« La procédure judiciaire n’est en aucun cas compromise par le décès de Jean Claude Duvalier » a déclaré Pierre Espérance, Directeur exécutif du RNDDH et Secrétaire général de la FIDH. « La procédure continue et a vocation à viser l’ensemble des plus hauts responsables du régime Duvalier qui, aux côtés de l’ancien dictateur, ont participé, en tant qu’auteurs ou complices, à la perpétration des disparitions forcées, détentions arbitraires, actes de torture et exécutions sommaires perpétrés entre 1971 et 1986 ».
La décision historique rendue par la Cour d’appel de Port au Prince, le 20 février 2014, ouvrant la voie à des poursuites devant les juridictions haïtiennes à l’encontre de Jean Claude Duvalier et tout autre responsable des crimes perpétrés sous son régime, avait donné lieu à un regain d’espoir parmi les victimes, qui avaient saisi la justice au lendemain du retour en Haïti de Jean Claude Duvalier, en janvier 2011.
« Le juge d’instruction saisi au sein de la Cour d’appel de Port au Prince pour instruire cette affaire doit pouvoir poursuivre son enquête à l’abri de toute interférence politique » a déclaré Karim Lahidji, Président de la FIDH. « Les autorités haïtiennes doivent soutenir ce processus afin qu’il puisse mener à un procès équitable et impartial des plus hauts responsables du régime Duvalier. C’est aussi à l’aune de la réussite de cette procédure que se mesurera la capacité d’Haïti à s’inscrire dans l’Etat de droit et la démocratie ».
En parallèle à la procédure judiciaire, de nombreuses initiatives ont été organisées par le Comité devoir de mémoire visant à permettre à la société haïtienne, en particulier les jeunes générations, de revenir sur les crimes du passé et à sensibiliser la population à la nécessité de faire face au passé pour mieux regarder l’avenir.
« Le devoir de mémoire est une condition essentielle pour créer les garanties de non répétition des crimes du passé » a déclaré Sylvie Bajeux, Directrice exécutive du CEDH.
Retour sur l’affaire :
Arrivé au pouvoir à l’âge de 19 ans, en 1971, Jean Claude Duvalier, dit « Baby Doc », a présidé Haïti jusqu’en 1986, avant d’être renversé par une révolte populaire et contraint à l’exil. Ces quinze années de dictature ont été marquées par des violations massives des droits de l’Homme, perpétuant ainsi le régime autoritaire mis en place par son père, François Duvalier. S’appuyant sur des forces de sécurité, notamment les milices des « Tontons macoutes », son régime s’est employé à semer la terreur parmi les opposants politiques, ce qui s’est traduit par l’arrestation et la détention de centaines de prisonniers politiques, dont certains ont disparu, d’autres ont été exécutés sommairement et d’autres enfin ont été contraints à l’exil. La pratique de la torture était monnaie courante. Les libertés d’association, de réunion et d’expression ont été systématiquement entravées et la presse a été muselée.
Son retour inattendu en Haïti, le 16 janvier 2011 a donné lieu, malgré le contexte du terrible tremblement de terre qui venait de secouer Haïti, à sa mise en examen, deux jours après son arrivée sur le sol haïtien, pour corruption et détournement de fonds publics. Peu après, 22 plaintes ont été déposées pour crimes contre l’humanité.
Le 27 janvier 2012, le Juge d’instruction a déclaré prescrites les charges de torture, disparition et exécution extrajudiciaire à son encontre, le renvoyant devant un tribunal correctionnel pour corruption et détournement de fonds.
Les victimes, regroupées au sein du Collectif contre l’impunité, ont fait appel de la décision de ne pas poursuivre Jean Claude Duvalier pour les graves violations des droits de l’Homme
perpétrées durant son régime.
Le 20 février 2014, la Cour d’appel de Port au Prince leur a donné raison en rétablissant les accusations de crime contre l’Humanité contre Jean-Claude Duvalier et en ordonnant un supplément d’instruction sur ces crimes.