Une Cour d’appel des États-Unis se prononce contre l’ancien président bolivien et son ministre de la Défense dans le massacre de 2003

Le 3 août 2020, Miami (États-Unis) – La Cour d’appel des États-Unis du 11e circuit a annulé aujourd’hui la décision rendue par le tribunal de première instance en faveur de l’ancien président bolivien, Gonzalo Sánchez de Lozada, et de son ministre de la Défense, José Carlos Sánchez Berzaín. Tous deux avaient été condamnés dans le cadre de la tuerie de 2003, où plusieurs individus autochtones non armés avaient trouvé la mort. En avril de 2018, un jury avait établi la responsabilité des anciens hauts fonctionnaires dans le cadre de la loi sur la protection des victimes (Torture Victim Protection Act, TVPA) et avait attribué 10 millions de dollars de dommages et intérêts aux victimes, après un procès qui avait duré un mois, dont six jours de délibération du jury. C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis qu’un ancien chef d’État a dû se présenter devant ses accusateurs dans un procès portant sur la défense des droits humains aux États-Unis.

Lors d’une décision peu habituelle, un mois après que le jury a prononcé son verdict, le tribunal de première instance a rendu son propre jugement sans tenir compte de la décision du jury, dégageant ainsi les défendeurs de toute responsabilité en raison du manque de preuves supposé. En novembre 2019, deux des plaignants, dont la fillette avait été assassinée par des soldats lors du massacre, se sont rendus à Miami pour qu’on examine leur recours en appel.

Aujourd’hui, la Cour d’appel a annulé le jugement du tribunal de district et a renvoyé l’affaire devant ce même tribunal pour engager de nouvelles procédures. De plus, le tribunal de district ayant exercé un abus de pouvoir en acceptant certaines preuves qui étaient avantageuses pour les défendeurs, la Cour d’appel a estimé que les plaignants avaient droit à un nouveau procès portant sur les allégations d’homicide involontaire.

« C’est une formidable nouvelle », a réagi Sonia Espejo, dont l’époux Lucio a été assassiné dans le massacre de 2003. «  Nous luttons depuis si longtemps. Notre combat ne s’arrête pas là, mais aujourd’hui, je suis heureuse. Je me sens enfin apaisée ».

La Cour d’appel a estimé que les plaignants avaient fourni suffisamment de preuves montrant que « les soldats avaient intentionnellement tiré des coups de feu mortels en sachant parfaitement que ces tirs causeraient la mort de civils inoffensifs. Aucune des victimes n’était armée, et rien ne prouvait qu’elles représentaient une menace pour les soldats. Nombre d’entre elles ont été abattues alors qu’elles se trouvaient à l’intérieur d’une maison ou d’un immeuble. D’autres ont été touchées en essayant de se cacher ou de fuir ».

La Cour d’appel a annulé la décision du tribunal de première instance (le tribunal de district) et lui a renvoyé l’affaire afin qu’il (i) décide si le verdict du jury doit être confirmé dans le respect de la règle de droit, et qu’il (ii) ouvre un nouveau procès portant sur les plaintes pour homicide involontaire des plaignants.

En septembre et octobre 2003, sous l’autorité de Sánchez de Lozada et de Sánchez Berzaín, des militaires boliviens ont assassiné 58 de leurs concitoyens et en ont blessés plus de 400, dont la plupart étaient issus de communautés autochtones, dans un contexte d’agitation sociale connue sous le nom de « la Guerre du gaz ». Parmi les victimes, on déplore une fillette de huit ans, une femme enceinte et l’enfant qu’elle portait, ainsi que plusieurs personnes âgées.

Au lendemain du massacre, Sánchez de Lozada et Sánchez Berzaín ont fui aux États-Unis où ils vivent toujours depuis lors. Les anciens chefs militaires et fonctionnaires du gouvernement qui ont agi sous l’autorité de ces deux hommes ont été condamnés en Bolivie en 2003 pour le rôle qu’ils ont joué lors de la . Sánchez de Lozada et Sánchez Berzaín ont été accusés dans la même affaire mais ils n’ont pu être jugés car un procès ne peut se tenir en l’absence de l’accusé selon la législation bolivienne.

« Cette étape est décisive dans la lutte contre l’impunité, non seulement pour les familles de victimes, mais pour la Bolivie tout entière », a précisé Thomas Becker, de la Clinique internationale des droits humains de la Faculté de droit de Harvard. « Nous remportons aujourd’hui une victoire pour la défense des droits humains ».

L’affaire a été portée par les familles de huit personnes qui ont été assassinées durant le massacre. Il s’agit d’Etelvina Ramos Mamani et de Eloy Rojas Mamani, dont la fille de huit ans, Marlene, a été tuée sous les yeux de sa mère après avoir reçu une balle qui a traversé la fenêtre de sa maison ; de Teófilo Baltazar Cerro, dont l’épouse enceinte, Teodosia, a été tuée après avoir reçu une balle qui a traversé le mur de leur maison ; de Felicidad Rosa Huanca Quispe, dont le père Raúl âgé de 69 ans a été abattu au bord d’une route ; et de Gonzalo Mamani Aguilar, dont le père Arturo a été assassiné par balles alors qu’il s’occupait de son potager.

« Nous sommes heureux que les familles qui ont perdu des êtres chers lors du massacre de 2003 aient remporté une victoire décisive », s’est réjoui Beth Stephens, une avocate représentant le Center for Constitutional Rights.

Lors du procès qui a duré trois semaines, un ancien soldat de l’armée bolivienne a déclaré qu’on lui avait donné l’ordre de tirer sur « tout ce qui bougeait » au sein de la population civile. Un autre témoin a vu un officier militaire tuer un soldat qui refusait de suivre les ordres et de tirer sur des civils désarmés. Ces témoins ont également rapporté qu’il y avait des tanks qui circulaient dans les rues avec des soldats qui tiraient des rafales pendant des heures. Ils allaient même jusqu’à tirer sur des habitations et des civils désarmés en fuite. Malgré tous ces témoignages, en écartant le verdict du jury, le juge de première instance a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir la responsabilité des accusés dans la perpétration d’exécutions extrajudiciaires. L’affaire, Mamani c. Sánchez de Lozada et Sánchez Berzaín (EN), a été instruite en 2007 en vertu de la loi TVPA (Torture Victim Prevention Act), qui permet d’obtenir réparation pour les préjudices encourus dans les cas d’exécutions extrajudiciaires devant les tribunaux fédéraux des États-Unis. Cette affaire comportait des allégations selon lesquelles Sánchez de Lozada et Sánchez Berzaín avaient planifié et ordonné les assassinats.

« Dans le cadre de son activité pro bono, le cabinet d’avocats Akin Gump a eu l’honneur de travailler avec ces familles boliviennes pendant plus de 13 ans », a constaté Steven Schulman, partenaire de l’activité pro bono d’Akin Gump Strauss Hauer & Feld LLP. « Nous nous réjouissons que le 11e circuit ait examiné attentivement les éléments que nous avons présentés lors du procès, et qu’il pense, comme nous, que le tribunal de district n’aurait pas dû supplanter le verdict du jury comme il l’a fait ».

Les familles sont représentées par une équipe d’avocats du Center for Constitutional Rights de la Clinique internationale des droits humains de la Faculté de droit de Harvard et des cabinets d’avocats d’Akin Gump Strauss Hauer & Feld LLP, et Schonbrun, Seplow, Harris & Hoffman, LLP.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page de l’affaire du Center for Constitutional rights.

La Clinique internationale des droits humains de la Faculté de droit de Harvard a pour vocation de protéger les droits humains de clients et de communautés dans le monde entier. Les étudiants qui sont accompagnés sur le terrain apprennent à établir les responsabilités et à connaître les instruments liés à la défense des droits humains.

Cliquez sur le lien suivant pour plus d’information sur la question :
http://hrp.law.harvard.edu/.
Suivez la Clinique sur les réseaux sociaux : Programme de droits humains de la Faculté de droit de Harvard sur Facebook, @HarvardLawHRP sur Twitter et humanrightsharvardlaw sur Instagram.

Le Center for Constitutional Rights travaille avec les communautés menacées pour lutter pour la justice par le biais du contentieux, de la défense et via des communications stratégiques. Depuis 1966, le Center for Constitutional Rights a dû faire face à des systèmes de pouvoir répressifs, notamment à un racisme structurel, une domination des hommes sur les femmes, des inégalités économiques et un excès de pouvoir du gouvernement.

Pour en savoir plus, suivez le lien : ccrjustice.org. Suivez le Center for Constitutional Rights sur les réseaux sociaux : Center for Constitutional Rights sur Facebook, @theCCR sur Twitter et ccrjustice sur Instagram.

Contact : press@ccrjustice.org

Lire la suite