PROJET GAZIER DE TOTAL EN BIRMANIE : L’ART D’ESQUIVER LES VRAIES QUESTIONS

La FIDH a appris le retour récent du premier des voyages de presse organisés par Total sur son chantier en Birmanie. La FIDH avant tout s’étonne et regrette que Total n’ait pas donné suite à l’engagement verbal pris à son égard, bien avant ce déplacement de journalistes, de permettre l’organisation d’une mission internationale d’enquête indépendante sur place. Il ressort ensuite, en l’état des connaissances que la FIDH a pu prendre des résultats de ce voyage, qu’aucune des allégations de la FIDH formulées dans son rapport "La Birmanie, Total et les droits de l’Homme : dissection d’un chantier", n’a pu être réfutée.

La FIDH maintient par conséquent toutes ses affirmations : - parce que le soutien politique et économique à la junte constitue en soi une raison suffisante de mettre en cause le bien-fondé du projet, quelles que soient par ailleurs les conditions de travail sur le chantier, surtout lorsque l’on sait qu’Aung San Suu Kyi et tous les représentants démocratiquement élus condamnent le projet. - parce que les accusations de travail forcé formulées par la FIDH ne concernent pas les employés embauchés par Total pour travailler directement sur le chantier (qui seraient rémunérés, volontaires, majeurs...). Le travail forcé a été et est utilisé par le partenaire de Total, le SLORC (junte au pouvoir en Birmanie), essentiellement pour assurer sa part du contrat, la sécurité du chantier, qui nécessite la construction de camps militaires, de routes, d’héliports, etc..., comme il a été utilisé pour procéder à un aménagement préliminaire de la zone avant l’arrivée de Total. Ce sont ces infrastructures là, et non les gros travaux de Total, qui sont en cause. Ces infrastructures servent au chantier, tout au moins médiatement, et Total tire donc bénéfice du travail forcé, même s’il n’en use pas directement. Faut-il rappeler que les dirigeants d’Unocal, partenaire de Total, ont publiquement reconnu la corrélation entre la militarisation de la région du gazoduc et le travail forcé que celle-ci a entraîné ? - parce que les accusations de déplacements de population et d’exactions massives formulées par la FIDH ne concernent pas les 13 villages situés à proximité immédiate du chantier, mais ceux qui se situent dans un périmètre plus large (env. 50 km), que le SLORC percevait comme une menace pour la sécurité du chantier car pouvant abriter des groupes rebelles. Le chantier de Total a eu des répercussions négatives sur toute la région, et non pas uniquement sur l’étroit couloir constitué par le gazoduc et la piste de service. Les projets de micro-développement élaborés par Total dans ces 13 villages ne sauraient compenser l’impact désastreux du gazoduc sur une zone beaucoup plus vaste. Ces violations sont commises, en tout ou partie, du fait du gazoduc, et il est insuffisant de la part de Total de s’accorder un satisfecit pour les conditions prévalant dans le périmètre limité de son chantier. Faut-il par ailleurs rappeler que l’EGAT, entreprise thaïe opératrice de la centrale utilisatrice du gaz de Yadana, a publiquement reconnu les déplacements de population nécessités par le gazoduc ? - parce que les accusations de la FIDH relatives au chemin de fer Ye-Tavoy construit à l’aide de travail forcé n’ont jamais concerné une utilisation directe du chemin de fer par les compagnies pétrolières, mais une utilisation des segments déjà achevés de celui-ci pour transporter vivres, munitions, équipements militaires pour les troupes

La FIDH constate donc que les démentis de Total ne constituent en aucune façon une réfutation des allégations contenues dans son rapport, soit parce qu’ils démentent des accusations que la FIDH n’a jamais formulées, soit parce qu’ils passent sous silence d’autres allégations (soutien moral, politique, économique et militaire) pourtant également essentielles et remettant tout autant en cause le projet.

La FIDH ne peut que demeurer perplexe devant la fébrilité médiatique manifestée par Total, qui paraît traduire une réelle perte de sang-froid.

Lire la suite