Lima, 10 octobre 2025. La présidence de Dina Boluarte s’est terminée comme elle avait commencé : au milieu de manifestations réclamant sa démission. Une nouvelle génération de Péruvien·nes, les plus jeunes, est descendue dans la rue pour exiger des mesures immédiates contre la vague de criminalité qui frappe le pays. Ces voix qui s’élèvent pour protester rappellent celles des personnes qui avaient rejeté le nouveau gouvernement de la vice-présidente en 2022 et avaient été assassinées pour avoir exercé leur droit de manifester.
Mais ce ne sont pas ces nouvelles manifestations qui ont motivé la chute de Dina Boluarte, les 49 assassinats qui pèsent sur son mandat ni les complexes réseaux de corruption qui la touchent directement. Son départ n’est pas dû non plus à son incompétence manifeste à mettre fin à la violence systématique qui a fait des milliers de victimes. En réalité, tous ces crimes graves ont été dissimulés à plusieurs reprises par les mêmes partis politiques qui, au sein du Congrès, ont adopté des lois qui ont assoupli la législation pénalisant le crime organisé et garantissant l’impunité des auteur·ices des crimes contre l’humanité commis dans le cadre du conflit armé interne. Cette situation a contribué à l’érosion du système judiciaire et des institutions démocratiques du pays. Le Congrès a par ailleurs une responsabilité dans la crise sécuritaire, pour avoir harcelé les magistrat·es gênant·es pour le régime, tandis que l’exécutif a démantelé les équipes d’enquête policière chargées d’enquêter sur la corruption au sein du pouvoir.
Le Congrès péruvien est responsable de la profonde crise démocratique que traverse le pays tout comme l’ancienne présidente. La FIDH et ses organisations membres au Pérou ont dénoncé à plusieurs reprises le pacte ténébreux qui a maintenu Dina Boluarte au pouvoir pendant toutes ces années. En trois ans à peine, cette alliance ultraconservatrice a gravement abîmé le tissu démocratique.
« La loi d’amnistie a permis d’oublier tous les crimes contre l’humanité commis par la police et les militaires, et la loi contre les ONG limite leur capacité à défendre les victimes de la violence de l’État. Toutes ces actions antidémocratiques, sans compter les attaques contre le ministère public, le pouvoir judiciaire et le système électoral, avaient pour objectif final de s’emparer de l’indépendance des organismes de l’État et de détruire l’état de droit », affirme Gloria Cano, secrétaire générale de la FIDH.
La chute de Dina Boluarte marque la fin de l’un des gouvernements les plus impopulaires de l’histoire du pays et clôt un nouveau cycle de la longue crise politique et institutionnelle que le Pérou traverse depuis près d’une décennie. Cependant, la crise politique prolongée –qui remonte à 2016, huit président·es se sont succédé·es depuis – ne se résout pas par un changement d’image présidentielle, car le nouveau chef de l’État ne possède pas les références démocratiques et le parcours éthique et professionnel exigés par la plus haute fonction de l’État péruvien. Son action sera déterminante pour se maintenir pendant cette période de transition ainsi que, bien sûr, le soutien de la population et des mouvements de rue.
Il est important que les nouvelles autorités s’attaquent en priorité à la question de l’insécurité citoyenne dans le respect de l’état de droit, des droits humains et des procédures régulières, afin de garantir la vie et l’intégrité de la population touchée par la vague de criminalité et de rétablir la capacité de l’État péruvien à protéger les droits humains.
Dans ce contexte de grande incertitude, la FIDH lance un appel urgent à toutes les institutions de l’État pour qu’elles abrogent les lois anti-criminalité, cessent le harcèlement des magistrat·es, garantissent l’intégrité du système électoral et accordent une attention particulière aux élections de 2026.