Négociations secrètes d’un accord de coopération judiciaire entre l’Union européenne et les Etats-Unis : la FIDH s’interroge et s’inquiète pour le respect des droits fondamentaux.

La FIDH et l’Association européenne pour la défense des Droits de l’Homme (FIDH-AE) ont pris
connaissance d’une copie confidentielle du programme de négociation d’un accord entre l’Union
européenne et les Etats-Unis sur la coopération judiciaire en matière criminelle [1].

L’état actuel de ce projet, qui doit être discuté plus en détails lors de la réunion informelle des
ministres de la justice et de l’intérieur des Quinze le 13 septembre prochain à Copenhague, laisse à
craindre que la pression américaine ne conduise l’Union européenne à remettre en question un
certain nombre de ses engagements fondamentaux en matière de droits de l’Homme.

A l’origine, cet accord devait se limiter à la coopération dans la lutte contre le terrorisme mais le
Conseil de l’Union européenne a progressivement élargi le mandat de négociations à la
« coopération criminelle ».

En premier lieu, la FIDH et la FIDH-AE déplorent que l’Union européenne ait choisi de négocier de
tels accords en éludant tout contrôle démocratique. L’utilisation des articles 38 et 24 du traité de
l’Union européenne permet en effet aux négociateurs de se soustraire à tout regard extérieur critique,
qu’il s’agisse des parlements nationaux, du parlement européen ou encore de la société civile.

Sur le fond, ce projet de programme de négociation précise certes en introduction que « L’accord
doit contenir les nécessaires garanties pour la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et doit respecter les principes constitutionnels des Etats membres » (Titre « Affaires
générales » a.2 ).

Toutefois, comme l’ONG britannique Statewatch qui a révélé l’affaire, la FIDH et la FIDH-AE sont
particulièrement préoccupées par l’opacité de certaines « lignes de négociation » que s’apprête à
suivre l’Union européenne. A titre d’exemple :

 Sous le titre « Garanties et sauvegardes » :
 Le texte se limite à indiquer que l’Union européenne soulèvera le problème de la
protection des données « à un stade ultérieur ».
 Il est prévu que l’Union européenne « informe les Etats-Unis que certains Etats
membres pourraient souhaiter des dispositions spécifiques » concernant la peine de
mort.

Sous le titre « Extradition » :

 Le mandat de négociation évoque la possibilité de limiter les exceptions à
l’obligation d’extradition pour des délits politiques. Ces exceptions pourraient ainsi
être « affaiblies » en adoptant une « approche moderne en particulier par rapport au
terrorisme »
 « Quelques » Etats membres seraient disposés à fournir des preuves et des témoins
lors de procès aux Etats-Unis impliquant la peine capitale...
La FIDH et la FIDH-AE rappellent solennellement que ni l’Union européenne ni ses Etats membres
ne peuvent prétendre coopérer au service du droit en s’affranchissant du respect des règles de droit
les plus fondamentales. Aucune conjoncture, aucun rapport de forces ne saurait légitimer l’abandon
des principes fondateurs de l’Union.

La FIDH et la FIDH-AE exhortent donc les ministres de la justice et de l’intérieur ainsi que les hauts
fonctionnaires du « Comité 36 » chargés de ces négociations, à ne céder à aucune pression,
notamment de la part du gouvernement US, et à affirmer clairement les engagements pris par l’Union
européenne en matière de droits de l’Homme, en particulier en ce qui concerne son combat pour
l’abolition universelle de la peine de mort [2]. Le point 2 précité du titre « Affaires générales » doit
rester la principale ligne directrice.

La FIDH et la FIDH-AE demandent également à la Commission européenne de jouer son rôle de
gardienne des traités et de peser de tout son poids pour orienter l’Union européenne vers des lignes
de négociations en parfaite conformité avec ses valeurs constitutives [3].

Sidiki Kaba
Président de la FIDH

Dan Van Raemdonck
Président de la FIDH-AE

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