Philippines : dix défenseur·es des droits humains acquitté·es

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Paris-Genève, 11 janvier 2023. Après plus de trois ans de harcèlement judiciaire, dix défenseur·es des droits humains ont été acquitté·es des accusations de parjure aux Philippines. Parmi eux·elles figurent des membres de Karapatan, de l’organisation de défense des droits des femmes Gabriela (toutes deux membres de l’OMCT) et des Missionnaires ruraux des Philippines. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (partenariat de Fédération internationale pour les droits humains - FIDH et Organisation mondiale contre la torture - OMCT) se félicite de leur acquittement mais rappelle que les défenseur·es n’auraient jamais dû être criminalisé·es pour leur travail en faveur des droits humains.

Le 9 janvier 2023, la branche 139 du tribunal métropolitain de Quezon City a acquitté 10 défenseur⋅es des droits humains. Elles et ils encouraient plus de deux ans d’emprisonnement sur la base de fausses accusations de « parjure », en représailles des actions menées pour obtenir une protection juridique à d’autres défenseur⋅es des droits humains faisant face à une nouvelle vague de violence en 2019. La juge qui présidait, Aimee Alcera, a estimé que le procureur n’avait pas établi sans doute raisonnable que les dix défenseur⋅es avaient effectivement commis une « affirmation intentionnelle et délibérée de mensonge ».

Les défenseur⋅es acquitté⋅es sont : Elisa Tita Lubi, présidente de Karapatan ; Cristina Palabay, secrétaire générale de Karapatan ; Roneo Clamor, secrétaire général adjoint de Karapatan ; Gabriela Grista Dalena, trésorière de Karapatan ; Edita Burgos, Wilfredo Ruazol, et Jose Mari Callueng, membres du Conseil national de Karapatan ; Gertrudes Ranjo Libang, présidente de Gabriela ; Joan May Salvador, secrétaire générale de Gabriela ; et Emma Cupin, membre des Missionnaires ruraux des Philippines (RMP).

En mai 2019, elles et ils ont tou⋅tesdéposé une requête de recours en amparo (ordonnance de protection) et en habeas data (accès à l’information) devant la Cour suprême, afin d’obtenir une protection contre les menaces, les attaques et le harcèlement contre les défenseur⋅es des droits humains aux Philippines, de la part du gouvernement. Après le rejet de leur requête par la Cour d’appel des Philippines en juin 2019, les autorités ont mené des mesures de rétorsion à leur encontre. Le 2 juillet 2019, le conseiller à la sécurité nationale Hermogenes Esperon, qui était nommé dans la requête, a déposé une plainte pour « parjure », alléguant que les 10 défendeur⋅es avaient commis cette infraction en déclarant que la RMP était une organisation non gouvernementale enregistrée auprès de la Securities and Exchange Commission dans la requête déposée devant la Cour suprême. La plainte pour parjure avait été initialement rejetée pour « absence de cause probable et/ou insuffisance de preuves  » en février 2020, mais le procureur de Quezon City a soutenu une motion de réexamen déposée par le conseiller à la sécurité nationale et trouvé une cause probable pour poursuivre les 10 défenseur⋅es des droits humains pour « parjure  ».

L’Observatoire se félicite de l’acquittement des défenseur⋅es des droits humains de Karapatan, Gabriela et RMP mentionné⋅es ci-dessus et réitère sa solidarité indéfectible avec elles et eux, et pour leur travail pacifique et essentiel en faveur des droits humains. Cependant, l’Observatoire rappelle que ces personnes n’auraient jamais dû faire l’objet d’un harcèlement judiciaire en premier lieu, puisqu’ils et elles étaient poursuivi⋅es uniquement pour leur travail légitime en faveur des droits humains.

L’Observatoire rappelle que le harcèlement judiciaire à l’encontre de Karapatan, Gabriela et RMP n’est pas un cas isolé, mais fait partie d’une tendance générale d’attaques contre les défenseur⋅es des droits humains aux Philippines par des acteurs étatiques aussi bien que non étatiques, et qui prend la forme de meurtres, détentions arbitraires, criminalisation et campagnes de stigmatisation.

Un climat extrêmement hostile pour les défenseur⋅es des droits humains prévaut aux Philippines. Les meurtres de défenseur⋅es font rarement l’objet d’une enquête, ce qui accroît la vulnérabilité de celles et ceux qui poursuivent leur activité, tout en sapant la confiance de la communauté des droits humains dans le système judiciaire. En outre, la loi antiterroriste adoptée en juillet 2020 a encore aggravé la situation précaire des défenseur⋅es des droits humains en institutionnalisant juridiquement la pratique de l’« étiquetage rouge  » des défenseur⋅es à la faveur de définitions larges et vagues du terrorisme.

L’Observatoire appelle le nouveau Président des Philippines, Ferdinand Marcos Jr., et son administration, à inverser cette tendance, à cesser les menaces et les attaques contre les défenseur⋅es des droits humains et à assurer la protection de leurs droits, y compris le droit à la vie, à une procédure régulière, à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique.

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