Résolution sur des garanties pour la vie des défenseur.e.s des droits humains et des dirigeant.e.s sociaux en Colombie

19/11/2019
Déclaration

La FIDH réunie pour son 40e Congrès mondial à Taipei, Taiwan, du 21 au 25 octobre 2019, rend publique sa préoccupation pour les agressions commises contre des personnes défenseures des droits humains, des hommes et des femmes dirigeants sociaux en Colombie. La FIDH demande aussi au gouvernement du président Iván Duque Márquez de garantir et de protéger ses efforts.

CONSIDÉRANT

• Que la signature de l’Accord final de paix entre le gouvernement et l’ancienne guérilla FARC-EP constitue une opportunité historique pour surmonter le conflit armé et ses causes, telles que l’exclusion politique, économique et sociale, particulièrement en ce qui concerne les zones rurales les plus affectées par le conflit et dans lesquelles l’action de l’État pour faire respecter les droits a été pauvre.

• Que malgré des avancées notables, le paysage politique actuel menace le respect de l’Accord de paix, alors que s’intensifient les violences commises contre des personnes défenseures de droits humains et d’anciens combattants de FARC-EP en cours de réinsertion et leurs familles.

• Que du 24 novembre 2016, date à laquelle l’Accord de paix a été signé, au mois de juin 2019, 591 dirigeants sociaux et personnes défenseures des droits humains, 135 ex guerrilleros des FARC – EP en cours de réinsertion et 35 membres de leurs familles1 ont été assassinés.

• Que durant la première année du gouvernement du président Iván Duque Márquez, au moins 212 dirigeants sociaux et personnes défenseures des droits humains et 44 membres de la FARC en cours de réinsertion ont été assassinés2.

• Que les attaques ont été commises contre des dirigeants communaux, des personnes défenseures de communautés rurales, des descendants afro-américains et des indigènes qui défendent leurs territoires, qui travaillent dans le remplacement de cultures d’usage illicite ou pour la défense de l’environnement.

• Que dans les cas d’assassinat de femmes défenseures, les sévices ainsi que la présence de risques différenciés, les agressions contre leurs enfants, les menaces, la stigmatisation, la violence sexuelle et les féminicides et/ou les cas de violences basées sur le genre, tels que la torture et la violence sexuelle, se sont tous intensifiés. Au même moment, les personnes défenseures de la population LGBT3 sont confrontées à des discours discriminatoires qui les rendent plus vulnérables.

• Que diverses organisations de droits humains ont constaté que ces agressions se sont concentrées sur des territoires avec une grande présence militaire ou bien dans lesquels des activités extractives légales et illégales sont menées, ces actions étant exécutées principalement par le biais de structures paramilitaires qui bénéficient de la tolérance ou du soutien d’agents étatiques et de secteurs liés à de grands projets agro-industriels, à la concentration de la terre, qui s’opposent à la restitution de la terre et à la réforme rurale intégrale.

• Que les violations se produisent dans un contexte de stigmatisation du travail réalisé par des personnes défenseures des droits humains, particulièrement celles qui vivent dans des zones rurales caractérisées par le manque de services de base adéquats, des niveaux de pauvreté élevés, des économies liées aux cultures de produits d’usage illicite, avec la présence de structures armées illégales et une l’action de l’État qui rend dominante la présence militaire.

• Qu’il n’existe pas d’avancées significatives concernant les enquêtes qui pourraient permettre de clarifier, mener des investigations et juger les responsables des homicides, agressions et multiples violences commises contre les hommes et les femmes défenseurs des droits humains et dirigeants sociaux.

• Que la réponse de l’État est insuffisante et se limite à lancer un Plan d’action opportune (PAO) qui, au lieu de promouvoir la présence d’institutions civiles sur les territoires, renforce les forces militaires et fragilise les institutions crées conformément à l’Accord de paix telle que la Commission nationale des garanties de sécurité responsable de définir la politique de démantèlement des groupes paramilitaires - principaux auteurs d’agressions contre les défenseurs - ainsi que les décrets de protection collective des communautés.

• Que la situation s’aggrave avec la stigmatisation de la contestation sociale par de hauts fonctionnaires du gouvernement, le traitement apparenté à une guerre contre la contestation sociale par le biais de la militarisation, l’usage injustifié et disproportionné de la force et le refus de respecter le protocole visant à garantir le droit à la contestation sociale.
Le Congrès de la FIDH demande au gouvernement :

 D’élaborer une politique de garanties pour la défense des droits humains, en partant de la nécessité de démilitariser les moyens de protection et d’assurer l’intervention de l’État pour garantir les efforts de défense des droits humains.

 De faire appliquer les mesures comprises dans l’Accord final de paix, le programme de protection collective pour les communautés, les garanties de sécurité, la politique publique de démantèlement du mouvement paramilitaire par le biais de la Commission nationale de garanties de sécurité, la législation pour que ces structures soient traduites en justice avec la participation de la société civile et la politique contre la stigmatisation des personnes défenseures.

 Mettre en place le programme intégral de garanties pour les femmes dirigeantes et défenseures des droits humains.

 De progresser dans l’élucidation des actes criminels contre des personnes défenseures de droits humains et membres du parti FARC en cours de réinsertion, et notamment : l’identification, l’arrestation, le jugement et la condamnation des auteurs ayant participé de manière physique et intellectuelle, et l’identification des chefs et des structures qui sont derrière les agressions.

 De garantir et de respecter la mobilisation et la contestation sociale et d’adopter une loi statutaire conformément aux standards internationaux et sur la base des propositions présentées par les organisations de la société civile.

 D’appliquer les recommandations des organismes internationaux de protection des droits humains, particulièrement celles adoptés par le rapporteur sur les défenseurs de la Commission internationale des droits de l’homme et Michael Forst, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

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