Afghanistan : Six mois après la chute de Kaboul, aucune reddition de comptes pour les abus des talibans

17/02/2022
Communiqué
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WAKIL KOHSAR / AFP

Six mois après la prise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan, la FIDH et son organisation membre OPEN ASIA|Armanshahr Foundation appellent les organes des Nations unies, les mécanismes internationaux de protection des droits humains et la Cour pénale internationale (CPI) à prendre des mesures plus fermes pour mettre un terme à l’érosion des droits humains et faire en sorte que les auteurs d’exactions répondent de leurs actes. Malgré les promesses des talibans de respecter les droits humains fondamentaux, la situation dans le pays s’est aggravée au cours des six derniers mois, affectant particulièrement les femmes, les journalistes et les défenseur·es des droits humains.

Dans un contexte d’attaque généralisée contre les droits humains — notamment les exécutions extrajudiciaires, les détentions arbitraires et la torture, les défenseur.e.s des droits humains (DDH) — les militant.e.s des droits des femmes et d’autres acteurs et actrices de la société civile ont été particulièrement exposé.e.s à ces violations. Malgré les risques et le climat de peur sur le terrain, les informations concernant les violations des droits humains continuent d’être collectées et rapportées par les DDH et les journalistes. Bien qu’il soit presque impossible d’avoir une image complète de la situation des droits humains dans le pays et de collecter systématiquement des données, les chiffres préliminaires obtenus par la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) indiquent qu’au moins huit activistes de la société civile et deux journalistes ont été tués depuis le 15 août 2021. En outre, 44 journalistes et 10 militant.e.s de la société civile ont été détenus arbitrairement.

Il est inquiétant de constater que les talibans ont recours aux disparitions forcées et à la violence pour réduire la société civile au silence. Quatre femmes DDH ont été détenues au secret par les talibans pendant plusieurs semaines après avoir participé à une manifestation liée aux droits des femmes le 16 janvier 2022, avant d’être libérées les 11 et 13 février 2022. Seize autres femmes défenseures seraient portées disparues, selon les sources de la FIDH. Ces violations à l’encontre de la société civile se produisent dans un contexte de régression dans des domaines où des améliorations avaient été obtenues depuis 2021, notamment les droits des femmes, l’accès à l’éducation et le développement d’un secteur médiatique dynamique.

« Depuis le 15 août, nous avons vu les talibans démanteler systématiquement les avancées en matière de droits humains obtenues au cours des 20 dernières années, en faisant régner la terreur et les représailles contre toute personne perçue comme une menace pour leur pouvoir. Pendant ce temps, de nombreux pays s’engageant sans condition avec les talibans ne parviennent pas à traiter correctement les violations des droits humains et à faire pression pour que les responsables de ces graves abus soient amenés à rendre des comptes ».

Guissou Jahangiri, directrice générale d’Armanshahr/OPEN ASIA et vice-présidente de la FIDH

La session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (CDH) débutant le 28 février 2022, au cours de laquelle un Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Afghanistan sera nommé, la FIDH et la Fondation OPEN ASIA|Armanshahr appellent les membres du CDH à s’engager à soutenir pleinement ce nouveau titulaire de mandat et à soutenir la surveillance continue et systématique par les organes et mécanismes des Nations unies de la situation des droits humains en Afghanistan.

La FIDH et la Fondation OPEN ASIA|Armanshahr appellent également le Conseil de sécurité des Nations unies à renouveler le mandat de la MANUA, qui expire le 17 mars 2022, et à s’assurer que la MANUA dispose de toutes les ressources nécessaires pour continuer à mener à bien son mandat de surveillance et de documentation des droits humains en toute indépendance.

« Le moment est venu pour les États membres de l’ONU de faire preuve d’unité, notamment en veillant à ce que des mécanismes efficaces soient mis en place pour surveiller les violations des droits humains et obliger les talibans à rendre des comptes. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que le mandat de la MANUA soit renouvelé avec un mandat politique et de droits humains fort et identifier des voies concrètes pour garantir la responsabilisation des auteurs de violations des droits humains ».

Juliette Rousselot, chargée de programme Asie de l'Ouest et du Sud de la FIDH
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