Les disparitions forcées au Bangladesh constitutives de crimes contre l’humanité

(c) Zakir Hossain Chowdhury/NurPhoto

(Paris) Un nouveau rapport de la FIDH établit que les disparitions forcées au Bangladesh constituent des crimes contre l’humanité et appelle la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour que le gouvernement respecte le droit des victimes à la vérité, à la justice et à réparation. Le rapport illustre comment le gouvernement du Bangladesh a utilisé les disparitions forcées pour réduire au silence les membres de l’opposition politique et les voix dissidentes.

Sur la base de 30 entretiens avec des victimes de disparitions forcées survenues entre 2012 et 2017, des membres de leur famille, des témoins oculaires et des informations provenant d’autres organisations de la société civile, le rapport « Disparus sans laisser de trace : Disparition forcée d’opposants et de dissidents au Bangladesh » (disponible en anglais) explique comment les acteurs étatiques, y compris les militaires et la police, ont travaillé en tandem pour faire disparaître des personnes. Certains sont rentrés chez eux vivants, mais réduits au silence. Certains ont été retrouvés morts, soi-disant tués dans des tirs croisés. D’autres ne sont jamais revenus.

Le rapport établit que les autorités bangladaises utilisent clairement les disparitions forcées pour réduire au silence les dissidents politiques, en particulier depuis 2011. Les cas documentés de disparitions forcées au Bangladesh ont en commun des caractéristiques et des modes opératoires clés, ce qui donne fortement à penser qu’ils s’inscrivent dans une stratégie concertée mise en œuvre par les acteurs étatiques. Loin d’être des actes spontanés et arbitraires, ces attaques sont systématiques et constituent une politique d’État. Ceci, combiné au fait que la plupart des victimes ont été ciblées pour des raisons politiques, permet de qualifier ces actes de crimes contre l’humanité.

« La FIDH condamne les disparitions forcées au Bangladesh, qui s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie de violence étatique visant à réprimer l’opposition politique et la dissidence dans ce pays. La communauté internationale doit reconnaître la gravité de ces crimes et intensifier ses efforts pour faire pression sur le gouvernement du Bangladesh afin qu’il y mette fin, que les disparus soient retrouvés et que les victimes obtiennent vérité, justice et réparation pour les préjudices subis. »

Debbie Stothard, Secrétaire générale de la FIDH

Les conclusions de la FIDH concordent avec celles des groupes locaux de la société civile, qui ont documenté plus de 500 cas de disparitions forcées au cours de la dernière décennie. Le nombre de cas de disparitions forcées s’est sensiblement accru avant et après les élections générales de 2014 et 2018, avec une exacerbation notable dans le cadre de la politique antiterroriste du Bangladesh. Les disparitions forcées sont souvent associées à d’autres violations des droits humains, notamment des exécutions extrajudiciaires, détentions arbitraires et des actes de torture.

Une grande partie des victimes, presque toutes des hommes, était active dans des partis politiques qui s’opposaient au parti au pouvoir, la Awami League. Des voix critiques non partisanes, des intellectuels, des universitaires et des journalistes ont également fait partie des victimes de disparitions forcées.

Les victimes indirectes sont également fortement impactées. Selon les témoignages recueillis par la FIDH, les membres des familles des disparus ont été harcelés par les autorités locales, traumatisés, vivant dans un climat général de peur. Les membres de la famille de disparus étaient souvent terrifiés par les conséquences potentielles de leur recherche d’informations sur le sort de leurs proches ou sur l’endroit où ils se trouvaient. Lorsqu’elles ont pris ces mesures à risque, les autorités n’ont pas coopéré, les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire n’ayant pris aucune mesure pour enquêter sur ces affaires.

Le gouvernement bangladais a intentionnellement refusé de prendre des mesures pour déterminer le sort des victimes de disparitions forcées, de condamner ces crimes et de mener des enquêtes et des poursuites. Les autorités au plus haut niveau du gouvernement ont nié l’existence de disparitions forcées au Bangladesh. Les membres de la famille de disparus, cependant, sont certains que le gouvernement est à l’origine de ces disparitions. Comme le père d’une victime l’a dit à la FIDH :

"Le gouvernement a fait disparaître de nombreuses personnes dans le but d’être au pouvoir. Mais ils sont toujours au pouvoir, leur but a été atteint, alors pourquoi cachent-ils encore notre fils ? Pourquoi ne le libèrent-ils pas ? Nos vies sont détruites par ça."

REPORT
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