Lettre adressée à François Hollande dans le cadre de la visite du Premier Ministre Cambodgien

23/10/2015
Lettre ouverte
en fr

Paris, le 23 octobre 2015

Monsieur le Président,

À l’occasion de la visite en France du Premier ministre cambodgien, Hun Sen, la FIDH et ses organisations membres au Cambodge et en France (l’Association pour les droits de l’Homme et le développement au Cambodge (ADHOC), la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LICADHO) et la Ligue des droits de l’Homme en France) souhaitent vous faire part de leurs plus vives inquiétudes quant aux violations des droits humains qui continuent d’être commises dans le pays.

Depuis le mois de juillet, les autorités détiennent de façon arbitraire quatre activistes environnementaux, 14 membres et sympathisants du parti d’opposition CNRP (Parti du sauvetage national du Cambodge), un Sénateur d’opposition du parti SRP (Parti Sam Rainsy), deux moines bouddhistes et un étudiant. Tous ont été privés de leur liberté simplement pour avoir exercé les droits garantis par les instruments internationaux relatifs aux droits humains.

À l’issue d’un procès dont le caractère inéquitable était flagrant, 11 des 14 membres et sympathisants du CNRP ont été condamnés à des peines de prison allant de sept à 20 ans pour des chefs d’« insurrection » liés à leur participation à une manifestation, un an plus tôt à Phnom Penh, en faveur du respect du droit à la liberté de réunion pacifique. Le Sénateur Hong Sok Hour, qui possède la double nationalité franco-cambodgienne, est détenu pour des raisons politiques sur la base de plusieurs chefs d’inculpation montés de toutes pièces, qui sont liés à la mise en ligne sur Facebook d’une vidéo contenant des images d’une reproduction d’un document relatif à la frontière vietnamo-cambodgienne, dont il n’avait pas connaissance de l’inexactitude.

Nous vous prions instamment de demander au Premier ministre Hun Sen d’ordonner la libération immédiate et sans condition des 21 personnes incarcérées depuis juillet.

La rédaction et l’adoption de législations imposant des restrictions importantes aux droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association nous inquiètent également vivement. La loi sur les associations et les ONG (ou, selon son acronyme anglais, LANGO), qui est entrée en vigueur en septembre dernier à l’issue d’un processus législatif opaque, a été largement condamnée par la société civile cambodgienne pour son caractère superflu et pour le caractère arbitraire des restrictions qu’elle impose aux activités des associations et des ONG. En outre, le gouvernement poursuit la rédaction de projets de lois tout aussi liberticides, tels que le projet de loi sur les syndicats, le projet de loi sur la cybercriminalité et le projet de loi sur les télécommunications. Comme dans le cas de la LANGO, ces textes risquent d’être approuvés en l’absence de consultation adéquate des parties concernées et des personnes potentiellement affectées.

Nous vous appelons à exiger du gouvernement cambodgien qu’il renonce à ces projets de lois et qu’il garantisse un processus législatif ouvert, participatif et inclusif.

Ce jour marque l’anniversaire des Accords de paix de Paris, que la France et le Cambodge, ainsi que 17 autres États, ont signé en 1991. Les Accords de paix, qui ont permis de tourner une page dramatique de l’histoire récente du Cambodge, stipulent que toutes les personnes se trouvant au Cambodge « jouiront des droits et des libertés formulés par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par d’autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ». Vingt-quatre ans plus tard, les engagements en matière de droits humains déclinés dans les Accords de paix semblent s’être évaporés un à un.

La France doit être prête à condamner publiquement les violations graves des droits humains qui continuent à être commises au Cambodge et à montrer son soutien à la société civile résiliente et dynamique qui opère dans le pays.

Nous vous encourageons à soulever ces questions au cours de votre entretien avec le Premier ministre Hun Sen et à exiger que son gouvernement respecte, promeuve et garantisse les droits humains en accord avec ses obligations internationales et les nombreuses recommandations formulées par différents organes des Nations unies.

Nous vous remercions pour l’attention que voudrez bien dédier à ces questions qui nous sont chères et vous prions, Monsieur le Président, de croire à l’assurance de nos sentiments de haute considération.

Françoise Dumont, présidente de la LDH

Karim Lahidji, président de la FIDH

Naly Pilorge, directrice de la LICADHO

Thun Saray, président de l’ADHOC

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