Quito, le 10 octobre 2025. Ces protestations sont l’expression du mécontentement des citoyen·nes face à l’insécurité, à la crise économique et à l’absence de réponse de l’État aux revendications sociales légitimes. La réaction de l’État a été particulièrement répressive. Des convois militaires et policiers ont été déployés en réponse aux manifestations, dont un de plus de 100 véhicules qui a quitté Quito pour se rendre à Imbabura le 28 septembre, sous la direction des ministres de l’Intérieur et de la Défense. Les forces armées sont intervenues pour maintenir l’ordre public, une tâche qui ne leur incombe normalement pas, et ont fait usage de la force disproportionné en utilisant des armes à feu.
Selon le suivi effectué par Alianza por los Derechos Humanos, à ce jour, 252 cas de violation des droits humains, 124 personnes blessées et un décès ont été enregistrés dans le cadre de la répression de l’État. Bien que les chiffres officiels fassent état de 111 personnes arrêtées, l’Alliance a documenté 101 détentions arbitraires et au moins 12 personnes ayant fait l’objet de disparitions forcées de courte durée, dont une personne handicapée. À Cotacachi, Otavalo et La Esperanza, des coupures d’Internet et de téléphone portable ont été signalées, une forme de censure qui empêche les manifestant·es, les professionnel·les de la communication et les défenseur·es des droits humains de communiquer et de dénoncer les violations. En outre, il a été rapporté des arrestations massives, des procédures judiciaires arbitraires, la désinformation, le blocage de comptes bancaires, la criminalisation des fonctionnaires de justice, des défenseur·es des droits humains et des journalistes, ainsi que des expulsions sommaires.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains (HCDH) a exprimé son inquiétude face à l’escalade de la violence en Équateur et a lancé un appel urgent au dialogue entre l’État et les secteurs mobilisés, soulignant la nécessité de garantir la protection des droits humains et la vie de toutes les personnes concernées. Il rappelle également qu’il est du devoir de l’État d’enquêter sur l’usage illicite de la force et que les forces militaires ne sont pas formées pour assurer la sécurité des citoyen·nes.
Rappelons que la protestation pacifique est un droit fondamental, étroitement lié à la liberté d’expression, de réunion, d’association et de participation publique. Les États sont dans l’obligation de respecter, de protéger et de garantir son exercice, c’est-à-dire d’assurer des conditions sûres pour la mobilisation, de faciliter les appels à manifester en ligne et de protéger le travail des journalistes et des défenseur·es des droits humains, entre autres. Le recours à la force n’est légitime que s’il respecte les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité (en limitant son utilisation au strict nécessaire et proportionnel au risque), et la participation des forces armées au maintien de l’ordre public est contraire aux normes internationales et augmente le risque de violations graves.
Pour toutes ces raisons, les organisations signataires exigent de l’État équatorien qu’il cesse immédiatement le recours à une force disproportionnée, qu’il garantisse le droit de protester pacifiquement et qu’il ouvre des espaces de dialogue authentique avec la société mobilisée. Nous appelons en outre la communauté internationale, y compris la Commission interamericaine des droits de l’homme et les Nations unies, à condamner la répression, à demander des informations officielles et à effectuer des visites de contrôle sur le terrain afin de constater la gravité des violations des droits humains.