Le 10 décembre 2021, les États-Unis ont infligé des sanctions à l’unité paramilitaire et à plusieurs de ses responsables actuel·es et passé·es, en réaction à des allégations crédibles et nombreuses relatives à de graves violations des droits humains telles que des exécutions extrajudiciaires, de la torture et des disparitions forcées.
Depuis l’instauration de ces sanctions, des sources sérieuses ont confirmé que le RAB et la National Security Intelligence (NSI) avaient menacé par téléphone des victimes, des défenseur·es des droits humains, les avaient convoqué·es à leurs bureaux régionaux, ou s’étaient rendus sur leur lieu de travail ou à leur domicile en pleine nuit.
Dans l’un des cas, le RAB et la NSI ont harcelé une personne proche d’un·e défenseur·e des droits humains de mi-février à début mars 2022, l’accusant d’être impliquée dans des « activités anti-étatiques » pour soutenir les familles de victimes de disparitions forcées. Un·e autre défenseur·e des droits humains a déclaré que des agent·es du RAB s’étaient rendu·es à son domicile à minuit, alors que ses enfants dormaient, afin de l’interroger sur les sources de financement de son travail auprès des familles des victimes de disparitions forcées. Les agent·es du RAB se sont ensuite rendu·es sur le lieu de travail l’activiste, le·la menaçant que « dissimuler des informations ne ferait que lui causer plus de problèmes ».
Le gouvernement a également ciblé des organisations de défense des droits humains. Une circulaire du gouvernement ayant fuité, apparemment signée par la Première Ministre Sheikh Hasina et le Secrétaire du Cabinet Khandker Anwarul Islam et datée du 25 janvier, semble indiquer que le Ministère des Finances et le cabinet de la Première Ministre ont eu pour consigne, en réaction aux sanctions, de surveiller les financements étrangers de plusieurs organisations de défense des droits humains.
Le gouvernement a recours à des lois draconiennes et les tribunaux harcèlent les défenseur·es des droits humains en raison de leur travail. Le 18 février, Zohurul Haque, journaliste et président du Patkelghata Press Club, a fait l’objet d’une arrestation en vertu de la loi abusive du Digital Security Act (DSA) pour avoir prétendument publié des déclarations critiques envers le gouvernement et la police sur Facebook. Le 27 février, le Cyber Tribunal de Dhaka a prononcé la condamnation d’un dessinateur, Ahmed Kabir Kishore, et du journaliste exilé Tasneem Khalil, dans une affaire relevant de la DSA pour avoir prétendument diffusé des rumeurs et participé à des activités anti-gouvernementales.
Adilur Rahman Khan et ASM Nasiruddin Elan, responsables de l’organisation bangladaise de défense des droits humains Odhikar, doivent comparaître pour répondre de chefs d’accusation inventés de toute pièce devant le Cyber Tribunal de Dhaka. En février, Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseur·es des droits humains, a fait part de son inquiétude sur cette affaire, indiquant que le tribunal n’était pas en mesure d’apporter les garanties d’un procès équitable et qu’elle manquait de transparence.
Le dossier de renouvellement d’Odhikar auprès du Non-Governmental Organisation Affairs Bureau est resté lettre morte depuis 2014, ce qui entrave grandement sa capacité à mener un suivi de la situation en matière de droits humains et à en rendre compte. Après des années d’immobilisme, début février, peu après le vote des sanctions, cette agence a envoyé à Odhikar une lettre demandant des informations et des documents précis, notamment les noms et adresses de toutes les personnes exécutées extrajudiciairement et ayant fait l’objet d’une disparition forcée entre 2009 et 2021.
Le 14 mars, les expert·es des droits humains aux Nations unies ont fait part de leur inquiétude sur le fait que les représailles à l’encontre des défenseur·es des droits humains pourraient décourager et dissuader le travail sur les droits humains. Dans une déclaration, les expert·es ont indiqué que le Bangladesh devrait « immédiatement mettre un terme aux représailles à l’encontre des défenseur·es des droits humains et les proches de personnes ayant fait l’objet de disparitions forcées en raison de leur militantisme et de leur coopération avec les organes internationaux de droits humains et les mécanismes des Nations unies ». Les organisations de défense des droits humains ont également appelé le Bangladesh à réagir aux inquiétudes exprimées par les Nations unies et exhorté l’ONU à exclure quiconque ayant travaillé au sein du RAB du déploiement d’opérations de maintien de la paix.
Les organisations signataires indiquent que le Bangladesh devrait immédiatement mettre un terme au harcèlement et aux représailles contre les victimes de violations de droits humains, les défenseur·es des droits humains et leurs familles. Au contraire, le gouvernement devrait concentrer ses efforts pour garantir la pleine redevabilité sur les atteintes graves aux droits humains qui subsistent dans le pays.