Bangladesh : le gouvernement doit mettre fin aux disparitions forcées

23/05/2022
Déclaration
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STR / NurPhoto via AFP

Dhaka, Manille, Paris, 23 mai 2022. À l’occasion de la Semaine internationale des personnes disparues du 21 au 27 mai, la Fédération asiatique contre les disparitions involontaires (Afad), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Maayer Daak et Odhikar commémorent et rendent hommage aux victimes de disparition forcée et manifestent leur solidarité avec les familles des personnes disparues.

Chaque année au mois de mai, le monde commémore la Semaine internationale des personnes disparues afin de se souvenir des disparu·es, d’aborder l’histoire sombre de ces crimes, de faire la lumière sur les cas récents de disparitions forcées et d’éclairer la lutte permanente pour la vérité et la justice dans les pays du monde entier.

Cette semaine internationale a été adoptée par différentes organisations et familles de personnes disparues dans le monde comme l’occasion de mener une campagne contre ces crimes et de réaffirmer la solidarité avec toutes les victimes et leurs familles. La commémoration de cette semaine est un douloureux rappel que les familles attendent des informations sur le lieu et le sort de leurs proches et que les personnes disparues attendent d’être libérées des lieux inconnus où elles sont injustement détenues.

Au Bangladesh, les disparitions forcées continuent de se produire. Les forces de l’ordre bangladaises, en particulier le Rapid Action Battalion (Rab) et le Detective Branch de la police, sont responsables de la majorité des cas de disparition forcée dans le pays. La plupart des victimes de disparition forcée ont été identifiées comme des dirigeant·es et des militant·es de partis d’opposition et des dissident·es.

Le gouvernement dirigé par la Ligue Awami utilise des membres des forces de l’ordre et des forces de sécurité pour étouffer les voix dissidentes et les forces de l’ordre se servent des disparitions forcées comme d’un outil pour endiguer toute critique à l’encontre du gouvernement [1].

Le gouvernement, composé d’un parti politique au pouvoir depuis 2009, [2] a toujours nié l’existence de disparitions forcées dans le pays. Le cas le plus récent de ce déni officiel : le 5 février 2022, avant la 126e session du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDF), quand le ministre bangladais des Affaires étrangères AK Abdul Momen a déclaré aux journalistes qu’un grand nombre des personnes répertoriées comme disparues par certains organes de l’ONU s’étaient en fait noyées dans la Méditerranée [3]. En parallèle, le Ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan déclarait que les forces de sécurité du pays n’étaient pas impliquées dans des actes de disparition forcée, que divers incidents concernant des personnes qui se cachent étaient signalés comme des disparitions, et que personne ne devenait victime de disparition forcée au Bangladesh. [4] L’Afad, la FIDH, Maayer Daak et Odhikar condamnent avec véhémence ces déclarations.

Depuis que les États-Unis ont pris des sanctions ciblées contre plusieurs membres du RAB en décembre 2021, les autorités bangladaises sont devenues plus répressives envers les défenseur·es des droits humains et les familles des victimes de disparitions forcées. Ces derniers mois, des rapports ont fait état d’actes de harcèlement, notamment en interrogeant des membres de la famille et des proches des disparu·es à leur domicile, en les convoquant au poste de police et, dans certains cas, en forçant les familles à signer des déclarations vides ou « blank papers ». La police, le Rab et les services de renseignement de la sécurité nationale ont également passé des appels téléphoniques menaçants aux membres des familles des victimes de disparition forcée, les ont convoqués dans leurs bureaux locaux et se sont rendus sur leur lieu de travail et à leur domicile vers minuit pendant la période allant de mi-février à début mars 2022. En outre, la police a également fait pression sur les familles pour qu’elles signent des déclarations affirmant que les personnes disparues étaient en réalité « introuvables » et que les membres de la famille cachaient des informations. L’Afad, la FIDH, Maayer Daak et Odhikar condamnent fermement ces actes de harcèlement et d’intimidation et expriment leur profonde inquiétude face à ces actions illégales des forces de l’ordre.

Les expert·es des droits humains des Nations unies ont exprimé leur inquiétude concernant l’intimidation et le harcèlement des familles des personnes disparues, des défenseur·es des droits humains et des acteurs et actrices de la société civile au Bangladesh. Elles et ils ont également appelé le gouvernement bangladais à mettre immédiatement un terme aux représailles contre les défenseur·es des droits humains et les familles des victimes de disparitions forcées pour leur activisme et leur coopération avec les organes internationaux de défense des droits humains et les mécanismes de l’ONU. [Disponible sur : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/03/un-experts-urge-bangladesh-end-reprisals-against-human-rights-defenders-and]].

En outre, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDF) a transmis des allégations générales au gouvernement bangladais le 4 mai 2011, le 9 mars 2016, le 22 février 2017 et le 22 mai 2019, auxquelles le gouvernement n’a apporté aucune réponse. L’absence de réponses du gouvernement et le fait qu’il n’ait pas répondu à la demande du GTDF d’effectuer une visite officielle dans le pays, qui a été faite le 12 mars 2013, équivalent à une non-coopération avec les mécanismes des droits humains de l’ONU.

Le Bangladesh ne reconnaît pas le crime de disparition forcée dans son droit pénal. Bien que plusieurs États membres des Nations unies lui aient recommandé de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Bangladesh n’a encore pris aucune mesure en ce sens. Le déni par le gouvernement des cas de disparitions forcées, sa réticence à adhérer à la Convention, et l’absence d’un état de droit contribuent à créer un climat d’impunité pour les autorités bangladaises responsables de ce crime odieux.

Nos organisations rappellent que la disparition forcée peut constituer un crime contre l’humanité en vertu de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), [5] lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.

L’Afad, la FIDH, Maayer Daak et Odhikar réitèrent leur engagement à être solidaires des victimes et de leurs familles dans la lutte pour un monde sans disparitions. Nous nous joignons à l’appel mondial pour un monde sans disparitions et pour que la vérité et la justice soient enfin rendues à toutes les victimes. Nous croyons que le droit à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-récidive doit être assuré à toutes les personnes partout dans le monde, y compris au Bangladesh.

Nous appelons également la communauté internationale à faire pression sur les autorités bangladaises pour qu’elles mettent immédiatement fin à ce crime odieux, qu’elles mènent des enquêtes impartiales et approfondies sur tous les cas de disparition forcée, qu’elles rendent les disparus à leurs familles et qu’elles traduisent les auteur·es en justice.

À propos de nos organisations
La Fédération asiatique contre les disparitions involontaires (Afad) est une fédération d’organisations de défense des droits humains travaillant directement sur la question des disparitions involontaires en Asie. Envisageant un monde sans disparitions, l’Afad a été fondée le 4 juin 1998 à Manille, aux Philippines. L’AFAD a reçu le prix 2016 de la démocratie et des droits humains en Asie décerné par la Taiwan Foundation for Democracy. www.afad-online.org

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) est la plus ancienne organisation non gouvernementale des droits humains au monde. Fondée en 1922, la FIDH fédère 192 organisations membres issues de 117 pays. Son mandat principal est de promouvoir le respect de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. www.fidh.org

Maayer Daak (« l’appel de la mère ») est une plateforme de familles de victimes de disparitions forcées au Bangladesh dont l’objectif commun est de rechercher l’endroit où se trouvent leurs proches et de plaider en faveur de la justice pour les victimes.

Odhikar, qui signifie « droits » en bangla, est une organisation de défense des droits humains basée à Dhaka, au Bangladesh, créée le 10 octobre 1994 par un groupe de défenseur·es des droits humains, pour surveiller les violations des droits humains et sensibiliser le public. Elle possède un statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC des Nations unies. www.odhikar.org

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