Point 19 de l’ordre du jour : Intervention écrite de la FIDH sur Haïti

18/02/2004
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Exilés haïtiens pour la Promotion et la Défense des droits Humains, expriment leur plus vive préoccupation face à la situation des droits de l’Homme à Haïti.

L’année 2003 a été marquée par une recrudescence de graves violations des droits de l’homme (exécutions extrajudiaciaires, actes de torture, arrestations arbitraires, disparitions forcées) visant en particulier des membres de l’opposition. L’année 2004, a commencé sous le signe des commémorations pour le Bicentenaire de l’indépendance du Pays. Ces commémorations, d’une part, elle se déroulent dans un contexte globalement menaçant pour les libertés et les droits fondamentaux de la personne humaine aussi bien que pour la démocratie, la paix et la justice. D’autre part, elles sont un catalyseur de la tension et de la violence qui règnent dans ce Pays. Preuve en est le bilan des confrontations qui ont eu lieu le 7 janvier 2004 à Port-au-Prince, entre des partisans du régime et des membres de l’opposition : deux personnes ont été tuées et 30 blessées.

L’année 2003 a été marquée par une recrudescence de graves violations des droits de l’homme (exécutions extrajudiaciaires, actes de torture, arrestations arbitraires, disparitions forcées) visant en particulier des membres de l’opposition. L’année 2004, a commencé sous le signe des commémorations pour le Bicentenaire de l’indépendance du Pays. Ces commémorations, d’une part, elle se déroulent dans un contexte globalement menaçant pour les libertés et les droits fondamentaux de la personne humaine aussi bien que pour la démocratie, la paix et la justice. D’autre part, elles sont un catalyseur de la tension et de la violence qui règnent dans ce Pays. Preuve en est le bilan des confrontations qui ont eu lieu le 7 janvier 2004 à Port-au-Prince, entre des partisans du régime et des membres de l’opposition : deux personnes ont été tuées et 30 blessées.


La presse haïtienne : une cible en 2003

Depuis l’assassinat du plus célèbre journaliste haïtien, Jean Léopold Dominique le 3 avril 2000 et depuis le lynchage le 3 décembre 2001 de Brignol Lindor, la presse indépendante haïtienne vit des jours difficiles. Cette presse se trouve dans la ligne de mire du pouvoir, en étant accusée par le Président Jean Bertrand Aristide d’être liée aux prétendues fomenteurs d’un coup d’Etat. . En témoignent les actes de harcèlement, les menaces et les agressions contre les journalistes, aussi bien que les attaques avec armes à feu contre les locaux de médias. Les actes mentionnés ci-dessous, ne sont qu’une illustration de cette situation.

Le 10 janvier 2003, alors qu’il couvre une manifestation d’opposants au régime lavalas (l’avalanche), le journaliste Rony Mathieu travaillant pour la radio privée Magic Stéréo a été atteint à la tête par un projectile. Selon un envoyé spécial d’un autre média sur place, Rony Mathieu a été blessé au moment où un groupe de contre-manifestants pro-Aristide ont commencé à lancer des pierres et des jets de bouteilles sur les manifestants anti-lavalas et la presse venue couvrir l’événement.

Le 23 février 2003, la Radio Haïti Inter, propriété du journaliste assassiné Jean Dominique, est obligée de fermer ses portes et sa veuve Michèle Montas part en exil aux Etats-Unis. Dans le même temps, la résidence des journalistes Montigène et Elysée Sincère est incendiée par des personnes supposée être proches du pouvoir.

Le 28 octobre 2003, dans la soirée, des inconnus armés tirent sur les locaux de radio Caraïbes, une station de radio privée de Port-au-Prince. Si personne n’a été blessé, des vitres de la radio ont en revanche été brisées. En réaction, la radio a cessé provisoirement ses émissions pour protester contre cette attaque. " La radio reçoit régulièrement des menaces" a déclaré Jean Elie Moléus, nouveau directeur de l’information de Radio Caraïbes. Il remplace à ce poste Carlo Sainristil qui, après des violences enregistrées le 17 décembre 2001 contre Radio Caraïbes et d’autres stations du pays, a été obligé de fuir vers les Etats-Unis ainsi que Trézil Jean Samuel, Gérin Alexandre, Arthus Weibert, respectivement rédacteur en chef, secrétaire de rédaction et reporter de Radio Caraïbes.

Le 5 décembre 2003, lors d’attaques de partisans du pouvoir contre les locaux des facultés, deux journalistes ont été grièvement blessés. A ce propos, le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) conclut : " Les actes de harcèlement et de menace à l’encontre des journalistes au cours des derniers mois sont la preuve de l’existence d’un climat d’intimidation et d’intolérance pour l’exercice de la profession de journaliste en Haïti".

L’Université d’Etat d’Haïti assiégée

Depuis quelques mois, l’Université est le siège d’un foyer de contestation anti-Aristide. Ces manifestations ont été violemment réprimées soit par des "chimères"1, soit par la Police Nationale qui, le plu souvent, assiste impassible aux violences.

Le 8 janvier 2003, Eric Pierre, étudiant en troisième année à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Port-au-Prince est assassiné par balles aux abords du cimetière de la capitale. Le porte-parole de la Police Nationale à l’époque, Jean Dady Siméon présente l’étudiant décédé comme une simple victime de l’insécurité généralisée. Quelque temps avant le meurtre néanmoins, les étudiants avaient hissé un drapeau noir au fronton de la Faculté pour exiger le départ du président. Et c’est ce geste qui leur a valu d’être sauvagement agressés par les "chimères" parmi lesquels se trouvaient le ou les assassins de Eric Pierre.

Les violences ont atteint leur paroxysme le 5 décembre 2003 à la Faculté des Sciences Humaines et l’INAGHEI (Institut National de Gestion et des Hautes Etudes Internationales). Ce jour-là, les étudiants s’apprêtaient à organiser une manifestation anti-lavalas quand des contre-manifestants armés de bâtons, de barres de fer, d’armes de point et de fusils mitrailleurs les ont pris en otage. Environ 25 personnes ont été blessées, dont nombreuses par des balles de fusil. Ce même jour , des chimères ont brisé à coups de barres de fer les deux jambes du Recteur de l’Université, Monsieur Pierre Marie Paquiot, dont les chances de pouvoir remarcher restent à ce-jour incertaines.

Exécutions extrajudiacires, actes de torture, gardes à vue prolongées

Le 14 juillet 2003, une militante politique de l’Opposition, Madame Judie C. Roy est arrêtée chez elle, au local de la Mission « Freewill Baptiste Church » par la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) en compagnie de Jeantel Josepth, Chavannes Joseph et Edler Rivot. Conduite au Commissariat de Police, Madame Roy est torturée pendant plusieurs jours par les autorités policières qui l’accusent de "complot contre la sûreté intérieure de l’Etat" et d’"association de malfaiteurs". Le jour de cette arrestation, les policiers ont aussi emporté 5ordinateurs, deux véhicules qui étaient dans le parking de la prévenue, plusieurs pièces d’identité, ainsi que 95000 dollars américains. , appartenant à la Mission « Freewill Baptiste Church ». Toutes les personnes mentionnés continuent en prison.

Après quinze jours de détention, Madame Roy comparaît devant un juge, le visage tuméfié, le corps chargés d’ecchymoses. Interrogé sur ces actes de torture, le secrétaire d’Etat à la Communication, Mario Dupuy, déclare que Madame Roy "est une terroriste et qu’on ne prend pas de gants avec une terroriste". Au moment d’écrire, la prévenue est toujours en prison en attendant un jugement.

Charles Baker et David Apaid, tous deux industriels, membres d’une coalition de la société civile dit des "184", ont eux aussi été victimes d’une arrestation « musclée ». Les prévenus ont été arrêtés le 14 novembre lors d’une manifestation contre le régime pour "détention illégale d’armes à feu" et comparus devant leur juge naturel le lundi 17 novembre. Emmenés au poste de police, les industriels n’ont été "provisoirement libérés" qu’après 17 jours de détention alors que la durée légale de la garde-à-vue est 48 heures. Par rapport au chez d’accusation retenu contre eux, ils étaient détenus de façon arbitraire.

Recommandations :

Face à cette situation, la FIDH et la Ligue des Exilés Haïtiens demandent à la Commission des Droits de l’Homme d’adopter une Résolution sur la situation des droits de l’homme en Haïti :

 Exprimant sa préoccupation quant à la détérioration de la situation des Droits de l’Homme en Haïti ;
 Pressant le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir le respect des droits de l’homme en conformité avec ses obligations internationales, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression et la liberté d’opinion, le droit de se réunir et de manifester pacifiquement, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradant, le droit de ne pas être privé arbitrairement de sa vie ;
 Pressant le gouvernement d’appliquer les recommandations formulées par l’Expert indépendant, afin de continuer le programme de coopération technique ;
 Priant le Haut Commissariat des Droits de l’Homme de continuer son programme de coopération technique avec le gouvernement et de mettre en place un bureau à Haïti, avec un mandat incluant à la fois la formation et la coopération technique ainsi qu’une coopération ciblée ;
 Demandant à l’Expert indépendant de soumettre un autre rapport à la prochaine session de la Commission.

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