Bangladesh : halte aux sanctions contre la défense des droits humains !

09/06/2022
Déclaration
en fr
Odhikar

9 juin 2022 - La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et dix autres organisations demandent aux autorités bangladaises de revenir sans attendre sur leur décision de radier la principale organisation de défense des droits humains du pays, Odhikar. La radiation de l’organisation bangladaise Odhikar s’inscrit dans une dynamique plus large de répression des groupes de défense des droits humains. Les défenseur·es des droits humains devraient pouvoir mener leurs activités sans craindre les représailles, l’intimidation, et le harcèlement des autorités.

Le 5 juin 2022, le bureau bangladais des Affaires relatives aux organisations non gouvernementales (ONG) a envoyé un courrier à Odhikar, rejettant sa demande de renouvellement d’enregistrement. La lettre précise qu’Odhikar aurait publié « des informations mensongères » sur des assassinats extrajudiciaires et des disparitions forcées au Bangladesh qui ont « sérieusement terni l’image de l’État dans le monde entier ». Selon le bureau, les publications d’Odhikar sur de telles violations des droits humains relèvent d’une propagande qui «  a causé plusieurs problèmes contre le Bangladesh ».

Ce dernier événement semble s’inscrire dans un système de représailles du gouvernement du Bangladesh à l’encontre des groupes et des défenseur· es des droits humains à la suite des sanctions étatsuniennes Global Magnitsky contre le Bataillon d’action rapide du Bangladesh, le 10 décembre 2021.

Odhikar documente les violations des droits humains au Bangladesh depuis 1994. La demande de renouvellement d’Odhikar au bureau des Affaires des organisations non gouvernementales était en attente de réponse depuis 2014, compromettant fortement son travail de monitoring et de reporting sur les droits humains. Mais après des années d’inaction, c’est début février 2022, peu après l’adoption des sanctions américaines, que le bureau a adressé à Odhikar un courrier demandant des informations et des documents précis, notamment les noms et adresses de toutes les personnes ayant été victimes d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées entre 2009 et 2021.

En mai 2019, face à l’absence de réponse du gouvernement concernant sa demande de renouvellement d’enregistrement, Odhikar a déposé un recours devant la Haute Cour. Cette dernière a demandé au bureau de fournir une explication justifiant son refus. La décision du bureau de ne pas renouveler la demande d’enregistrement d’Odhikar, sans fournir de réponse à la Haute Cour, même si la question n’a toujours pas été résolue, témoigne de son mépris de la procédure officielle.

Depuis l’annonce des sanctions américaines, les membres d’Odhikar et leurs familles ont indiqué subir une surveillance plus importante et des actes de harcèlement accrus de la part des officiers représentant la loi. Les autorités bangladaises avaient déjà pris pour cibles les membres d’Odhikar, en tentant de les réduire au silence. En 2013, le secrétaire d’Odhikar, Adilur Rahman Khan, et son directeur, ASM Nasiruddin Elan, avaient été arbitrairement placés en détention pendant 62 jours et 25 jours, respectivement, après avoir publié un rapport d’enquête sur les exécutions extrajudiciaires. Ils font actuellement face à des ajournements et d’autres formes de harcèlement judiciaire dans le cadre d’un procès intenté sur la base d’accusations forgées de toutes pièces devant le cybertribunal de Dhaka. La Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains, Mary Lawlor, a exprimé son inquiétude face à l’incapacité de la cour de respecter les principes d’un procès équitable, et face aux attaques, aux campagnes d’intimidation, à la surveillance, et au harcèlement perpétrés à l’encontre d’Odhikar.

La décision du bureau des Affaires relatives aux organisations non gouvernementales de radier Odhikar démontre la détermination du gouvernement à réprimer le travail des organisations de défense des droits humains dans le pays. Nos organisations indiquent que ce qui ternit vraiment l’image du Bangladesh, c’est davantage l’incapacité des autorités à garantir que les auteur·es de violations des droits humains rendent des comptes, que la divulgation de ces violations par Odhikar.

Les autorités devraient renouveler immédiatement l’enregistrement d’Odhikar, leur permettre de mener à bien leur mission en faveur des droits humains sans crainte de représailles et considérer leurs observations comme des opportunités d’amélioration du bilan du pays en matière de droits humains. Plus généralement, le gouvernement du Bangladesh doit cesser les persécutions des défenseur·es des droits humains et ses détracteurs pour des motifs politiques, permettre aux groupes de défense des droits humains de poursuivre leur mission sans crainte de représailles, et doit établir la responsabilité des auteur·es de violations des droits humains.

Lire la suite