Un an plus tard, la disparition forcée de Wanchalearm Satsaksit n’a fait l’objet d’aucune enquête crédible

09/06/2021
Déclaration
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(Bangkok, Paris, Phnom Penh) À l’occasion du premier anniversaire de la disparition forcée du militant thaï Wanchalearm Satsaksit, nos organisations réitèrent leur appel au gouvernement cambodgien afin qu’il détermine ce qui est arrivé au militant et l’endroit où il se trouve, et qu’il aide sa famille à obtenir justice. Nous exhortons également les autorités thaïes à coopérer pleinement avec leurs homologues cambodgiens pour retrouver Wanchalearm et pour aider activement les membres de sa famille dans leur quête de justice.

Un an après sa disparition, on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Wanchalearm, ni où il se trouve. Plusieurs organes de contrôle du respect des droits humains des Nations unies ont demandé à de multiples reprises au gouvernement cambodgien de lancer des recherches et de localiser Wanchalearm. Malgré sa promesse d’établir la vérité sur «  l’enlèvement présumé  » de ce dernier, le gouvernement cambodgien n’a pas réussi à mener une enquête rapide, approfondie et impartiale sur la disparition du militant.

De plus, le gouvernement cambodgien a continué à nier les faits incontestables qui entourent la disparition du militant, et a montré un manque total de volonté à s’engager réellement pour résoudre l’affaire. Dans sa réponse à une action en urgence communiquée par le Comité sur les disparitions forcées (CED), le 19 juin 2020, le gouvernement cambodgien a indiqué n’avoir « aucune information ni aucune piste concernant l’enlèvement présumé ». Dans une autre réponse envoyée le 12 août 2020 au CED, le gouvernement cambodgien n’a pas été capable de fournir des informations claires et suffisantes concernant l’enlèvement présumé. Il a également indiqué qu’il essayerait de déterminer « s’il s’agissait réellement d’une affaire d’enlèvement et si cela s’était réellement passé au Cambodge. »

Le 10 novembre 2020, Sitanan Satsaksit, la sœur ainée de Wanchalearm, s’est rendue au Cambodge pour faire des dépositions auprès du juge d’instruction du tribunal municipal de Phnom Penh dans le cadre d’une enquête préliminaire. Le 27 octobre 2020, Sitanan a été assignée à comparaître devant le tribunal municipal de Phnom Penh pour être interrogée sur « l’arrestation et la détention illégale  » de son frère à Phnom Penh.

Entre-temps en Thaïlande, les autorités n’ont pas été en mesure de fournir les efforts nécessaires pour aider la famille de Wanchalearm à obtenir justice à la suite de la disparition du militant. Le 8 juillet 2020, le département des enquêtes spéciales thaïlandais (DSI) a déclaré qu’il ne considérait pas que l’affaire Wanchalearm était « un cas particulier » qui justifie une enquête sous sa juridiction. Dès lors, l’affaire a été transmise au Bureau du Procureur général pour être examinée. Le 23 novembre 2020, le Procureur général de Thaïlande a renvoyé l’affaire au DSI car le comité d’enquête n’avait trouvé aucune preuve de la présence de Wanchalearm au Cambodge au moment de sa disparition ou de son enlèvement au Cambodge.

Nos organisations sont profondément inquiètes quant à l’incapacité du gouvernement cambodgien à enquêter de manière crédible sur la disparition forcée de Wanchalearm. Nous exhortons le gouvernement cambodgien à mener une enquête rapide et efficace sur la disparition forcée de Wanchalearm, à identifier les responsables pour qu’ils soient traduits en justice, et à garantir le droit de sa famille à obtenir réparation, en vertu des dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF), dont le Cambodge est signataire.

Nous invitons également le gouvernement thaï à ratifier le CIPPDF, à intégrer les dispositions de la Convention dans la législation nationale et à les faire appliquer.

Contexte
Wanchalearm Satsaksit, virulent détracteur de la junte militaire à la tête de la Thaïlande de 2014 à 2019, aurait été identifié sur une liste d’individus, accusés d’avoir enfreint l’article 112 du code pénal thaï (crime de lèse-majesté), et visés par des mandats d’arrêt délivrés par la police thaïe. Il a fui la Thaïlande pour se réfugier au Cambodge après le coup d’État militaire de mai 2014.

Wanchalearm a été aperçu pour la dernière fois l’après-midi du 4 juin 2020 à Phnom Penh, au Cambodge. Selon des témoins oculaires, Wanchalearm a été kidnappé devant son appartement à Phnom Penh par un groupe d’individus non identifiés vêtus de noir. Wanchalearm a été amené dans une Toyota Highlander SUV bleu marine/noire immatriculée : 2X2307.

La CIPPDF définit la disparition forcée comme «  l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve ». La disparition forcée porte atteinte à de nombreux droits humains fondamentaux, notamment au droit à l’intégrité de la personne et au droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Ces droits sont garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont le Cambodge et la Thaïlande sont signataires.

Signataires :

FIDH – Fédération internationale pour les droits humains
Cambodia Human Rights and Development Association (ADHOC)
Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights (LICADHO)
Internet Law Reform Dialogue (iLaw)
Manushya Foundation
Thai Lawyers for Human Rights (TLHR)
Union for Civil Liberty (UCL)

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