USA : la violence du Capitole a été fomentée par les suprémacistes blancs

07/01/2021
Communiqué
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Charles Deluvio

Le Center for Constitutional Rights, organisation américaine membre de la FIDH, tient à faire la déclaration suivante : la violente insurrection de la droite qui a eu lieu au Capitole, tout ce qui y a mené et tout ce qui l’a entourée n’a à voir avec une seule et même chose : la suprématie blanche.

Les émeutiers suprémacistes blancs armés explosant les fenêtres, mettant les bureaux à sac et introduisant le drapeau des Confédérés à l’intérieur du Capitole parce que leur candidat a perdu ; la police suprémaciste blanche qui affiche ses positions politiques, ses allégeances et son hypocrisie ; les membres suprémacistes blancs du Congrès qui ont soit tenté de renverser une élection démocratique, soit ont soudainement été choqués - choqués ! - des déclarations sur le comportement de leurs partisans. Et enfin, le président suprémaciste blanc, Donald Trump, qui a menti sur l’élection qu’il a perdue, qui a menti encore, et qui a poussé ses partisans à la violence avant de les qualifier de "très spéciaux" une fois la destruction accomplie.

ÉLIMINER TRUMP

Nous ne pouvons risquer un jour de plus de Trump au pouvoir. Le vice-président ou son cabinet doivent invoquer le 25ème amendement, ou bien le Congrès doit engager une procédure de destitution et le faire quitter immédiatement la Maison Blanche parce qu’il n’est pas fait pour ce poste, qu’il met le pays en danger et qu’il est capable de créer un chaos encore plus grand pendant les jours qui restent.

Trump a incité à la violence raciale, il a encouragé les suprémacistes blancs tout au long de sa carrière, de l’appel à la peine de mort pour des adolescents noirs injustement accusés dans le dossier d’un jogger tué à Central Park à la mise en doute du certificat de naissance du président Obama ; de l’invocation des « violeurs » mexicains le jour de l’annonce de sa candidature à presque toutes les mesures qu’il a adoptées en tant que président ; enfin, de l’incitation directe à la violence en ordonnant à ses partisans de défiler sur Pennsylvania Avenue et de se diriger vers le Congrès dans une démonstration de "force" au "nous vous aimons" qu’il leur a lancé après la prise de contrôle du Capitole.

On va nous dire que ça n’a rien à voir avec ce qu’est notre pays mais c’est pourtant ce que notre pays a toujours été. Les États-Unis sont un pays dont la fondation, l’histoire, la politique intérieure et étrangère actuelle trouvent leur source dans la suprématie blanche. Et cela n’a jamais été aussi vrai qu’en matière de complicité et de collaboration policière.

COMPLICITÉ POLICIÈRE

Comparons la différence de traitement racial des forces de l’ordre pendant le mouvement pacifiste Black Lives Matter cet été – balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes – avec celui réservé à des voyous blancs armés déferlant sur le Capitole – ouvrant les portes, laissant les gens qui venaient d’exploser les fenêtres et défoncer les portes entrer avec armes et bombes, laissant des patrouilles sans commandement, le tout sous l’oeil des caméras et des téléphones. Or il n’y a pas que les manifestants du mouvement BLM qui ont été traités différemment : souvenez-vous des manifestations pour le maintien du système de santé où la police s’en est pris à des personnes handicapées ; souvenez-vous des manifestations contre la politique migratoire appliquée aux enfants où des dizaines de manifestants assis par terre dans les bureaux de leurs représentants ont été arrêtés. La police du Capitole avait même tué une femme noire, Miriam Carey, qui avait fait demi-tour devant un poste de contrôle.

Ceux qui sont au pouvoir ont failli dans leur capacité à prendre au sérieux la menace de la violence suprémaciste blanche et ont réservé leurs méthodes brutales aux manifestants noirs, hispaniques, indigènes, LGBTQIA+ et à leurs alliés. Cela ne veut pas dire que la police devrait user de telles méthodes contre les suprémacistes blancs. Mais les vidéos et les selfies de la police collaborant avec les émeutiers du Capitole pour faciliter cette violence nationaliste devraient relancer les discussions sur le financement et la démilitarisation des forces de police. Et nous rappeler qu’elles ne sont pas là pour assurer notre sécurité et qu’elles ne l’ont jamais été. Depuis le début, la fonction des forces de l’ordre de ce pays est de faire respecter les lois de l’esclavage en assurant le retour de ceux qui s’étaient échappés à ceux qui les avaient esclavagisés. C’est une longue histoire que celle de la police laissant faire, encourageant et même participant à la violence de la foule suprémaciste blanche, dont quelques tentatives violentes de renverser un gouvernement démocratiquement élu (Wilmington, 1898).

Les décennies de violences policières contre les Noirs, les Hispaniques, les handicapés, les personnes sexuellement non conformes, les peuples autochtones s’inscrivent dans une totale impunité, approuvée par l’État. Tout cela a contribué à valoriser fondamentalement les suprémacistes blancs et à encourager un climat dans lequel le peuple blanc pense que c’est à lui de corriger violemment une situation qui verrait un changement de pouvoir – ou une élection – qui ne leur serait pas favorable. 



L’ÉTIQUETTE TERRORISTE


Certains voudront qualifier les auteurs du pillage du Capitole de terroristes mais méfions-nous de ce genre d’étiquette. Bien qu’il soit intéressant de noter l’hypocrisie avec laquelle toute dissidence ou action politique perturbante commise par des Musulmans ou par des Noirs est automatiquement - et sans l’analyse minutieuse des termes que nous voyons maintenant - désignée sous le terme de "terrorisme", les mêmes critiques s’appliquent ici et là : ce mot ne sert qu’à alimenter la peur et à justifier le gonflement des budgets et l’affinement des outils de répression (listes de surveillance, législation antiterroriste, budgets des groupes de travail) dont l’histoire a montré qu’ils étaient toujours finalement, et violemment, déployés contre les Noirs et les Hispaniques. Ces outils se retourneront toujours contre nos communautés.

PROGRÈS NOIR, RETOUR DE BÂTON BLANC

Le président élu Joe Biden a parlé d’un « petit groupe d’extrêmistes » ; beaucoup ont dit « ce n’est pas ce que nous sommes », « ce sont de mauvais éléments », « les Américains sont capables de tout quand ils sont ensemble ». Cette adhésion à l’exceptionnalisme américain est dangereuse parce que c’est justement cela, de l’exceptionnalisme, et que ça ne tient pas compte des siècles de répression et d’exploitation de la suprématie blanche.
Tout au long de la journée, les commentateurs ont expliqué que ce que nous avons vu au Capitole est quelque chose que nous nous attendons à voir au Venezuela, en Colombie ou en Bolivie mais pas ici (ndlr aux États-Unis). Pendant tout ce temps, Trump a alimenté et permis la répression et les attaques contre les dissidents, les défenseurs des droits humains, les journalistes et les communautés vulnérables à travers le monde. Les États-Unis ont un long héritage de déstabilisation illégale des nations du Sud par des moyens violents comme les tentatives de coup d’État.

L’exceptionnalisme autorise des interventions sans fin à l’étranger, y compris lors d’élections étrangères, et nous permet de raconter des histoires triomphales sur les États-Unis qui mettent en avant Lincoln, le mouvement des droits civiques et l’élection du président Obama, tout en omettant de parler des réactions instinctives et virulentes des tenants de la suprématie blanche à chaque fois, de la violence policière aux efforts redoublés pour priver les électeurs de leur droit de vote. Les banalités apaisantes sur les mauvaises éléments nous aveuglent sur l’existence de cette histoire et de ces forces, alors qu’il est plus que temps de les affronter ouvertement.

Cette semaine fut un microcosme de cette histoire - la mobilisation réussie des Noirs et de leurs alliés pour la liberté et le pouvoir, suivie par la violence des suprémacistes blancs inspirée par un démagogue qui profite politiquement et financièrement de l’exploitation du racisme profond de ce pays, suivi par des élites qui détournent le regard, tournent la page et essaient de revenir à leurs habitudes. Alors que le monde se précipite vers un avenir meilleur, les communautés de couleur se retrouvent avec le mal de ce qui s’est passé le 6 janvier. Ces événements devraient montrer clairement que nous devons aller plus loin, reconnaître que nous ne sommes pas exceptionnels, réparer la démocratie et démanteler la suprématie blanche.

La journée avait commencé dans la joie et l’excitation de l’élection du premier sénateur noir de Géorgie, un État confédéré, grâce à une organisation de masse menée par des femmes noires et à une participation sans précédent des électeurs noirs malgré les efforts considérables déployés pour les empêcher de voter. Elle s’est terminée par des images du personnel noir du Capitole, nettoyant les dégâts causés par les tenants de la suprématie blanche, alors que les racistes violents se prélassaient tous – sans masques - devant des bières dans les bars de leurs hôtels. Le mouvement Black Lives Matter l’a dit clairement : quand on construit le pouvoir, il faut s’attendre à la résistance. Même si les tenants de la suprématie blanche et leurs facilitateurs s’accrochent désespérément au statu quo, le changement est en marche.

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