Afghanistan : le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies doit exiger des critères de responsabilisation plus fermes

07/09/2022
Lettre ouverte
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Gryffindor via Wikicommons

6 septembre 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et 24 organisations interpellent les représentants permanents des États membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies afin d’élaborer un mécanisme pertinent de responsabilité dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan. Lire la lettre ouverte ci-dessous.

Destinataires : représentants permanents des États membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

6 septembre 2022

Afghanistan : renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et exiger des critères de responsabilisation plus fermes

Vos excellences,

Les organisations signataires attirent votre attention sur la situation déplorable des droits humains en Afghanistan, notamment l’absence totale de responsabilité des auteurs de violations et d’abus des droits humains aussi brutaux que systématiques. Au regard du droit international, les violations qui ont lieu en Afghanistan vont jusqu’au crime, en particulier à l’encontre des femmes et des filles, des minorités ethniques et religieuses, des journalistes et des défenseur·es des droits humains.

Pour les raisons évoquées plus loin, nous appelons le CDH à élaborer un mécanisme dédié de responsabilisation dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (Rapporteur spécial en Afghanistan) lors de sa 51e session à venir.

Par ailleurs, le Rapporteur spécial en Afghanistan, mandaté lors de la 48e session du CDH, assure un suivi et fournit des rapports indépendants primordiaux sur la situation. Le renouvellement de son mandat sera examiné lors de la 51e session, raison pour laquelle nous appelons les États membres des Nations unies à soutenir le renouvellement de ce mandat.
Les talibans tentent de dépouiller les Afghanes de la totalité de leurs droits et libertés civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils ordonnent aux femmes et aux filles de ne quitter leur foyer qu’en cas d’absolue nécessité, de se couvrir le visage en public et d’être accompagnées d’un mahram (homme chaperon). Les femmes perdent rapidement la possibilité de participer à des travaux rémunérés hors de leur domicile. La rentrée des filles au secondaire n’a toujours pas eu lieu. Malgré la réitération de promesses de la part des talibans depuis des mois, rien n’indique un changement proche. Les défenseur·es des droits des femmes, y compris les pacifistes qui manifestent, ont été la cible d’une violente répression. Ces pratiques et déclarations discriminantes sont assorties de démonstrations de violence publique extrêmement brutales.

Le 12 août 2022, un an après l’arrivée des talibans au pouvoir, un groupe expert indépendant des Nations unies, dont le Rapporteur spécial en Afghanistan, déclarait qu’« il n’existe nulle part ailleurs, une attaque en règle des droits des femmes et des filles d’aussi grande envergure, aussi systématique et totale. »

Le groupe expert affirme qu’« il est temps de multiplier sérieusement les efforts pour demander des comptes sur les violations du droit international et humanitaire. L’impunité n’entraînera que d’autres violences et la détérioration de la situation des droits humains dans ce pays. »

La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (UNAMA) rapporte depuis le mois d’août 2021 des « allégations persistantes d’assassinats extrajudiciaires, d’arrestations et de détentions arbitraires, de tortures et de mauvais traitements menés par les autorités autoproclamées ».

Au mois de mai, le Rapporteur spécial en Afghanistan déclarait après sa visite en mission que « les autorités autoproclamées ne reconnaissent pas l’ampleur et la gravité des abus commis, en grande partie en leur nom, et nient leur responsabilité à réagir et à protéger la totalité de la population. Le groupe expert s’inquiète vivement de ce que le contrôle absolu des autorités autoproclamées via les politiques et les agissements n’ait un effet cumulatif sur un vaste pan de droits humains et ne crée une société régie par la terreur.

La disparition rapide des femmes de toute vie publique est particulièrement inquiétante. »
Lors du débat urgent du CDH50 sur la situation des droits des femmes et des filles en Afghanistan, le Représentant permanent d’Afghanistan a spécifiquement interpellé le CDH en vue d’élaborer « un mécanisme robuste de suivi pour recueillir, consolider et analyser les preuves des violations, pour documenter et vérifier les informations, identifier et punir les responsables, promouvoir des voies de recours pour les victimes et émettre des recommandations efficaces pour mettre fin aux violations. »

Il incombe au CDH, à ses membres et aux États observateurs de fournir une réponse adaptée à la l’établissement des responsabilités des auteurs de violations que réclament les groupes de défense des droits humains afghans et du monde entier, et les spécialistes des Nations unies en la matière.

En août 2021, lors de la session spéciale sur l’Afghanistan et lors du CDH48 en septembre, la société civile et plusieurs États ont appelé à l’élaboration d’un mécanisme de mise en accusation.

Le mandat du Rapporteur spécial en Afghanistan est fondamental pour suivre et rendre compte de la situation des droits humains. Cependant, l’état de délabrement du pays et les atrocités touchant les femmes et les filles exigent une réaction plus ferme, assortie d’enquêtes indépendantes approfondies afin de poser les bases de l’établissement des responsabilités des auteurs de violations. Le Rapporteur spécial ne dispose à ce jour ni des équipes, ni des ressources, ni du mandat pour les entreprendre.

Par conséquent, les organisations signataires demandent au CDH d’élaborer parallèlement un mécanisme de mise en accusation avec le mandat particulier suivant :

• enquêter sur toutes les allégations de violations et d’abus des droits humains commis sur le territoire afghan et qualifiés de crimes au regard du droit international, y compris à l’encontre des femmes et des filles ;
• recueillir, consolider et analyser les preuves de ces violations et abus, y compris leur caractère sexiste, consigner et protéger systématiquement toutes les informations, documentations et preuves conformément aux normes du droit international en vue de toutes poursuites judiciaires ultérieures ;
• recueillir et vérifier toutes les informations et preuves pertinentes, y compris par la présence sur le terrain et coopérer avec les autorités judiciaires et autres, nationales et internationales, selon le besoin ;
• identifier, lorsque cela est possible, les personnes et les entités responsables des violations et des abus dénoncés.

Les organisations signataires recommandent, en outre, que le CDH demeure constamment informé au moyen d’un dialogue permanent sur la situation des droits humains en Afghanistan et demande à recevoir des actualisations de la part du Bureau du Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et du Rapporteur spécial en Afghanistan entre les sessions et lors des 52e et 53e sessions.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces questions alarmantes et nous tenons à disposition pour communiquer des informations complémentaires, si besoin.

Veuillez agréer, Vos Excellences, l’assurance de notre considération distinguée. 

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  • Co-signataires

    Afghan Women education and vocational services organization (AWEVSO)
    Afghans for Tomorrow (A4T)
    Armanshahr|OPEN ASIA
    Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
    Civil Society and Human Rights Network (CSHRN)
    Community Relief and Care Organization (CRCO)
    Freedom House
    Front Line Defenders
    Human Rights Watch (HRW)
    Incident prevention and assistance for People Organization (IPAPO)
    International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)
    International Commission of Jurists (ICJ)
    International Federation for Human Rights (FIDH)
    International Service for Human Rights (ISHR)
    Justice for All Organization (JAFO)
    MADRE
    Malala Fund
    Noor Educational and Capacity Development organization (NECDO)
    Parniyan Training Centre and Rehabilitation Organization (PTCRO)
    Safety and Risk Mitigation Organization (SRMO)
    Women Forum on Afghanistan
    Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)
    World Organisation Against Torture (OMCT)
    Yaar e.V.

  • Organisations membres - Afghanistan
    Afghanistan

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