ont
changé.

La tenue des Jeux à Pékin est une formidable opportunité pour la communauté
internationale de faire passer un message fort au gouvernement chinois . Ce
constat est d’ailleurs partagé depuis longtemps par les organisations
partenaires de la FIDH en Chine et au Tibet : boycotter les JO, nous
disent-elles, c’est reprendre la main tendue aux démocrates et aux défenseurs
des droits de l’Homme. Pire encore, cela risque de conforter le nationalisme de
l’empire du milieu que le gouvernement sait si bien instrumentaliser.

Les Tibétains qui dénoncent les violations systématiques de leurs droits
culturels et de leur liberté de religion, prennent aujourd’hui tous les risques
pour profiter de la fenêtre médiatique qui leur est offerte, tout comme ces
citoyens anonymes qui dans toute la Chine, protestent depuis des mois contre
les expulsions forcées, les salaires impayés, la corruption des autorités
locales…

En effet, en 2001, les autorités chinoises avaient prétendu que confier à
Pékin l’organisation des Jeux contribuerait au développement des droits de
l’Homme. Le moins que nous puissions dire, est que nous sommes loin du compte.
Et à l’approche de l’échéance des Jeux, la politique de répression systématique
des voix dissidentes s’accroît en effet de plus en plus.

« … préserver la dignité humaine »

Ces derniers jours, la FIDH a saisi le CIO en lui transmettant une liste de
prisonniers d’opinion et l’enjoignant à demander leur libération. En tant que
garant de la Charte olympique, celui-ci a en effet pour mission de protéger les
valeurs essentielles de l’Olympisme dont le but, rappelons-le, est entre autre
de « promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité
humaine ». Dans la réponse qu’elle vient de nous transmettre, la présidence du
CIO persiste malheureusement dans la démission : « Nous ne sommes pas
d’accord avec vous, lorsque vous affirmez que (notre rôle) est de faire
pression sur quelque gouvernement (…) et certainement pas sur des questions
relevant de la souveraineté. »

Nous ne désespérons pas que le CIO sorte enfin de sa neutralité
bienveillante - sinon intéressée - à l’égard des autorités de Pékin. Mais au
fond, les JO ne lui appartiennent plus, et c’est justement au nom de
l’universalité de leur message, que nous appelons la communauté des Etats à
rompre le silence : les responsables politiques doivent faire le choix de
ne pas se rendre à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Quant aux sponsors, ils
doivent démontrer leur refus de tirer profit de l’arbitraire. Par
responsabilité, bien sûr, mais aussi par intérêt.

Les Jeux les yeux fermés : à chacun de démontrer que cette époque est
révolue !

  • Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH
  • Daniel Herrero, ambassadeur de la FIDH

**Poster vos idées et vos recommandations :
http://www.fidh.org/actinsidechina/

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