El Salvador : la traque des défenseur·es des droits humains atteint un nouveau seuil

28/05/2025
Communiqué
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Cristosal
  • L’avocate et défenseure des droits humains Ruth López a été arrêtée sans mandat. Disparue pendant plus de 12 heures, elle est aujourd’hui détenue sans inculpation. 
  • Dans un contexte d’état d’urgence, l’approbation de la nouvelle loi sur les « agents étrangers » restreint encore davantage l’espace de la société civile au Salvador.
  • La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), par leur programme commun de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, appellent les autorités salvadoriennes à la libérer immédiatement et la communauté internationale à ne pas rester silencieuse face à la persécution continue des défenseur·es des droits.

Paris, Genève, 28 mai 2025. L’arbitraire devient la règle pour faire taire les voix indépendantes au Salvador. Le 18 mai 2025 à 23h, Ruth López, avocate renommée et cheffe de l’Unité anticorruption de l’organisation Cristosal, a été arrêtée à son domicile par la police nationale civile. Privée de contact avec sa famille et ses avocats pendant plus de 12 heures, elle a été déplacée sans explication à travers plusieurs lieux de détention. À ce jour, aucun chef d’inculpation n’a été formellement présenté à son encontre, alors même que le parquet l’accuse publiquement de détournement de fonds.

«  Ce que subit Ruth López n’est pas un cas isolé : c’est une stratégie de terreur qui vise à faire taire celles et ceux qui osent dire la vérité  », déclare Jimena Reyes, responsable du bureau Amériques à la FIDH.

Cristosal, ONG fondée par des évêques anglicans et engagée dans la défense des personnes déplacées, persécutées ou en situation de vulnérabilité, est dans le viseur des autorités. Son travail devient de plus en plus difficile, dans un pays qui sombre dans l’autoritarisme. Elle rejoint désormais d’autres organisations ciblées par le gouvernement, comme la Unidad De Defensa De Derechos Humanos Y Comunitarios (UNIDEHC).

La liberté de la presse est également menacée, avec les attaques récentes contre les journalistes du média en ligne El Faro, suite à la révélation de liens présumés entre le gouvernement et les structures du crime organisé. Dernière offensive en date : l’adoption le 20 mai 2025 de la « loi des agents étrangers », une législation liberticide qui menace la survie financière et l’existence même de la société civile indépendante.

« Nous assistons à une instrumentalisation effrayante du droit pénal pour faire taire les voix critiques. Ce climat de peur est incompatible avec l’état de droit et la démocratie », déclare Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

Une loi pour faire taire la société civile

Votée dans l’urgence, la « loi des agents étrangers » impose aux ONG recevant des financements internationaux de s’enregistrer comme telles, sous peine de sanctions. Une taxe de 30 % est appliquée à ces fonds, et toute activité jugée politique est interdite — une formulation vague laissant place à l’arbitraire le plus total. Ce texte s’inspire de lois déjà utilisées pour réprimer les contre-pouvoirs dans des régimes autoritaires tels que le Nicaragua, et marque une nouvelle étape dans la criminalisation de la solidarité au Salvador, sous régime d’exception depuis mars 2022.

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