Le rapport, “CAMBODGE : Libertés d’expression, d’association et de réunion : un espace qui s’amenuise”, est le résultat d’une mission d’enquête internationale menée à Phnom Penh, Siem Reap et Ratanakiri (Cambodge), du 14 au 24 février 2010. L’Observatoire est un programme conjoint de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) [1].
L’Observatoire a constaté que les syndicalistes, les militants en faveur du droit à la terre et les journalistes sont confrontés aux pires violations des droits de l’Homme, faisant face à de nouvelles restrictions légales et à de sévères représailles en raison de leurs activités de documentation et de dénonciation d’abus. Le mouvement syndicaliste, par exemple, reste secoué par l’assassinat de trois dirigeants du Syndicat Libre des Travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) en 2004 et 2007 - Messrs. Chea Vichea (2004), Ros Sovannareth (2004) et Hy Vuthy (2007). Les véritables responsables de ces crimes n’ont pas encore été traduits en justice, et les enquêtes de police sont vraisemblablement en statu quo.
En outre, depuis le 8 décembre 2009, 52 militants en faveur du droit à la terre ont été incarcérés dans les prisons cambodgiennes – la plupart sur des accusations montées de toutes pièces pour les empêcher d’exercer leur rôle de leaders communautaires. De nombreux autres ont été victimes d’évictions forcées et de harcèlement.
“Maintes et maintes fois, nous avons observé le même schéma – ceux qui osent élever la voix contre les injustices sont arrêtés, emprisonnés ou menacés”, a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. “Le message envers les défenseurs des droits de l’Homme est clair : Taisez-vous, ou le gouvernement vous réduira au silence par la force.”
Le gouvernement a également intensifié ses activités sur le plan législatif, adoptant et proposant nombre de lois qui amoindrissent de manière dramatique l’espace des libertés d’expression, d’association et de réunion.
La Loi sur les manifestations pacifiques, qui impose des restrictions excessives sur la liberté d’association, est entrée en vigueur le 5 décembre 2009, et a été finalisée sans consultation de la société civile. Les termes vagues de cette loi donnent aux autorités un important pouvoir discrétionnaire permettant de refuser aux Cambodgiens de se réunir pacifiquement et de manifester. L’Observatoire estime que cette loi est incompatible avec la Constitution cambodgienne et les obligations internationales du pays en matière de protection des droits de l’Homme.
“La nouvelle loi est inquiétante car les autorités le plus souvent, refusent de d’autoriser les manifestations ou retardent jusque 11 heures l’octroi de cette autorisation, même si le texte de loi n’exige qu’une notification”, a déclaré Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT. “C’est encore un outil supplémentaire pour le gouvernement pour faire taire les critiques à son encontre” a t-il ajouté.
Le gouvernement prépare également un nouveau projet de loi sur les syndicats d’une part et sur les ONG et les associations d’autre part. Les groupes locaux craignent que ces nouvelles lois visent à réduire les activités légitimes des organisations de la société civile cambodgienne. Ces lois ont été présentées comme une priorité par le Premier Ministre Hun Sen au cours de déclarations publiques, indiquant que la tendance actuelle a été orchestrée au plus haut niveau du gouvernement.
Au vue des informations fournies dans le rapport, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme recommande aux autorités cambodgiennes :
– de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Cambodge ;
– de mettre un terme à tous les actes de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre les défenseurs des droits de l’Homme ;
– de se conformer à la Constitution cambodgienne et aux instruments régionaux et internationaux ratifiés par le Cambodge ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée Générales des Nations Unies le 9 décembre 1998 ;
– de solliciter l’intervention du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Cambodge.
Le rapport est disponible en français sur le lien suivant :