Bangladesh : M. Adilur Rahman Khan encore en détention arbitraire

20/08/2013
Appel urgent
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L’Observatoire a été informé par des sources fiables de la détention arbitraire de M. Adilur Rahman Khan, Secrétaire de l’organisation non gouvernementale des droits humains Odhikar et membre de l’Assemblée Générale de l’OMCT [1].

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Bangladesh.

Nouvelles informations :

Selon les informations reçues, M. Adilur Rahman Khan a été envoyé à la prison centrale de Dacca par le tribunal principal de première instance de la ville le 13 août 2013, suivant une décision rendue la veille par la section de la Haute cour au sein de la Cour suprême. Trois heures après, il a été transféré à la prison Kashimpur n°1, dans la périphérie de Dacca. Ses avocats ont déposé une demande de placement en cellule individuelle, mais leur demande a été sommairement rejetée [2].. L’Observatoire se demande avec inquiétude si ce rejet ne laisse pas déjà entrevoir un procès orienté et partial. Les avocats de M. Khan vont faire appel contre la décision de ne pas accorder de cellule individuelle à M. Khan.

Le 15 août, la femme de M. Khan lui a rendu visite. Puisque la cellule individuelle ne lui a pas été accordée, M. Khan partage sa cellule avec quatre autres personnes. Ils disposent de simples matelas infestés de puces de lit et partagent leurs toilettes. Les repas leur sont servis par la cantine de la prison, à leurs frais.

L’Observatoire réitère sa préoccupation face à la détention arbitraire de M. Khan, qui semble d’abord destinée à sanctionner ses activités pacifiques de défense des droits humains. L’Observatoire appelle les autorités du Bangladesh à garantir l’intégrité physique et psychologique de M. Khan en toutes circonstances et de le libérer immédiatement et sans conditions.

De plus, l’Observatoire s’inquiète des informations qu’il a reçues et selon lesquelles le gouvernement serait en train d’organiser la fermeture d’Odhikar, l’accusant d’être une organisation anti étatique. D’autres membres d’Odhikar pourraient être arrêtés et interrogés dans le cadre de la plainte déposée contre M. Khan.

Ainsi, l’Observatoire demande instamment aux autorités du Bangladesh de mettre un terme au harcèlement à l’encontre d’Odhikar, une importante ONG qui a montré depuis sa création en 1994 un dévouement sans faille à la cause des droits humains. Odhikar documente, fait du plaidoyer et organise des missions d’enquête sur les violations dites « sensibles » : disparitions forcées, torture, violences politiques, etc. En raison de ses activités, Odhikar est sous surveillance constante du gouvernement [3].

Description de la situation :

Le 10 août 2013, à 22h20, M. Khan a été arrêté par huit ou neuf hommes en civil se disant appartenir au département des enquêtes de la police, alors qu’il rentrait chez lui avec sa famille, à Dacca. Les hommes, qui avaient un minibus blanc appartenant apparemment à la United Commercial Bank et un 4x4 Mitsubishi bleu et gris, ont demandé à M. Khan de les suivre. Ils n’ont pas présenté de mandat d’arrestation et n’ont pas informé M. Khan et sa famille des raisons de son arrestation ni de leur destination.

Le 11 août 2013, à 2h du matin, des membres d’Odhikar se sont rendus au poste de police de Gulshan. Les policiers présent ont nié qu’une affaire était ouverte contre M. Khan et ont déclaré avoir appris son arrestation par les médias. Les membres d’Odhikar sont également allés au bureau de la Direction générale des détectives de police à 12h30, mais les gardes ne les ont pas laissés entrer.

La police de Dacca a alors confirmé l’arrestation de M. Khan aux médias, ajoutant qu’il avait été arrêté en vertu de l’Information and Communication Technology Act. L’arrestation aurait suivi une main courante déposée par la police auprès du commissariat de Gulshan, en relation avec un rapport d’enquête, publié par Odhikar, sur la mort de 61 personnes lors d’un rallye politique du mouvement islamiste Hefazat-e-Islam réprimé par les forces de l’ordre les 5 et 6 mai 2013 dans le quartier Motijheel, à Dacca.

Le 10 juillet, suite à la publication du rapport d’Odhikar le 10 juin 2013, le Ministère de l’information a envoyé une lettre à Odhikar demandant les prénoms, noms et adresses des 61 victimes. Voulant garantir la sécurité des familles des victimes, Odhikar a demandé dans sa réponse au Ministère à ce qu’une commission indépendante présidée par un juge à la retraite soit formée et devant laquelle Odhikar pourrait révéler les noms.

Le 11 août 2013, vers 13h20, M. Khan a été amené devant le tribunal principal de première instance de la ville, où la plainte déposée à son encontre à été lue par le procureur. La plainte, qui a été remise aux avocats de M. Khan seulement après qu’il a comparu devant la Cour, était signée par la police de Dacca. La plainte, datée du 10 août 2013, comportait deux mains courantes ; la première déposée par la Direction générale des détectives de police (General Diary n° 268) en vertu de l’alinéa 54 du Code de procédure pénal, la seconde déposée par le poste de police de Gulshan (General diary n° 514).

M. Khan a également été accusé en vertu des alinéas 1 et 2 de l’article 57 de l’Information and Communication Technology Act (2006) pour avoir publié de fausses images et informations et avoir enfreint la loi et troublé l’ordre du pays. La plainte allègue également qu’il y aurait des motifs raisonnables de soupçonner que M. Khan est aussi directement et indirectement responsable d’autres infractions.

Le ministère public a requis un placement en détention provisoire pour dix jours contre M. Khan tandis que ses avocats ont demandé sa libération sous caution. Le juge, son Honneur Ami Kumar Dey, a rejeté la demande de libération sous caution et a décidé de placer M. Khan en détention pendant 5 jours afin de l’interroger sur la publication d’un « faux rapport » sur les victimes de la répression du rallye organisé par Hefazat-e-Islam début mai. M. Khan a ensuite été ramené au département des enquêtes de police, au 36 rue Minto, Dhaka.

De plus, le 11 août 2013, les bureaux d’Odhikar ont été perquisitionnés par le département des enquêtes de police entre 8h20 et 9h. Les policiers ont inspecté les dossiers de l’organisation et ont saisi trois ordinateurs et deux processeurs.

Le 12 août 2013, la section de la Haute cour au sein de la Cour suprême a suspendu l’ordonnance de placement en détention provisoire pour cinq jours afin de l’interroger et a demandé aux forces de police de le mettre en prison. La section de la Haute cour au sein de la Cour suprême a également permis au département des enquêtes de police d’interroger M. Khan dans la prison centrale de Dacca, si nécessaire. La Cour a rendu cette décision après avoir entendu une requête déposée par M. Khan contestant l’initiation de poursuites sur la base du chapitre 54 ainsi que la légalité de l’ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge Amit Kumar Dey, du tribunal principal de première instance de la ville de Dacca

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités bangladaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Khan, de tous les membres d’Odhikar, ainsi que de tous les défenseurs des droits humains au Bangladesh.

ii. Libérer M. Khan immédiatement et sans conditions car sa détention est arbitraire et vise seulement à sanctionner ses activités de défense des droits humains.

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement – harcèlement judiciaire inclu – à l’encontre de M. Khan, des membres d’Odhikar ainsi que de tous les défenseurs des droits humains au Bangladesh.

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
 à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international »,
 à son article 12.2 qui dispose que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;

v. Assurer en toutes circonstances le respect des droits humains et des libertés fondamentales, en accord avec les standards internationaux relatifs aux droits humains et aux instruments internationaux ratifiés par le Bangladesh.

Adresses :

• Ms. Sheikh Hasina, Prime Minister, Office of the Prime Minister, Gona Bhaban, Old Sangsad Bhaban, Tejgaon, Dhaka, Bangladesh. Fax : +880 2 8113243, Email : info@pmo.gov.bd
• Mr. Muhiuddin Khan Alamgir, Minister for Home Affairs, Ministry of Home Affairs, Bangladesh Secretariat Building 4, Dhaka, Bangladesh, Email : mkalamgir@yahoo.com ; minister@mha.gov.bd ;
• Barrister Shafique Ahmed, Minister for Law, Justice and Parliamentary Affairs, Ministry of Law, Justice and Parliamentary Affairs, Bangladesh Secretariat, Dhaka, Bangladesh, Email : info@minlaw.gov.bd
• Mr. Hasanul Haq Inu, Honourable Minister, Ministry of Information, Building # 4 (8th floor), Bangladesh Secretariat, Dhaka-1000, Bangladesh. E-mail : minister@moi.gov.bd
• Mr. Hasan Mahmud Khandaker, Inspector General of Police, Police Headquarters, Phoenix Road, Dhaka-1000, Bangladesh, Email : ig@police.gov.bd
• H.E. Mr. Abdul Hannan, Ambassador, Permanent Mission of the People’s Republic of Bangladesh to the United Nations in Geneva, 65 rue de Lausanne, 1202 Geneva, Switzerland, Fax : +41 22 738 46 16, E-mail : mission.bangladesh@ties.itu.int
• Embassy of the People’s Republic of Bangladesh in Brussels, 29-31 rue J. Jordaens, 1000 Brussels, Belgium, Fax : +32 2 646 59 98 ; Email : bdootbrussels@skynet.be

Veuillez également écrire aux missions diplomatiques ou aux ambassades du Bangladesh dans vos pays respectifs, ainsi qu’aux missions diplomatiques ou ambassades européennes au Bangladesh.

***
Genève-Paris, 16 août 2013

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax OMCT + 41 (0) 22 809 49 39 / + 41 22 809 49 29
· Tel et fax FIDH + 33 (0) 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

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