Mexico, Paris, 25 novembre 2024. Disparues et plongées dans l’enfer de la traite des êtres humains dans l’indifférence générale. L’État de Mexico affiche des chiffres alarmants en matière de disparitions de femmes et de filles. En 2019, il représentait déjà l’entité avec le plus grand nombre de disparitions dans le pays, avec 1 790 cas officiellement enregistrés. Depuis lors, la situation ne cesse de se dégrader. Entre janvier 2018 et le 25 novembre 2024, 2,322 femmes et filles ont disparu, représentant près de 40% des disparitions enregistrées dans la région.
En 2023, la FIDH et ses partenaires au Mexique, Litigio estratégico en derechos humanos (Idheas) et Equipo Mexicano de Antropología Forense (Emaf), publiaient un rapport documentant l’explosion de la violence basée sur le genre, et plus spécifiquement des cas de disparitions de femmes et de filles dans l’État de Guerrero. Un an après, le nouveau rapport intitulé « Qui nous recherche ? Qui se soucie de nous ? » poursuit cette analyse en se concentrant sur l’État de Mexico, carrefour des réseaux de criminalité organisée et de la traite des êtres humains.
Bien que cet État soit également reconnu comme un lieu d’origine, de transit et de destination de la traite des êtres humains, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, les autorités judiciaires et politiques ne font toujours pas de lien entre ce crime et les disparitions de femmes et de filles dans la région. Cette cécité volontaire empêche toute réponse institutionnelle adaptée. Les conséquences sont dramatiques, avec une explosion des cas et un accès à la justice presque impossible pour les familles.
Corruption et patriarcat : fondement de l’apathie judiciaire au Mexique
« Les disparitions de femmes et de filles liées à la traite ne sont pas un problème isolé. Ces horreurs sont le produit d’une culture patriarcale violente, machiste et sexiste. La violence envers les femmes est normalisée. Les préjugés et les discriminations banalisent la traite des êtres humains. Le mépris de la dignité des femmes mexicaines, de leurs vies et de leurs souffrances est la seule réponse des autorités », déclare Juan Carlos Gutiérrez, directeur juridique de l’Idheas.
Dans l’État de Mexico, comme dans le reste du pays, ce phénomène trouve ses racines dans des facteurs structurels tels que la culture patriarcale, ainsi que la présence de réseaux de criminalité organisée, qui prospèrent dans des contextes de pauvreté extrême. Les groupes criminels agissent souvent avec le soutien des communautés locales, en raison des services et des avantages, en particulier économiques, qu’ils fournissent, mais également de la peur omniprésente de représailles sur les populations.
L’absence d’enquête adéquate, de justice et de réparation, ainsi que la complicité et la participation d’agent·es de l’État dans ces crimes, créent un cadre institutionnel favorisant la perpétuation de ces violences. Au niveau national, seulement 2 à 6 % des cas de disparition de personnes avaient fait l’objet de poursuites en 2021 et seules 36 condamnations avaient été prononcées dans des cas de disparition de personnes cette même année.
Signaler la disparition d’une victime ne met pas fin au phénomène. Au contraire, les trafiquant·es trouvent souvent le moyen d’échapper aux poursuites et de mettre en danger les familles de disparues. Le rapport met en avant le cas d’une jeune femme disparue après avoir été recrutée pour travailler dans un restaurant. Malgré les alertes de sa famille, les autorités n’ont pas réagi. Désespérée, les membres de la famille ont dû mener leurs propres enquêtes. Ils et elles ont identifié les responsables, mais pour obtenir des informations, le frère de la victime a dû collaborer avec le réseau criminel, ce qui a conduit à son arrestation et sa détention pour des faits de criminalité organisée.
« Dans un système gangréné par la corruption, les familles sont les seules à rechercher la vérité », rapporte Jimena Reyes, Directrice du bureau Amériques de la FIDH.
Les principaux obstacles à l’accès à la justice pour les victimes de traite des femmes et des filles sont multiples et profondément ancrés dans le système judiciaire. En particulier, la répartition floue des compétences au sein du ministère public et des administrations, l’absence d’une approche holistique dans les enquêtes et la fragmentation des démarches rendent difficile l’identification et le traitement des disparitions liées à la traite. Ces failles systémiques, associées à un manque de formation des autorités sur les questions de genre et à une coordination insuffisante entre les différentes instances, entravent non seulement la reconnaissance des victimes mais aussi leur accès aux services de soutien et de la protection.
Le rapport appelle à des mesures urgentes pour que les disparitions des femmes et des filles soient traitées comme des crimes, avec des poursuites appropriées, garantissant aux familles l’accès à la justice.
Pour lire le rapport en français :