Prenant note de la mort de Raul Reyes et de vingt autres membres de la guérilla des FARC sur le territoire de l’Equateur, dont certains ont été tués au cours de l’opération militaire des Forces Armées précolombiennes selon les déclarations du gouvernement équatorien ;
Considérant que cette attaque militaire, qui a eu lieu sur le territoire d’un pays voisin sans aucune consultation avec le gouvernement, a engendré une grave crise diplomatique avec les gouvernements d’Equateur et du Venezuela qui offraient leurs offices pour la libération de toutes les personnes détenues par les FARC ;
Prenant note de la résolution de l’Organisation des Etats Américains du 4 mars 2008 dans laquelle le principe d’inviolabilité du territoire est réaffirmé, une commission d’enquête est créée, celle-ci devant proposer des "formules de rapprochement entre les deux nations (Colombie et Equateur)", et une réunion est convoquée pour le 17 mars afin d’adopter des recommandations ;
Prenant en compte que ces faits graves ont des conséquences dans l’escalade du conflit armé en Colombie, qui dépasse les frontières voisines et peut contribuer à déstabiliser la région, avec un impact négatif sur les droits de l’homme et l’aggravation du drame humanitaire ;
Considérant que la Colombie vit depuis plus d’un demi siècle un conflit armé, que ce drame humanitaire a engendré plus de 4 millions de déplacés, 31 000 prisonniers et disparus [1], plus de 60 000 exécutions extrajudiciaires, que 3 588 fosses communes ont été identifiées, que près de 700 otages seraient aux mains des FARC, et que six millions d’hectares de terre ont été appropriés de manière illégale par les paramilitaires ;
Considérant que, selon les chiffres du Ministère de la Défense colombien, sous la politique de Sécurité Démocratique d’Alvaro Uribe, d’août 2002 à décembre 2007, 107 850 Colombiennes et Colombiens ont été victimes de meurtres Ministère de la Défense : Succès de la Politique de, que, durant le processus dit de "démobilisation paramilitaire", plus de 4 000 personnes ont perdu la vie aux mains de ces groupes, et que l’on recense plus de 1 000 exécutions extrajudiciaires imputables aux Forces Armées au cours de cette période ;
Considérant que la mobilisation massive du 4 février 2008 a clairement mis en avant le rejet des guérillas, en particulier des FARC qui détiennent des otages dans des conditions inhumaines et que les organisateurs de cette manifestation n’ont pas autorisé que soient condamnés les crimes de tous les acteurs armés en Colombie, et en particulier les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre qui sont également imputables à l’Etat et aux groupes paramilitaires ;
Considérant que le 27 février, les FARC ont libéré de manière unilatérale quatre anciens parlementaires de plus, grâce au soutien de la sénatrice Piedad Cordoba et du gouvernement vénézuélien, au cours d’une opération mise en place avec la collaboration du gouvernement colombien ;
Prenant en compte que, en diverses occasions, le Président Uribe a tenté de porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire en dénigrant le travail de la Cour Suprême de Justice et y compris en accusant pénalement le Président de celle-ci suite à la mise en examen par la Cour Suprême de 52 parlementaires proches du gouvernement, en raison de leurs liens avec les paramilitaires ou bine pour leur avoir refusé le statut de "délinquants politiques" ;
Considérant que toutes les victimes du conflit armé en Colombie méritent notre hommage et notre soutien, pour que soient reconnus leurs droits irrévocables à la vérité, à la justice et à la réparation, et que la manifestation d’hier promue par le mouvement national des victimes de crimes contre l’humanité, mérite également notre soutien plein et entier ;
Tenant compte des offenses, calomnies et menaces faites aux organisations des victimes, aux organisations de défense des droits de l’homme et aux mouvements sociaux, dans le contexte de la manifestation du 6 mars, et rendues propices par les porte-paroles du gouvernement colombien ou par des personnes liées à celui-ci ;
Considérant tout ce qui précède, le Bureau International de la FIDH, au nom de sa présidente Souhayr Belhassen, de ses quinze vice-présidents, de ses cinq secrétaires généraux, de son directeur exécutif et de ses secrétaires généraux adjoints, déclare :
– Nous condamnons les crimes internationaux et autres violations massives des droits de l’Homme commises par tous les acteurs du conflit armé colombien.
– Nous approuvons l’appel "Pour la vie, la Paix et la Démocratie" et saluons la quatrième rencontre des organisations de victimes de crimes contre l’humanité en Colombie, qui appelle à la mobilisation de ce 6 mars. Nous soutenons la mobilisation de toutes les victimes du conflit armé en Colombie, sans distinction entre elles ni selon les auteurs de crimes internationaux, et nous réitérons notre soutien pour que leurs droits à la vérité, à la justice et à la réparation soient pleinement respectés.
– Nous appelons les Nations Unies, l’OEA et l’Union Européenne à participer de manière immédiate à une médiation qui puisse contribuer à la résolution du conflit diplomatique entre la Colombie et les pays voisins, à renforcer le groupe de pays amis pour promouvoir l’accord humanitaire qui facilite la libération immédiate de toutes les personnes détenues et, au delà qu’ils contribuent à une sortie politique négociée du conflit armé.
– Nous exigeons du gouvernement colombien qu’il garantisse une démobilisation effective des groupes paramilitaires, et que les crimes atroces qui ont été commis ne demeurent pas impunis.
– Nous approuvons pleinement l’action de la Salle Pénale de la Cour Suprême qui a conduit à l’ouverture d’enquêtes à l’encontre de 52 parlementaires pour leurs liens présumés avec les paramilitaires et leurs complicité dans les crimes commis. Nous exigeons du gouvernement qu’il garantisse l’indépendance effective du pouvoir judiciaire.
– Nous demandons au gouvernement colombien de mettre un terme aux pratiques d’exécutions extrajudiciaires et de destituer et sanctionner les fonctionnaires qui ont encouragé ces crimes, par action ou par omission.
– Nous exigeons que les guérillas mettent fin à la pratique des enlèvements et à toute autre forme de crime international. Nous demandons expressément la libération immédiate et inconditionnelle d’Ingrid Betancourt et des autres otages ainsi que la garantie du respect de leur intégrité.
– Nous demandons au gouvernement colombien de ne pas déployer d’opérations militaires qui mettent en péril la vie des otages et de respecter pleinement le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire
– Nous insistons sur la pleine pertinence, nécessité et urgence d’ouvrir une enquête sur tous les crimes commis relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale depuis le 1er novembre 2002.
– Nous demandons à tous les acteurs de la communauté internationale d’exprimer leur solidarité avec les victimes du conflit interne en Colombie en appuyant la signature urgente d’un accord humanitaire et en permettant également une sortie politique négociée dont nous rappelons qu’elle est la seule issue possible.
– Souhayr Belhassen - Présidente
– Yusuf Alatas - Vice-Président
– Aliaksandr Bialiatski - Vice-président
– Amina Bouayach - Vice-présidente
– Juan Carlos Capurro - Vice-président
– Cynthia GABRIEL -Vice-president
– Sorraya Gutierez Arguello - Vice-présidente
– Fatimata Mbaye - Vice-présidente
– Vilma Nunez de Escorcia - Vice-présidente
– Raji Sourani - Vice-président
– Arnold Tsunga - Vice-président
– Dan Van Raemdonck - Vice-président
– Tanya Ward - Vice-présidente
– Peter WEISS- Vice-président
– Dismas Kitenge Senga -Vice-président
– Karim LAHIDJI - Vice-président
– Luis Guillermo Perez - Secrétaire général
– Olivier De Schutter - Secrétaire général
– Florence Bellivier - Secrétaire générale
– Driss El Yazami - Secrétaire général
– Paul Nsapu Mukulu -Secrétaire général
– Sophie Bessis - Secretaire générale adjointe
– Jiri Kopal - Secrétaire général adjoint
– Elizabeth Allès, Secrétaire générale adjointe
– Janette Habel, Secrétaire générale adjointe