Quatre ans après l’assassinat de Monseigneur Gerardi L’IMPUNITE : le mot d’ordre au Guatemala !

25/04/2002
Communiqué

A l’occasion du quatrième anniversaire de l’assassinat de Monseigneur Gerardi l’Intercollectif Guatemala exprime sa profonde préoccupation concernant la persistance de l’impunité et des violations des droits de l’homme au Guatemala.

Mgr Gerardi , ancien coordinateur de l’Office des Droits de l’Homme de l’Archevêché (ODHA) a été assassiné le 26 avril 1998 ,deux jours après la présentation du rapport accablant de " Récupération de la Mémoire Historique " (REHMI) qui jetait la lumière sur quatre décennies de guerre civile et de massacres . Ce meurtre constitue un cas emblématique de la pérennité de l’impunité au guatemala.
En effet, il aura fallu attendre trois ans, soit le 8 juin 2001 pour qu’un tribunal du Guatemala rende son verdict et condamne trois militaires et un prêtre pour leur participation à l’assassinat de Mgr Gerardi.

L’Intercollectif Guatemala prend acte de cette amorce de justice, mais il souligne que les auteurs matériels et intellectuels du crime jouissent toujours de la plus totale impunité. Nous espérons vivement que la procédure judiciaire, toujours en cours, aboutisse afin que l’ensemble des responsables de ce crime soient condamnés.
D’autre part, la phase d’investigation a donné lieu à des menaces et des violences aussi bien contre les enquêteurs qu’à l’encontre des personnes apportant leurs témoignages.
A titre d’exemple plusieurs acteurs judiciaires en charge du dossier de l’assassinat de Monseigneur Gerardi, ont dû quitter le pays, comme Selvin Galindo, Henry Monroy, Eduardo Cojulun Sánchez, Marco Zeissig y Jazmin Barros Aguila. Ces intimidations n’ont donné lieu à aucune enquête sérieuse. Aucune élucidation n’a pu être connue.

Nous sommes d’autant plus préoccupés que des menaces et des agressions se multiplient et sont dirigées non seulement contre des juges et des membres des autorités judiciaires, mais également contre des militants des droits de l’homme, des syndicalistes et d’autres secteurs de la société civile. Un autre évêque, Mgr Ramazzini, défenseur des paysans et travailleurs agricoles qui revendiquent un meilleur accès à la terre et des revenus décents dans les plantations de café, faisait l’objet de menaces de mort en mars dernier.
Ces faits s’inscrivent dans le cadre d’un contexte caractérisé par la persistance au plus haut niveau de l’Etat, des appareils d’intelligence militaire et des diverses structures armées parallèles mises en place pendant la guerre civile (PAC , "commissaires militaires", groupes d’action liés à l’intelligence militaire...). L’élection, en 2000, à la présidence du Congrès, du général Ríos Montt qui a exercé le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat dans les années les plus noires de la guerre et fait l’objet de plusieurs plaintes pour génocide, ne fait que renforcer ce climat d’impunité.

La mission internationale d’enquête mandatée par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (programme conjoint de la FIDH et de la OMCT ), qui s’est rendue au Guatemala du 24 mai au 1er juin 2001 a démontré l’ampleur du climat d’insécurité dans lequel vivent ces défenseurs des droits de l’homme, victimes de menaces, de harcèlement, d’actes de violence répétés, ainsi que de plusieurs intrusions et cambriolages ( vols de documents et de matériel de travail) dans leurs locaux. Cette mission a par ailleurs constaté l’absence de volonté politique et d’actions fermes de la part des autorités compétentes pour réprimer et prévenir ces agressions.

Les différentes missions effectuées depuis par les organisations membres de l’Intercollectif n’ont fait que confirmer ces constats : la répression et la remilitarisation de l’Etat s’opposent tragiquement au difficile processus de construction d’un Etat de droit, nécessaire au développement du pays. La mise en place des Accords de Paix signés en 1996 est paralysée. Le contexte économique de récession , notamment avec la chute des prix internationaux du café, aggrave la situation de milliers de familles pauvres.

Cette vague d’agressions et de répression commises envers les défenseurs des droits de l’homme qui a atteint son paroxysme ces deux dernières années, a motivé une résolution du Parlement européen le 11 avril 2002 dont on ne peut que se féliciter. Ce dernier se déclare " Préoccupé par l’escalade des actes d’intimidation à l’encontre de tous ceux qui s’efforcent de lutter contre l’impunité - survivants, témoins, ONG, journalistes, hommes politiques, hommes d’église, dirigeants de travailleurs agricoles.... ". L’Union européenne demandait par ailleurs à travers son délégué M. Phimippe Combescot le 19 avril à Guatemala Ciudad que soient enfin appliqués les Accords de Paix dont l’un des volets touche en premier lieu la lutte contre l’impunité.
Ce climat motive également la visite au Guatemala de Hina Jilani Représentante spéciale du Secrétaire Général de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme du 27 mai au 1er juin.

Devant toutes ces exactions intolérables et quatre ans après l’assassinat de Monseigneur Gerardi , l’Intercollectif
Réaffirme que dans le cadre des efforts visant à lutter contre l’impunité, il importe que l’assassinat de Monseigneur Gerardi soit complètement élucidé et que l’ensemble des auteurs matériels et intellectuels soient condamnés.

Exhorte les autorités guatémaltèques à la mise en place de mesures urgentes et appropriées destinées à mettre un terme aux menaces et harcèlements ou toute autre atteinte aux droits fondamentaux commise à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, en application de la Déclaration sur les défenseurs des droits humains, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.
Rappelle aux autorités compétentes que la lutte contre l’impunité est un axe central pour le renforcement de la démocratie, la réconciliation nationale au Guatemala et l’application des Accords de Paix. Elle constitue un préalable indispensable au développement du pays.

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