Cette loi, qui accorde à l’Agence péruvienne de coopération internationale (APCI) des pouvoirs étendus de contrôle, soumet les organisations de la société civile bénéficiant de financements internationaux à une demande préalable d’autorisation de leurs activités. Dorénavant, avant de pouvoir mener un projet ou une action, ces organisations devront se faire délivrer une « conformité préalable » par l’État, qui subordonne la mise en oeuvre de leurs activités ou projets à l’autorisation des pouvoirs publics et porte directement atteinte à leur autonomie et à leur indépendance.
En outre, la loi qualifie de « délit très grave » l’usage prétendument « répréhensible » de fonds de coopération lorsque ceux-ci sont destinés à fournir un conseil, une assistance ou un financement à une action administrative, judiciaire ou autre engagée devant une instance nationale ou internationale et qui mettrait en cause l’État péruvien. Autrement dit, toute organisation qui représenterait ou apporterait un soutien juridique à des personnes ou des communautés victimes d’atteintes aux droits humains pourra se voir sanctionnée. En cas de délit grave, l’APCI aura le pouvoir d’imposer des sanctions économiques disproportionnées pouvant s’élever à 500 unités fiscales, soit environ 720 000 dollars, et de suspendre ou d’annuler l’enregistrement des organisations concernées.
La promulgation de cette loi s’inscrit dans une tendance régionale inquiétante à la restriction de l’espace civique, divers gouvernements ayant promu des textes qui font peser sur l’espace civique des exigences administratives ou financières disproportionnées, en compliquant l’accès aux financements tout en octroyant à des entités publiques des pouvoirs de contrôles étendus. Loin de favoriser la transparence, ces mesures servent d’instrument de censure et de répression. Le cas du Nicaragua, où des milliers d’organisations ont été interdites depuis 2018 ; celui du Venezuela, où a récemment été adoptée une loi accordant au gouvernement des pouvoirs étendus de dissolution des organisations ; ou celui du Paraguay, où la loi n° 7 363 de 2024 impose des restrictions arbitraires aux organismes à but non lucratif, sont des exemples emblématiques de cette tendance. Dans ce contexte, la loi récemment promulguée au Pérou s’ajoute à la dérive régionale dangereuse à laquelle il faut répondre de toute urgence.
Nous réitérons notre solidarité avec les organisations péruviennes qui voient de ce fait leur existence et leur activité importante menacées actuellement. Nous appelons instamment la communauté internationale, les organes du système inter-américain et des Nations unies, ainsi que les gouvernements de la région, à continuer à prendre position et à réagir face à cette grave régression. Il est essentiel de protéger l’espace civique afin de garantir les droits fondamentaux de toutes les personnes en Amérique latine.