Le vendredi 30 juillet 2022, le bureau du Procureur spécial contre l’impunité (Feci) du ministère public guatémaltèque a reçu l’autorisation d’un juge pour arrêter le journaliste José Rubén Zamora, président et fondateur du journal El Periódico. Elle a également reçu l’autorisation de perquisitionner le domicile de M. Zamora et les bureaux du journal, et de saisir les comptes de El Periódico. Le parquet guatémaltèque accuse le journaliste de « chantage », de « trafic d’influence » et de « blanchiment d’argent ».
La procureure adjointe de la Feci, Samari Carolina Gómez Díaz, a également été détenue arbitrairement dans le cadre de la même affaire, accusée de « révélation d’information confidentielle ou réservée ».
Tou·tes deux sont détenu·es à l’unité militaire de Mariscal Zavala. Le 3 août 2022, leur audience a été suspendue et la réserve de l’affaire a été levée. Bien que l’affaire ne soit plus sous réserve, l’Udefegua s’est vue refuser l’accès à l’audience, au motif qu’il n’y avait pas de défenseur·es des droits humains impliqué·es.
El Periódico est l’un des principaux journaux indépendants du pays et dénonce la corruption et les abus de pouvoir depuis des décennies. Pour cette raison, le journal et son président et fondateur José Rubén Zamora ont subi de multiples campagnes de dénigrement et des centaines de procès stratégiques contre la participation publique.
Criminalisation des journalistes et de l’opposition au Guatemala
Ce n’est pas la première fois que des journalistes indépendant·es sont criminalisé·es pour leur travail légitime et l’exercice de la liberté d’expression au Guatemala, comme en témoignent les cas de Marvin Del Cid et Sonny Figueroa, préalablement dénoncés par l’Observatoire. L’arrestation de José Rubén Zamora et la saisie des comptes de El Periódico représentent le point culminant de la campagne de harcèlement judiciaire utilisée par l’État guatémaltèque pour réduire au silence les voix critiques dans le pays et restreindre encore davantage l’espace civique.
La détention arbitraire du procureur adjoint Gómez Díaz est une étape supplémentaire dans le démantèlement du système judiciaire indépendantqui a conduit à l’exil de 23 membres du pouvoir judiciaire et à la criminalisation injuste de dix procureurs. L’instrumentalisation du droit pénal pour harceler les opérateurs judiciaires indépendants contribue à établir un système d’impunité dans le pays, qui facilite à son tour la criminalisation et le harcèlement des défenseur·es des droits humains.
Durant les deux années de gouvernement d’Alejandro Giammattei, on observe une érosion inquiétante des principes et des institutions démocratiques au Guatemala. Le démantèlement progressif du système judiciaire indépendant a gravement porté atteinte à l’état de droit et à la séparation des pouvoirs dans le pays. D’autre part, la criminalisation des journalistes indépendant·es, des défenseur·es des droits humains et des organisations autochtones a contribué à la restriction de l’espace civique avec des violations systématiques des droits de réunion, d’association et d’expression.
L’Observatoire (OMCT et FIDH) et l’Udefegua condamnent fermement la détention et la criminalisation du journaliste José Rubén Zamora et de la procureure adjointe Samari Gómez, et considèrent ces actes comme des représailles de l’Etat guatémaltèque en raison de leur travail légitime en tant que journaliste indépendant et opérateure judiciaire. Les deux organisations exhortent les autorités guatémaltèques à libérer immédiatement et sans condition José Rubén Zamora et Samari Gómez, et à cesser le harcèlement judiciaire contre le journalisme indépendant et les opérateur·es judiciaires indépendant·es.