Résolution sur les obligations extraterritoriales de la République Populaire de Chine en matière de droits humains au Pérou

19/11/2019
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RÉSOLUTION SUR LES OBLIGATIONS EXTRATERRITORIALES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS AU PÉROU

Considérant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) dans son Observation générale n° 241, comme les Principes de Maastricht relatifs aux obligations extraterritoriales des États dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels2, soutient que la République populaire de Chine, en tant qu’État partie du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), est dans l’obligation de protéger, respecter et garantir les droits humains, y compris qu’ils « s’abstiennent d’interférer directement ou indirectement sur l’exercice des droits consacrés par le Pacte » ; « protègent les individus et groupes contre les violations des droits » ; et « prennent des mesures positives pour faciliter la jouissance des droits humains fondamentaux ». 

Rappelant que, conformément à l’Observation générale n° 24 du CDESC, l’obligation de protéger signifie que les États parties doivent prévenir de façon efficace les atteintes aux droits économiques, sociaux et culturels susceptibles de se produire dans le contexte d’activités des entreprises3 ; et qu’en outre, les États ont l’obligation « d’adopter un cadre juridique imposant aux entreprises d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme afin de détecter les risques de violation des droits garantis par le Pacte (…) et de rendre compte des incidences négatives que leurs décisions et leurs opérations, ou que les décisions et opérations des entités qu’elles contrôlent, peuvent avoir sur l’exercice des droits garantis par le Pacte ou auxquelles elles peuvent contribuer ».4

Étant entendu, également, que le CDESC a confirmé dans plusieurs Observations générales5 et notamment dans l’Observation générale n° 24, que les obligations des États s’appliquent « en dehors [du territoire national], pourvu que les États concernés puissent exercer un contrôle sur les situations en question » 6 et que les États doivent prendre les « mesures nécessaires pour empêcher que des violations des droits de l’homme ne soient commises à l’étranger par des entreprises domiciliées sur leur territoire et/ou relevant de leur juridiction (c’est-à-dire des entreprises constituées en vertu de leur législation ou dont le siège statuaire, l’administration centrale ou le principal lieu d’activité se situe sur leur territoire) ». 7

Considérant que, selon les Principes de Maastricht, « [l]es Etats doivent adopter et appliquer des mesures afin de protéger les droits économiques, sociaux et culturels par des moyens juridiques ou autres, y compris des moyens diplomatiques (…) en ce qui concerne les entreprises, lorsque la société, ou la société mère ou dominante de celle-ci, dispose de son cœur d’activité dans l’État concerné, y est immatriculée ou domiciliée, ou y exerce l’essentiel ou une part substantielle de ses activités ». 8

Considérant, également, que l’année dernière, la République populaire de Chine a accepté 284 des 346 recommandations qui lui ont été suggérées par des dizaines de pays dans le cadre de son Examen périodique universel (EPU), réalisé les 15 mars 2018 à Genève devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDHNU). 

Rappelant, dans ce contexte, que la République populaire de Chine a accepté notamment, entre autres, deux recommandations des missions diplomatiques de l’Équateur et du Pérou à Genève, qui ont demandé à l’État chinois, respectivement, de :

• « Promouvoir des mesures qui garantissent que les projets de développement et d’infrastructure à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire soient pleinement compatibles avec les droits humains et respectent l’environnement et la durabilité des ressources naturelles, conformément avec le droit national et international applicable et avec les engagements pris sous l’Agenda 2030 pour le développement durable » et de

• « Considérer la possibilité d’établir un cadre juridique pour garantir que les activités réalisées par les industries sous sa juridiction ne nuisent pas aux droits humains à l’étranger. »

Étant entendu que les gouvernements du Pérou et de la République populaire de Chine ont souscrit l’année dernière, dans le cadre de la réunion ministérielle du Forum APEC qui s’est tenu dans la ville de Puerto Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée, à un mémorandum accordant le lancement de négociations pour l’optimisation de l’accord de libre-échange qui régit le commerce entre le Pérou et la Chine depuis 2010 ; et que ledit processus d’optimisation est actuellement en cours de négociation.
Prenant acte du fait que, faisant partie dudit processus, les deux parties ont décidé d’inclure dans l’accord de nouveaux chapitres et d’actualiser des chapitres déjà existants.

La FIDH réunie pour son 40ème Congrès à Taiwan du 21 au 25 octobre 2019 exhorte les gouvernements de la République populaire de Chine et du Pérou à :
Mettre en pratique les recommandations formulées par le Pérou et acceptées par la République populaire de Chine à la fin de l’année dernière, en intégrant dans la nouvelle version de l’accord de libre-échange entre les parties des mesures qui garantissent que les projets de développement et d’infrastructure mises en œuvre au Pérou soient pleinement compatibles avec les droits humains et respectent l’environnement et la durabilité des ressources naturelles, conformément avec le droit national et international applicable et avec les engagements de l’Agenda 2030 pour le développement durable.

Considérer, à cette fin, d’inclure dans l’accord un cadre juridique qui garantisse que les activités réalisées par les industries relevant de la juridiction de la République populaire de Chine ne nuisent pas aux droits humains au Pérou ; et notamment, en intégrant dans l’accord un Titre sur le commerce et le développement durable par lequel les deux parties s’engagent formellement :

- À promouvoir et à appliquer effectivement dans leurs lois et pratiques sur l’ensemble de leur territoire les normes fondamentales du travail reconnues à l’échelle internationale, telles que contenues dans les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) ;

- À ne pas stimuler le commerce ou l’investissement par la réduction des niveaux de protection contenus dans leur législation relative à l’environnement et au travail ;

- À ne pas manquer d’appliquer, ni laisser sans effet de quelque manière que ce soit sa législation relative à l’environnement et au travail dans le but de réduire la protection garantie par ladite législation pour stimuler le commerce ou l’investissement ; et

- À ne pas manquer d’appliquer de façon efficace ses lois relatives à l’environnement et au travail par une politique d’action ou d’inaction soutenue ou récurrente, dans le but d’influer sur le commerce ou l’investissement entre les Parties.

Adopter cette mesure conformément, non seulement avec le droit international des droits humains qui impose aux États le devoir d’adopter des mesures pour assurer que ses politiques et ses pratiques, y compris celles menées dans le contexte du commerce international, à respecter les droits humains et ne les violent pas, mais aussi à leur devoir de coopérer pour créer les conditions du cadre international nécessaires à l’épanouissement des droits humains.

Démontrer par là leur engagement sur les obligations internationales qu’ils ont pris volontairement dans ce domaine.

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