Philippines : halte au harcèlement judiciaire contre les défenseur·es des droits humains

20/06/2022
Déclaration
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Jes Aznar / Getty Images Asiapac via AFP

Paris-Genève, le 20 juin 2022. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, partenariat entre l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) dénoncent que dix défenseur·es des droits humains sont poursuivi·es en justice, en représailles de leur travail de défense des droits humains. Il s’agit notamment de personnes de Karapatan et de l’organisation de défense des droits des femmes Gabriela - membres de l’OMCT - ainsi que des Missionnaires ruraux des Philippines (RMP). Les autorités doivent mettre fin à la criminalisation des dix défenseur·es, et mettre immédiatement en place des systèmes de protection des défenseur·es des droits humains afin qu’ils et elles puissent poursuivre leur travail en faveur des droits humains.

Dix défenseur·es des droits humains et membres de Karapatan, RMP et Gabriela, sont jugé·es par la branche 37 du tribunal métropolitain de Quezon City pour une fausse accusation de « parjure » en représailles de leurs actions visant à obtenir une protection juridique pour les défenseur·es des droits humains. Les dix personnes sont : Elisa Tita Lubi, présidente de Karapatan ; Cristina Palabay, secrétaire générale de Karapatan ; Roneo Clamor, secrétaire général adjoint de Karapatan ; Gabriela Grista Dalena, trésorière de Karapatan ; Edita Burgos ; Wilfredo Ruazol, et Jose Mari Callueng, membres du Conseil national de Karapatan ; Gertrudes Ranjo Libang, présidente de Gabriela ; Joan May Salvador, secrétaire générale de Gabriela ; et Emma Cupin, membre du RMP. Si elles et ils sont reconnu·es coupables, elles et ils risquent jusqu’à deux ans et deux mois d’emprisonnement. À partir du 10 juin 2022 et jusqu’au 1er août 2022, Palabay et les autres membres du Conseil national de Karapatan inculpé·es dans cette affaire livreront leurs témoignages devant le tribunal.

L’Observatoire rappelle que le 6 mai 2019, en raison de l’augmentation alarmante de la violence à l’encontre des défenseur·es des droits humains aux Philippines, les défenseur·es des droits humains de Karapatan, Gabriela et le RMP ont déposé une pétition pour le writ of amparo (ordonnance de protection) et habeas data (accès à l’information) devant la Cour suprême, demandant une protection contre les menaces, les attaques et le harcèlement de la part des représentant·es du gouvernement. La Cour d’appel des Philippines a rejeté leur pétition en juin 2019.

Suite au rejet de la pétition, les autorités ont répondu par des mesures de rétorsion contre les dix défenseur·es. Le 2 juillet 2019, le conseiller à la sécurité nationale, M. Hermogenes Esperon, qui était nommé dans la pétition, a déposé une plainte pour « parjure » contre eux et elles, alléguant que les dix défenseur·es avaient commis cette infraction en déclarant que la RMP était une ONG enregistrée auprès de la Securities and Exchange Commission dans la pétition qu’ils ont déposée devant la Cour suprême. Alors que la plainte pour parjure avait été initialement rejetée pour « absence de cause probable et/ou insuffisance de preuves », en février 2020, le Procureur de Quezon City a fait droit à une demande de réexamen déposée par le conseiller à la sécurité nationale et a trouvé une cause probable pour inculper les dix défenseur·es de « parjure ».

Aux Philippines, les défenseur·es des droits humains continuent d’être victimes d’attaques, d’assassinats, de harcèlement judiciaire, de détention arbitraire et de campagnes de stigmatisation menées par des acteurs étatiques et non étatiques. Depuis juin 2016, lorsque le Président Duterte a pris le pouvoir, le climat dans lequel les attaques contre les défenseur·es des droits humains sont acceptables et légitimées règne. Les meurtres de défenseur·es ont rarement fait l’objet d’une enquête, ce qui aggrave la vulnérabilité de celles et ceux qui continuent d’agir, tout en sapant la confiance de la communauté des droits humains dans le système judiciaire. En outre, la loi antiterroriste, qui a été adoptée en juillet 2020, a encore dégradé la situation précaire des défenseur·es des droits humains en officialisant juridiquement la pratique de l’« étiquetage rouge » des défenseur·es avec des définitions trop larges et vagues du terrorisme.

L’Observatoire exprime sa plus grande préoccupation concernant le harcèlement judiciaire des dix personnes mentionnées, car il semble s’agir de représailles à leur encontre pour avoir tenté d’obtenir une protection juridique pour tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays. L’Observatoire appelle les autorités à mettre fin au harcèlement judiciaire et à mettre un terme à toutes les violations des droits humains perpétrées à l’encontre des membres de Karapatan, RMP et Gabriela, ainsi que de tous les défenseur·es des droits humains dans le pays. Enfin, l’Observatoire appelle le Président élu des Philippines, Ferdinand Marcos Jr, à cesser les menaces et les attaques contre les défenseur·es et à assurer la protection de leurs droits, notamment les droits à la vie, à une procédure régulière, à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique.

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