Haïti : Menaces d’arrestation arbitraire à l’encontre des avocats Mario Joseph, Newton Louis St Juste et André Michel

11/10/2012
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Haïti.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de sources fiables des menaces d’arrestation arbitraire ainsi que de la multiplication d’actes d’intimidation à l’encontre de M. Mario Joseph, président du Bureau des avocats internationaux (BAI), et MM. Newton Louis St Juste et André Michel, avocats qui travaillent sur des cas de violations des droits économiques et sociaux en Haïti.

Selon les informations reçues, le 28 septembre 2012, le commissaire du Gouvernement[1] auprès du parquet du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, M. Jean Renel Sénatus, a déclaré à la radio que M. Jean Renel Sanon, ministre de la Justice et de la sécurité publique, et M. Josué Pierre-Louis, président du Conseil électoral permanent, l’auraient enjoint à plusieurs reprises à procéder à l’arrestation de 36 individus identifiés comme opposants au régime, pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et « outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique »[2]. Trois ordres émis verbalement auraient visé entre autres les avocats MM. Mario Joseph, Newton Louis St Juste et André Michel. Après avoir refusé d’exécuter ces instructions qu’il jugeait manifestement arbitraires et illégales, le commissaire du Gouvernement aurait alors été démis de ses fonctions le 25 septembre. Le 3 octobre 2012, M. Sénatus a maintenu ces propos devant la Commission Justice du Sénat.

M. Mario Joseph, qui travaille sur divers cas de violations des droits de l’Homme en Haïti, s’est notamment impliqué de manière particulièrement active dans la procédure à l’encontre de M. Jean-Claude Duvalier, ancien président de la République d’Haïti. En août 2012, MM. Newton Louis St Juste et André Michel ont quant à eux initié plusieurs actions en justice contre le Président Michel Martelly et sa famille ainsi que contre des membres du gouvernement pour dénoncer des faits de détournement de fonds publics, de corruption et de blanchiment d’argent.

L’Observatoire tient à souligner que ces menaces d’arrestation arbitraire s’ajoutent aux nombreux actes d’intimidation qui ont visé MM. Mario Joseph, Newton Louis St Juste et André Michel depuis le mois de février 2012. Les trois avocats ont en effet reçu de multiples menaces de mort, à la fois par téléphone et par l’intermédiaire de graffitis, et MM. St Juste et Michel ont été visés par des appels anonymes menaçant d’enlever leurs enfants. Ils ont également fait l’objet de surveillances policières à proximité de leurs domiciles et lieux de travail respectifs. M. Mario Joseph a commencé à recevoir régulièrement des menaces de mort après qu’il a tenu une conférence de presse dénonçant l’ordre du juge d’abandonner les charges contre M. Jean-Claude Duvalier, le 30 janvier 2012. Dans le cas de MM. Newton Louis St Juste et André Michel, ces actes de harcèlement sont devenus de plus en plus fréquents au cours des trois derniers mois, dès lors que les deux avocats ont engagé une action en justice accusant la famille présidentielle de corruption. Le 7 septembre 2012, les avocats ont déposé une plainte auprès du Parquet afin de dénoncer ces menaces. Cependant, aucune suite n’y a été donnée au jour de la publication de l’appel.

L’Observatoire condamne vivement ces mesures de représailles contre les trois avocats et s’inquiète du harcèlement constant dont ils font l’objet.

L’Observatoire appelle les autorités haïtiennes à mener une enquête indépendante sur ces faits et à garantir la sécurité des trois avocats en application de leurs engagements internationaux.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités haïtiennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mario Joseph, Newton Louis St Juste et André Michel, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en Haïti ;

ii. Mener une enquête indépendante sur les menaces ainsi que sur la légalité des ordres émis aux fins d’arrêter les trois avocats, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi haïtienne et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de MM. Mario Joseph, Newton Louis St Juste et André Michel ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme en Haïti, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à :
 son article 1 qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international »,
 et son article 12.2, qui dispose que « l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Haïti.

Adresses :

· M. Michel Joseph Martelly, Président de la République, Palais National, Champ de Mars, Port-au-Prince, Haïti
· M. Jean Renel Sanon, Ministre de la Justice et de la Sécurité publique, 18 avenue Charles Summer, Port-au-Prince, Haïti ; Email : jeanrenelsanon@yahoo.com/ secretariat.mjsp@yahoo.com ; Tél : +509 22 45 97 37 ; Fax : +509 22 45 04 74
· M. Pierre-Richard Casimir, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, 23 avenue Lamartinière, Bois Verna, Port-au-Prince, Haïti ; Tél : +509 28 13 14 69 / 28 13 14 73 / 28 13 14 71 ; Fax : +509 22 98 3772 / 22 98 37 73
· Mme Marie Carmelle Rose Anne Auguste, Ministre déléguée auprès du Premier Ministre chargée des Droits de l’Homme et de la lutte contre la pauvreté extrême ; Tél : +509 39 20 53 84, Email : auguste_lody@yahoo.com
· M. Gerald Norguaisse, commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Port-au-Prince, Palais de Justice, Boulevard Harry Truman, Port-au-Prince, Haïti ; Email : parquetpap@yahoo.fr
· Mission permanente d’Haïti auprès des Nations Unies à Genève, 64 rue de Monthoux, 1201 Genève, Suisse, Fax : +41 22 732 55 36 ; Email : mission.haiti@ties.itu.int
· Ambassade d’Haïti à Bruxelles, 139 Chaussée de Charleroi, 1060 Bruxelles Saint-Gilles, Belgique, Fax : + 32 2 640 60 80, Email : ambassade@amb-haiti.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques d’Haïti dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 11 octobre 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH:33143552518/33143551880
· Tel et fax OMCT :+41228094939/41228094929

[1]Le commissaire du Gouvernement est l’équivalent du procureur général.
[2]Le complot contre la sûreté de l’Etat est prévu par les articles 57 à 80 du Code pénal, qui mentionnent des peines pouvant aller de dix à quinze ans de prison ou des travaux forcés à perpétuité. L’outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique est prévu par les articles 183 à 192 du Code pénal. Les sanctions encourues peuvent aller d’une amende de seize à quarante gourdes (de 0.29 à 0.73 €), à des peines de prison d’un mois à trois ans, ou encore jusqu’à des peines de travaux forcés à perpétuité.

Lire la suite