Honduras : Les défenseurs des droits humains entre le marteau et l’enclume

AFP

Publication d’un rapport de mission d’enquête internationale

(Panama-Genève-Paris-Tegucigalpa) Les assassinats, les menaces, la criminalisation sont la réalité quotidienne des défenseurs des droits humains au Honduras. Les autorités honduriennes doivent faire preuve d’une réelle volonté politique pour endiguer cette crise, ont déclaré aujourd’hui l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat OMCT-FIDH), le CEHPRODEC, le CIPRODEH, le COFADEH et la Plateforme internationale contre l’impunité. Cet appel a été lancé dans le cadre d’une audience publique devant la Commission inter-américaine des droits de l’Homme (CIDH) à Panama sur la situation des défenseurs des droits humains au Honduras.

La situation difficile que connaissent les défenseurs et défenseures des droits humains au Honduras a été l’objet d’une grande attention internationale en 2016, suite à l’assassinat de Berta Cáceres, emblématique défenseure autochtone lenca. Ce crime n’est que la partie émergée de l’iceberg. De très graves violences sont en effet perpétrées à l’encontre des défenseurs dans ce pays d’Amérique centrale qui est devenu l’un des pays les plus dangereux au monde pour la défense des droits humains.

Depuis 2001, 17 défenseurs des droits humains bénéficiaires de mesures de précaution de la CIDH ont été assassinés, soit en moyenne un par an. Depuis mai 2015, l’Observatoire a documenté 16 cas d’assassinat de défenseurs, pratiquement un par mois, ce qui montre l’aggravation de la situation.

Les agressions contre les défenseurs et défenseures sont commises en toute impunité et cela est dû en grande partie à l’inefficacité de l’administration de la justice, mais également à d’autres facteurs structurels. Paradoxalement, de nombreux défenseurs sont criminalisés et le système judiciaire semble tout mettre en œuvre pour que ces procédures progressent rapidement. Selon la CIDH, depuis 2010 il y aurait eu, au Honduras, plus de 3 064 cas de criminalisation dans le but d’intimider les défenseurs et défenseures des droits humains.

Le rapport conclut qu’il est urgent de disposer d’un cadre national plus clair et protecteur, qui reconnaisse pleinement les droits humains de la population paysanne, des peuples autochtones et des personnes LGBTI. Les défenseurs et défenseures qui œuvrent pour ces droits disposeraient ainsi d’un meilleur cadre de travail et leur légitimité et leur visibilité en seraient accrues, tout particulièrement dans un contexte où prévalent les conflits autour de la terre et les stéréotypes hétéro-patriarcaux.

« Tant que des solutions n’auront pas été trouvées pour remédier aux problèmes structurels qui mettent en danger les défenseurs des droits humains, des mesures comme la Loi de Protection des Défenseurs, qui vont pourtant dans la bonne direction, ne seront pas efficaces. Les politiques discriminatoires contre les personnes LGBTI ainsi que les violations des droits relatifs à la terre, y compris l’obligation de consulter les communautés affectées par des projets de développement, contribuent à exacerber les conflits et à renforcer les stéréotypes, et laissent les défenseurs entre le marteau et l’enclume »

nos organisations

Notamment, dans un contexte où 837 projets miniers couvrant 35% du territoire national pourraient bientôt voir le jour, la mise en place d’un cadre législatif clair et respectueux des normes internationales en matière de droits humains relatifs à la terre contribuerait à canaliser les possibles conflits au travers de canaux institutionnels de dialogue au lieu de générer de la violence et des conflits sociaux. Pour toutes ces raisons, nos organisations appellent à la tenue de débats participatifs incluant notamment la société civile et notamment des peuples autochtones et garifunas.

Le rapport conclut d’autre part que les facteurs structurels comme la militarisation de l’État, le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, la stigmatisation systématique des défenseurs et les carences institutionnelles de l’État en matière de droits humains sont la preuve de l’absence de volonté réelle de l’État de protéger les défenseurs des droits humains.

Preuve en sont les déclarations récentes et extrêmement préoccupantes du Président Juan Orlando Hernández, criminalisant de façon irresponsable les organisations de défense des droits humains en les assimilant à des gangs. De tels propos ne peuvent que contribuer à accroître davantage le risque d’attaques contre les défenseurs.

A la lumière des conclusions de notre rapport, nos organisations formulent des recommandations spécifiques sur les réformes structurelles nécessaires, identifiées par nos organisations à partir de leur analyse.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (l’Observatoire) est un programme crée en 1997 par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH et son objectif est d’intervenir pour prévenir ou parer à des situations concrètes de répression contre les défenseurs et défenseures des droits humains. L’OMCT et la FIDH sont tous deux membres de ProtectDefenders.eu, le Mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains, mis en œuvre par la société civile internationale.

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