Abandon des charges contre Jean-Claude Duvalier : la consécration de l’impunité en Haïti

02/02/2012
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres en Haïti, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), le Comité des avocats pour le respect des libertés individuelles (CARLI) et le Centre Œcuménique des droits humains (CEDH) condamnent vigoureusement la décision des autorités haïtiennes de ne pas poursuivre Jean Claude Duvalier pour les graves violations des droits de l’hommes perpétrées durant son régime en Haïti, de 1971 à 1986.

« Une nouvelle fois les victimes de l’ère Duvalier se voient refuser toute justice. Cette décision renforcera la culture de l’impunité en Haïti au préjudice de la construction d’un État de droit » a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

Le Juge d’instruction a émis une ordonnance déclarant prescrites les charges de torture, disparition et exécution extrajudiciaire. Il n’a retenu que les charges de corruption à son encontre. Jean-Claude Duvalier faisait l’objet d’une enquête judiciaire suite aux plaintes déposées par plusieurs victimes au lendemain de son retour en Haïti en janvier 2011.

Cette ordonnance – qui à date n’est signifiée à aucune des parties – démontre que le Juge d’instruction n’a réalisé aucune enquête judiciaire sinon qu’il s’est contenté d’entendre certains plaignants et d’en dresser procès verbal. « L’instruction a failli. Elle n’a pas procédé à un vrai travail d’enquête, ni proprement recueilli les témoignages des victimes qui s’étaient constituées parties civiles, ne les protégeant pas des intimidations du clan Duvalier. C’est un signal fort sur les défaillances de notre appareil judiciaire », a ajouté Pierre Espérance, directeur du RNDDH.

Cette décision viole les obligations internationales d’Haïti d’enquêter sur les violations graves des droits de l’homme et de poursuivre leurs auteurs, tel que l’ont rappelé la Cour interaméricaine des droits de l’Homme et la Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies. Les tortures, disparitions, exécutions extrajudiciaires commises de manière massive ou systématique sont constitutives de crimes contre l’humanité, qui ne peuvent être prescrits. La FIDH et le RNDDH avaient en ce sens publié une note sur l’application du droit international aux faits survenus en Haïti entre 1971 et 1986, pouvant être qualifiés de crimes contre l’humanité.

« Les crimes contre l’humanité se définissent tant par leur nombre et leur nature systématique que par leur brutalité et l’inhumanité de leur exécution. Les crimes commis sous le régime de Jean-Claude Duvalier répondent bien à cette définition, conformément à la pratique du Droit international auquel Haïti est soumis. Contrairement à ce que prétendent les partisans de l’ex- dictateur, ces infractions systématiques et graves sont imprescriptibles et les tribunaux haïtiens ont compétence pour les juger », a affirmé Sylvie Bajeux, Directrice du CEDH.

La FIDH, le RNDDH, le CARLI et le CEDH espèrent que cette décision sera révisée en appel et que justice sera enfin rendue aux nombreuses victimes de Duvalier qui ont déjà attendu trop longtemps.

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