Nicaragua : En 2018, il y a eu des meurtres, depuis 2019 ils tuent nos droits : la stratégie Ortega-Murillo exposée

11/02/2021
Communiqué
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© Fotografía de Jader Flores

Paris, Managua - Le 18 avril 2018 marque un basculement de la démocratie nicaraguayenne, vers un régime autoritaire. Dans le contexte des manifestations étudiantes et citoyennes initiées ce jour-là, 328 personnes ont été tuées. Les structures étatiques et paramilitaires responsables de ces assassinats sont toujours au pouvoir aujourd’hui. Ces deux dernières années, elles ont continué de réprimer la population sans aucune impunité.

Aujourd’hui, la FIDH - Fédération internationale pour les droits humains et le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (CENIDH) publient un rapport de plus de 70 pages sur cette vague de répression et de terreur. Le rapport est le résultat du suivi de la situation du pays sur la période 2018-2020.

Le rapport comporte deux axes, le premier analyse 113 exécutions extrajudiciaires commises entre avril et septembre 2018 et explique pourquoi celles-ci constituent des crimes contre l’humanité. Le caractère systématique de ces meurtres est notamment mis en évidence à travers la coordination entre les entités étatiques et paramilitaires, des opérations qui ont abouti aux exécutions extrajudiciaires. Le rapport détaille aussi comment ces groupes paramilitaires/ milice ortéguistes ont été créés et organisés et continuent aujourd’hui de jouer un rôle de contrôle et de répression sociale.

Le rapport dénonce également les rôles dans les exécutions extrajudiciaires, entre autres, de Daniel Ortega, président de la République, plus haute autorité du gouvernement et des forces de sécurité du pays et secrétaire général du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), de la vice-présidente Rosario Murillo, de Francisco Javier Díaz Madriz, directeur de la police nationale nicaraguayenne, et de Sonia Castro, ancienne ministre de la Santé, cette dernière pour avoir émis des ordres de refuser l’assistance médicale aux blessés lors des manifestations et des tenue de barricades.

Le deuxième axe du rapport montre comment encore aujourd’hui ces mêmes appareils étatiques et paramilitaires poursuivent leur répression avec une stratégie plus sélective. En 2019 et 2020, les enlèvements « express » faisaient partie des modalités de répression, avec, par exemple au cours du dernier trimestre de 2019 en moyenne quotidiennement 10 cas d’enlèvements ou d’arrestations illégales, perpétrés par des policiers et des civils armés.

Ceux détenus - arbitrairement - au cours des manifestations de 2018 qui ont été libérés, souffrent de persécutions et de menaces incessantes, par exemple des groupes paramilitaires et des forces de choc liés au gouvernement surveillent et souillent les maisons des prisonniers libérés et de leurs familles avec de la peinture, ils se voient également refuser l’accès aux universités pour étudier. Et ceux toujours détenus n’ont pas bénéficié des mesures de libération prises par le gouvernement pour réduire les risques de contagion de covid-19. En effet de janvier à septembre 2020, il a libéré plus de six mille personnes condamnées pour des crimes de droit commun mais aucun prisonnier politique. À ce jour, il y a plus de 100 prisonniers politiques encore en prison, qui continuent à être victime de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants. Beaucoup d’entre eux ont été soumis à des peines arbitraires et disproportionnées allant jusqu’à 90 ans de prison.

Le rapport dénonce également les meurtres d’autochtones et de paysans commis par des acteurs non étatiques avec l’accord de l’État ces deux dernières années. La répression a atteint une nouvelle étape en 2021 avec la mise en œuvre d’un paquet de lois liberticides votées en 2020 qui accentuent la restriction de l’espace de la société civile et notamment la possibilité de critiquer le gouvernement, et rendent très difficile le travail des ONG et la présence de l’opposition aux élections de novembre 2021.

La FIDH et la CENIDH considèrent que le Nicaragua ne pourra pas sortir de la crise actuelle si les crimes contre l’humanité commis par le régime d’Ortega Murillo demeurent dans l’impunité, la répression actuelle doit cesser et les prisonniers politiques doivent être libérés immédiatement.

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