L’Amérique latine étant le nouvel épicentre du coronavirus, en plus des décès, la faim a augmenté de façon spectaculaire. En Amérique latine, environ 50 % de la population travaille dans des conditions informelles (ES), ce qui correspond à 140 millions de personnes.
Pour ces familles, dont l’économie est régie par l’informalité, le fait de devoir accepter l’appel du "Rester à la Maison" entraîne une suppression immédiate de leurs revenus, ce qui a un impact direct sur la possibilité de se nourrir, de payer un loyer ou un prêt au logement, et d’autres services de base. Les politiques publiques doivent donner la priorité aux actions qui visent à éviter que cette crise sanitaire ne se transforme en crise alimentaire. L’accès à l’eau, directement lié à la propagation du virus, est également une source de préoccupation dans toute la région, 65 millions de personnes étant privées d’accès à l’eau et au savon (ES). Les zones rurales sont les plus touchées.
Le nombre élevé de décès dus à la covid-19 a donné une visibilité au démantèlement du système de santé publique, à la précarité sociale des travailleurs de la santé, au manque de fournitures médicales telles que les ventilateurs et au nombre de lits dans les hôpitaux publics, caractéristiques qui sont aussi présentes, parfois à un moindre degré, dans d’autres continents.
En outre, en Amérique Latine, les installations médicales sont principalement concentrées dans les zones urbaines, laissant ainsi un grand nombre d’habitants des zones rurales sans protection, et dans de nombreux pays de la région, des scandales de corruption ont éclaté du fait de mauvaise gestion et de détournements de fonds pour l’achat de fournitures médicales afin de lutter contre la pandémie.
Sur le long terme, la FIDH et ses organisations membres veulent alerter dès maintenant, au plus fort de l’épidémie et alors qu’il y a encore de la marge pour le changement, sur le risque sérieux que ne devienne permanent l’impact de la pandémie sur l’extrême pauvreté et les inégalités, et sur la nécessité d’un changement majeur des politiques qui sont en cours de mise en œuvre et de celles le seront à l’avenir.
Malgré le fait que de nombreux gouvernements ont pris la décision de fournir une aide économique et alimentaire aux citoyens les plus pauvres, les mesures adoptées sont insuffisantes et posent déjà des problèmes de rapidité d’exécution et de transparence des allocations, entre autres. En outre, les politiques à moyen terme profitent au secteur des entreprises et aux plus riches au détriment des plus pauvres, ce qui exacerbe les inégalités socio-économiques.
Dans ce scénario complexe, la FIDH et ses organisations membres signataires font des recommandations à court et moyen terme afin d’éviter l’exacerbation de la pauvreté et des inégalités socio-économiques générées par l’impact de COVID-19 sur les populations vulnérables, permettant ainsi la constrution d’une société plus juste et plus équitable où les droits de l’Homme seront au centre de l’action.
Parmi les recommandations formulées dans la note figurent des réformes fiscales redistributives pour lutter contre l’aggravation des inégalités et l’augmentation de l’extrême pauvreté, telles que la mise en place d’un revenu de base universel financé par les impôts sur les hauts revenus, permettant la pleine et effective jouissance des droits de l’homme ; la suspension de la dette extérieure et de ses intérêts, en évaluant ceux qui devraient être annulés parce qu’ils sont considérés illégitimes, odieux et illégaux ; et enfin, un meilleur contrôle des dépenses publiques pour lutter contre la pandémie, afin d’éviter que les ressources destinées à s’occuper des populations vulnérables ne disparaissent à cause de la corruption.
Sans une refondation du pacte social dans les États, l’Amérique Latine sortira de la pandémie plus pauvre, plus inégale et rétrogradante par rapport aux avancées sociales de ces quinze dernières années.